Des femmes autochtones de Val-d’Or ont récemment exprimé des accusations très troublantes de violence sexuelle et physique par des officiers de la sûreté du Québec. Les allégations furent découvertes par l’équipe d’Enquête et diffusées par Radio-Canada le 22 octobre dernier. L’émission enquêtait sur la disparition de Sindy Ruperthouse, une femme algonquine disparue de Val-d’Or depuis avril 2014, et du suivi de la SQ sur ce sujet qui témoigne de beaucoup de laisser-aller. Dans ce processus d’investigation, l’équipe d’Enquête a levé le voile sur la réalité dégoûtante d’abus de la part de la police locale, abus qui remontent à une vingtaine d’années.
Les accusations mettent en lumière que plusieurs femmes furent payées ou forcées à effectuer des faveurs sexuelles aux policiers, certaines femmes furent harcelées, battues et régulièrement transportées par des officiers de police jusqu’aux lisières de la ville puis forcées de marcher seules jusqu’à chez elles en plein hiver à des températures glaciales. La SQ et le ministère de la Sécurité publique étaient au courant de ces allégations depuis mai et auraient lancé une enquête interne à ce moment, effectuée, d’une façon ridicule et même criminelle, par la même force de police qui se trouve accusée.
Au moment d’écrire ces lignes, neuf officiers (dont un décédé) font l’objet de quatorze différentes allégations. Les officiers de police accusés sont restés en poste jusqu’à tout récemment lorsque l’émission a eu l’effet d’une bombe auprès du public scandalisé. Depuis lors, les huit officiers ont été mis en congé administratifs (avec paie et avantages sociaux intouchés). En réponse aux critiques concernant l’investigation de la SQ sur elle-même, l’enquête fut transférée au Service de Police de la Ville de Montréal. Lise Thériault, la ministre de la Sécurité publique, a répondu à la critique de n’avoir pas réagi plus tôt en déclarant que le rapport d’Enquête mettait en lumière certains détails qui étaient auparavant inconnus.
Cela nous amène à formuler la question : pourquoi la SQ et le ministère de la Sécurité publique n’ont-ils pas effectué une recherche rigoureuse pour dévoiler ces détails? Ils étaient au courant de ces allégations depuis six mois! Plusieurs femmes de Val-d’Or ont souligné que leur plaintes au Commissaire à la déontologie policière n’avaient pas été prises au sérieux. Les parents de Sindy Ruperthouse ont dit aux journalistes que la police ne les a même pas passés en entrevue depuis qu’ils ont rapporté la disparition de leur fille il y a un an. Si la SQ et le ministère de la Sécurité publique n’étaient pas au courant de tous les détails de mauvais comportement et d’abus, c’était par manque de volonté.
Au milieu de l’indignation publique grandissante et des demandes pour la justice à Val-d’Or et dans le reste de la province, le gouvernement du Québec a annoncé que la ministre de la Sécurité publique Lise Thériault partirait en congé de maladie pour au moins six semaines, maladie restée non spécifiée. Le Premier ministre Philippe Couillard a refusé de rencontrer les chefs autochtones le 27 octobre après qu’ils aient demandé de le rencontrer d’ici les 24 heures, et il a plutôt choisi de les rencontrer une semaine après la date demandée. La réaction du directeur général de la SQ, Martin Prud’homme, a été absolument méprisable, niant que la récurrence des abus par la police provinciale envers les femmes autochtones puