Cet article est le premier d’un article en trois parties sur l’histoire du Parti québécois. Les parties suivantes seront publiées au cours des prochaines semaines.
Les élections d’octobre 2018 ont coïncidé avec le 50e anniversaire de la fondation du Parti québécois, qui a eu lieu le 11 octobre 1968. Pour l’occasion, le PQ a subi la pire défaite électorale de son histoire, n’ayant récolté que 17,06% des suffrages et dix sièges. Cette défaite historique marque la fin d’une époque, et le PQ pourrait très bien être en déclin irréversible.
À l’occasion du 50e du parti, nous nous proposons de revisiter son histoire afin de rétablir les faits sur ce que fut vraiment le Parti québécois et ses rapports avec le mouvement ouvrier. Il existe au Québec toute une mythologie nationaliste entourant le PQ qui tend à masquer le fait que le parti a été, à différentes époques, un outil de choix pour imposer l’austérité et attaquer la classe ouvrière au nom de la classe capitaliste québécoise.
La Révolution tranquille
On ne peut comprendre le rôle joué par le PQ sans revenir sur le contexte qui a mené à sa fondation. Le PQ est né dans la période la plus turbulente de l’histoire du Québec, une période qui allait voir la classe ouvrière prendre le devant de la scène pour tenter de transformer la société.
Même si on pourrait dire que la Révolution tranquille avait commencé avec les mouvements ouvriers des années 50 (Asbestos en 1949, Louiseville et Dupuis Frères en 1952, Murdochville en 1957), c’est à partir de l’arrivée au pouvoir de Jean Lesage et du Parti libéral en 1960 que les réformes de la Révolution tranquille vont être mises en place. Les années 50-60 sont la période d’essor du mouvement nationaliste moderne. Le slogan des libéraux de 1962, « Maîtres chez nous », résonnait avec le désir des masses de se libérer de l’oppression nationale et de la domination impérialiste. C’est en surfant sur cette vague que les libéraux réussissent à prendre le pouvoir.
Soit dit en passant, on pense souvent que le Parti québécois a été le seul parti « social-démocrate » au pouvoir au Québec. Mais dans les faits, les plus grandes réformes de l’histoire du Québec sont l’oeuvre du Parti libéral de Lesage! La nationalisation de l’hydroélectricité, la création des CÉGEPs et de l’Université du Québec et le nouveau Code du travail, entre autres, ont été les réformes « sociales-démocrates » marquantes du gouvernement Lesage, pendant la première moitié des années 60.
Bien entendu, le PLQ n’a pas concédé ces réformes par altruisme ou amour des travailleurs. Les travailleurs ont dû lutter activement pour gagner le Code du travail. De plus, la nationalisation de l’hydroélectricité avait avant tout pour but de stimuler le développement du secteur privé, notamment en région. Lesage affirmait que ce n’était pas « le début d’une campagne de socialisation générale à travers le Québec » (Denis, p. 240). Paul Sauriol, journaliste et auteur du livre La nationalisation de l’hydroélectricité publié en 1962, expliquait que cette industrie serait « comme une grande école d’où sortiraient des chefs bien préparés pour prendre la direction des industries qui vont naître chez-nous ou qui vont passer aux mains des nôtres par suite de la mobilisation croissante de nos capitaux d’épargne » (Denis, p. 239). De même, René Lévesque explique dans ses mémoires :« le contrôle d’un aussi vaste secteur d’activité, essentiel au développement de chacune de nos régions, ne constituerait-il pas une véritable école de compétence, cette pépinière de constructeurs et d’administrateurs dont nous avions si cruellement besoin? » (Lévesque, p. 234).
De plus, les sociétés d’État SIDBEC (sidérurgie), SOQUEM (exploration minière) et REXFOR (secteur forestier) sont créées au cours de la première moitié des années 60. Les libéraux mettent également sur pied en 1962 la Société générale de financement. Cette société d’État vise à réunir des fonds pour financer des entreprises québécoises et réduire la dépendance du Québec aux capitaux étrangers. Puis, en 1965, la Caisse de dépôt et placement est créée afin d’investir les sommes colossales rassemblées par le Régime des rentes du Québec et les autres comptes du gouvernement du Québec. En achetant massivement des obligations du gouvernement du Québec, elle permet de réduire la domination des banques étrangères. L’État québécois allait donc être utilisé pour stimuler le développement d’une bourgeoisie proprement québécoise et limiter la place des capitaux étrangers dans le marché financier québécois.
Vers le milieu des années 60, la Révolution tranquille en arrive à une impasse qui se fait ressentir chez toutes les couches de la société. Les libéraux avaient réussi à gagner un certain appui chez les travailleurs pour leurs réformes, mais celles-ci restaient incomplètes. Les grèves et les luttes ouvrières, qui n’avaient pas cessé malgré l’arrivée au pouvoir des libéraux (grèves dans les hôpitaux en 1964, lockout à La Presse la même année, bataille pour le Code du travail également cette année-là), se multiplient à partir du milieu des années 60. Le Code du travail gagné par les travailleurs donne notamment le droit de grève aux employés du secteur public. Dans ses mémoires, au sujet du Code du travail, Lévesque affirme : « Concernant par ailleurs la montée du syndicalisme, c’est aussi en 1964 qu’on nous vit non seulement dépasser tout le monde, mais peut-être même dépasser les bornes » (Lévesque, p. 249).
Les réformes de la Révolution tranquille avaient ouvert un espace pour la formation d’une véritable bourgeoisie nationale québécoise, mais elles n’ont bien sûr pas aboli les contradictions du capitalisme. Le retour des crises économiques dès 1965-1967 se fait ressentir chez la classe ouvrière. Le chômage, ayant diminué de 9,2% à 4,7% entre 1960 et 1966, passe de 5,3% à 8,3% entre 1967 et 1972. Le projet nationaliste « Maîtres chez nous » se divise sur des lignes de classe. Par leurs réformes, les libéraux avaient voulu aller chercher la paix des classes et construire un État capitaliste québécois moderne, mais les travailleurs en veulent davantage. De plus en plus, la classe ouvrière se met en mouvement afin de réaliser sa propre émancipation. En 1966-1967, pour la première fois, il y a davantage de conflits ouvriers au Québec qu’en Ontario, malgré que l’Ontario a à l’époque 200 000 travailleurs syndiqués de plus. Malgré les avancées de la Révolution tranquille, les salaires demeurent bas.
Tandis que la classe ouvrière prend la voie de l’action indépendante, l’impasse de la Révolution tranquille se reflète également au sein des autres classes et des partis politiques. En marge des grands partis apparaît le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), un petit parti indépendantiste à la gauche du PLQ fondé en 1963. Chez l’Union nationale, Daniel Johnson suggère la possibilité de l’indépendance du Québec dans son livre Égalité ou indépendance publié en 1965. Au sein du Parti libéral du Québec, évincé du pouvoir en 1966 par l’UN, René Lévesque propose la souveraineté-association (l’indépendance tout en maintenant un partenariat économique avec le Canada) au congrès du parti en 1967. En minorité au congrès, Lévesque claque la porte du parti pour fonder le Mouvement Souveraineté-Association (MSA).
René Lévesque était devenu une figure extrêmement populaire au cours de la Révolution tranquille. Après s’être fait connaître comme journaliste à Radio-Canada, c’est lui qui avait été ministre des Ressources naturelles lors de la nationalisation de l’hydroélectricité sous le gouvernement libéral de Jean Lesage. Sa popularité personnelle a fait du MSA un pôle d’attraction. En janvier 1968, il publie son célèbre Option Québec, où il explique son idée de la souveraineté-association. Dans ses mémoires, il reviendra sur ce projet : « À la simplicité des lignes maîtresses s’ajoutait cet autre avantage paradoxal : loin d’être révolutionnaire, l’idée était presque banale. […] Surtout, et plus sérieusement, l’indépendance s’était tellement promenée dans la rue avec le RIN, acquérant de manif en manif un caractère absolu, durci comme s’il pouvait s’agir d’une fin en soi, que son nom n’était plus, hélas, qu’un appel à la matraque! » (Lévesque, p. 288). Plus tard dans l’année 1968, le MSA entame des négociations avec les autres partis indépendantistes, le Ralliement national (RN) de droite ainsi que le Rassemblement pour l’Indépendance nationale (RIN), plus à gauche.
Au final, le Parti québécois naît de la fusion du RN et du MSA seulement. René Lévesque rompt les négociations avec le RIN à l’été de 1968 après la manifestation du 24 juin de cette année-là, où une émeute avait éclaté et où Pierre Bourgault, dirigeant du RIN, avait été arrêté. Ces événements avaient offert le prétexte idéal pour rompre les négociations avec un parti que Lévesque considérait comme trop radical et combatif (Lévesque, p. 310). Comme l’expliquera Lévesque lui-même quelques années plus tard, « nous n’étions pas particulièrement désireux de fusionner avec eux à cause de leur image. Le réalisme politique était ce qu’il nous fallait. » (Fraser, p. 48) Selon Graham Fraser, Lévesque aurait toujours souhaité qu’il existe un parti à sa gauche afin d’attirer les « idéalistes et idéologues qui le harcelaient » (Fraser, p. 48), et ainsi éviter qu’ils ne se retrouvent au sein du PQ.
Au final, le RIN, malgré sa phraséologie radicale et ses actions combatives sur le terrain, se dissout quelques semaines après le congrès de fondation du PQ d’octobre 1968, et encourage ses membres à rejoindre le parti de René Lévesque.
Le PQ et les syndicats
Le PQ a été fondé dans une période de radicalisation croissante chez la classe ouvrière québécoise. Quel rôle a joué le PQ dans ce processus? Que représentait la création du PQ?
Depuis le réveil du mouvement ouvrier dans les années 50 sous Duplessis, l’une des questions les plus brûlantes du mouvement est l’action politique indépendante de la classe ouvrière. L’idée de fonder un parti ouvrier au Québec est populaire et correspond au mouvement général dans cette direction au Canada anglais. Cette poussée mène à la fondation du NPD en 1961. Mais le respect de l’État fédéral canadien et l’anglo-chauvinisme qui règnent chez certains dirigeants du mouvement ouvrier canadien et du NPD dégoûtent ses militants québécois et attisent leurs sentiments nationalistes. Le NPD du Québec connaît finalement une scission en 1963, qui mène à la formation du Parti socialiste du Québec (PSQ), indépendant du NPD. Selon Pierre Vadeboncoeur, militant en vue du PSQ, ce parti devrait lutter pour un « socialisme des Québécois ». Il affirme que seul un parti indépendant peut « promouvoir efficacement le socialisme dans la province ». Mais cette division ne fait pas avancer le mouvement d’un seul pas. Sans appui des syndicats, le PSQ est un flop et le parti se dissout sans bruit en 1968. La division du mouvement ouvrier sur des lignes nationales est un crime dont nous vivons encore aujourd’hui les contrecoups, puisque les travailleurs québécois sont toujours sans parti.
Pendant ce temps, les travailleurs se radicalisent et les conflits de travail deviennent de plus en plus virulents. L’État québécois devient beaucoup plus intransigeant à l’égard du mouvement ouvrier, particulièrement avec le retour de l’Union nationale au pouvoir en 1966 : par exemple, en février 1967, le projet de loi 25 du gouvernement de l’UN supprime en pratique le droit de grève des enseignants de la CEQ et leur impose leurs conditions de travail. Puis, en septembre et octobre, les 6500 travailleurs du transport public à Montréal font la grève, qui se termine aussi par une loi spéciale, le bill 1.
C’est dans ce contexte que se pose à nouveau la question d’un parti ouvrier. Au milieu de ces événements, le bureau confédéral de la CSN met sur pied, en septembre 1967, un Comité central d’action politique afin de donner une voix aux travailleurs « en dehors des partis traditionnels ». Au congrès de la FTQ, en octobre, on invite les conseils de travail à mettre sur pied des comités d’action politique et une résolution est votée pour organiser des conférences avec les autres mouvements progressistes afin de potentiellement mener au « regroupement des forces de gauche dans la province au sein d’un parti provincial populaire ».
Malheureusement, ces initiatives n’aboutissent pas. En octobre 1970, le Front d’action politique (FRAP) se présente aux élections municipales à Montréal. Le FRAP, appuyé par le Conseil central de Montréal de la CSN, se voulait en quelque sorte le début d’un parti des travailleurs. Cependant, les élections surviennent quelques semaines après la crise d’Octobre et l’assassinat de Pierre Laporte par le FLQ. Le maire de Montréal, Jean Drapeau, associe directement le FRAP au FLQ, le traitant de « paravent » pour le groupe terroriste. Le FRAP ne récolte que 15,6% des suffrages, et des crises internes mèneront à sa dissolution en 1974.
La radicalisation du mouvement ouvrier le mène à critiquer le système capitaliste dans son ensemble. Les syndicats mettent le socialisme à l’ordre du jour, comme en témoignent les manifestes radicaux rédigés par les trois grandes centrales : Ne comptons que sur nos propres moyens par la CSN en 1971, L’État, rouage de notre exploitation à la FTQ en 1971, L’école au service de la classe dominante à la CEQ en 1972. Constatant ce phénomène, Jean Cournoyer, alors ministre du Travail dans le gouvernement libéral de Robert Bourassa, ne s’en étonne pas. « Le mouvement nationaliste était mûr pour acquérir un caractère de classe », dit-il (Auf Der Maur, p. 92). Le mouvement culmine en avril 1972 avec la grève générale du Front commun, qui prend des proportions quasi-insurrectionnelles en mai de la même année.
Tandis que les travailleurs entraient dans l’arène politique et s’attaquaient directement aux intérêts capitalistes, le PQ tentait de créer une vaste coalition qui regroupait toutes les classes afin de réaliser la souveraineté du Québec. Ces deux mouvements allaient en sens contraires.
Ainsi, la montée du PQ permet de couper court à la radicalisation montante. Par ailleurs, lors de la grève générale de mai 1972, le PQ déclare: « À tous les syndiqués, enfin, spécialement ceux qui sont membres du Parti Québécois, nous demandons instamment de ne pas compromettre dans une crise insoluble et autodestructrice, toutes les chances, chaque jour plus proches, du véritable renouveau politique et social auquel tant d’entre eux ont réellement travaillé ces dernières années » (Piotte, p. 106). Le PQ souhaitait que le mouvement ouvrier se concentre sur le « véritable renouveau politique et social » incarné par… lui-même!
Le PQ n’a jamais été une organisation homogène. Particulièrement pendant les années 70, il règne une tension constante entre la direction de René Lévesque et la gauche du parti. Celle-ci est incarnée par des gens comme Robert Burns, un ancien syndicaliste et un socialiste autoproclamé. Un exemple de cette tension est la manifestation du 29 octobre 1971 dans le cadre du lockout à La Presse. Burns faisait partie des péquistes qui voulaient que le parti y participe, tandis que Lévesque s’y opposait. L’exécutif du PQ décide finalement de ne pas y participer.
C’est après cette manifestation qui avait été le théâtre de violences policières que Lévesque affirme qu’il « aimerait mieux vivre dans une république bananière d’Amérique du Sud plutôt que dans un Québec dominé par les délires des syndicats » (Auf Der Maur, p. 110).
C’est de manière très consciente que le PQ n’a pas forgé de lien organique avec le mouvement ouvrier et les syndicats. En effet, Lévesque, Jacques Parizeau et l’aile des « technocrates » du parti ne voulaient pas nuire à leur image de modération et de responsabilité en s’associant organiquement aux syndicats (Tanguay, p. 178). En 1972, René Lévesque fait adopter une résolution qui dit : « Avec les syndiqués et leurs organismes, nous partageons un objectif fondamental qui est celui de changer et d’humaniser la situation sociale et économique. […] Mais il ne faut jamais perdre de vue […] que nos échéances ne sont pas les mêmes, nos moyens non plus, que leur démarche est essentiellement revendicatrice si la nôtre est essentiellement persuasive […] » (Bernard, p. 117). Lévesque affirmait que de ne pas avoir de lien avec les syndicats permettait au PQ d’être « le gouvernement de tout le monde, sans attaches » (Ibid.). L’histoire allait montrer que ne pas avoir d’attaches au mouvement ouvrier signifiait avoir des attaches à la bourgeoisie.
Est-ce que la création du Parti québécois avait un caractère progressiste? La nature progressiste du PQ à ses débuts est aujourd’hui souvent présentée comme une évidence. Lors de la récente campagne électorale, la direction de Québec solidaire a elle-même fait le parallèle entre la montée de QS aujourd’hui et la montée du PQ de Lévesque dans les années 70. Qu’en est-il réellement?
Par rapport aux tâches du mouvement ouvrier, soit de créer son propre parti et de lutter pour le socialisme, la création du PQ représentait un recul. La création du PQ a coupé court à la formation d’un authentique parti des travailleurs au Québec. Le PQ avait effectivement un programme contenant des réformes, ce qui lui a permis d’autant plus facilement de prévenir la formation d’un parti ouvrier. Mais alors que le mouvement ouvrier se radicalise et prend une direction révolutionnaire, la voie modérée et de conciliation de classe que prône le PQ était d’autant plus réactionnaire. Au cours des 50 années à venir, le PQ allait utiliser son autorité comme chef de file du mouvement nationaliste pour amadouer les travailleurs pour mieux les attaquer ensuite et détruire les traditions révolutionnaires qui avaient pris racine.
La Révolution tranquille avait ouvert la voie à la création d’une bourgeoisie francophone, et essentiellement, le PQ voulait que celle-ci soit définitivement « Maître chez elle » par la réalisation de l’indépendance. Le projet du PQ visait en quelque sorte à finir ce que le PLQ de Jean Lesage avait commencé. Comme l’explique Jacques-Yvan Morin en 1974, alors qu’il est chef de l’Opposition officielle pour le PQ (car Lévesque n’a pas de siège), devant la Chambre de commerce de Montréal :
« Le milieu des hommes d’affaires a tout à gagner à sortir d’un régime qui ne laisse aux entrepreneurs et financiers québécois qu’une mince tranche de l’activité économique […] Les industriels, entrepreneurs et financiers québécois, relégués par le système actuel dans un rôle de second plan, pourront, au Québec souverain, jouer pleinement leur rôle d’agents de développement. »
Ce résultat était-il inévitable? Il est indéniable que le PQ, dès son arrivée sur la scène politique, a été un pôle d’attraction notamment au sein de la classe ouvrière. Il a réussi à canaliser la colère des travailleurs québécois francophones, leur haine de l’oppression et de l’État fédéral capitaliste. Une grande partie de la responsabilité en incombe aux dirigeants du mouvement ouvrier et des syndicats qui ont cessé de mener la bataille pour un parti ouvrier et ont finalement appuyé le PQ, ouvertement ou indirectement, au cours des années 70.
La FTQ est la première grande centrale à appuyer ouvertement le PQ. En vue des élections de 1976, elle adopte une résolution à son congrès de décembre 1975 qui, bien qu’elle explique que le PQ n’est pas un parti des travailleurs, donne son appui au PQ de manière « critique et tactique » (Louis Fournier, p. 119). Louis Laberge, président du syndicat, affirme dans son discours que le PQ est une force populaire et sociale-démocrate, et que la création d’un parti exclusivement ouvrier serait « inopportune et prématurée » (Louis Fournier, p. 121).
Chez la CSN, la position est recouverte d’un vernis radical, mais c’est tout de même un appel à voter contre les libéraux, et donc pour le PQ, qui est mis de l’avant dans leur document de bilan du gouvernement Bourassa :
« Étant donné, encore une fois, que nous sommes face à différents partis bourgeois, partis que les travailleurs ne contrôlent pas et qui ne défendent pas leurs revendications, nous croyons que les travailleurs doivent voter en fonction d’un critère essentiel: faire en sorte que le rapport de force des travailleurs organisés soit le meilleur possible au lendemain de l’élection » (Le Devoir, 3 novembre 1976).
Depuis lors, c’est presque devenu une tradition chez les dirigeants syndicaux d’appeler à voter contre le Parti libéral, et donc pour le PQ, voire carrément à voter pour le PQ.
Ce n’était cependant pas la première fois que la direction syndicale agissait de la sorte. Avec la montée des libéraux de Jean Lesage en 1960, la direction de la FTQ et de la CSN avaient appelé, d’une manière ou d’une autre, à appuyer les libéraux, et avaient mis le projet d’un parti ouvrier en veilleuse. Le mouvement s’est trouvé désarmé quand les libéraux ont mis le frein sur les réformes au milieu des années 60. La même chose surviendra en 1982-83 quand le PQ s’attaquera aux travailleurs du secteur public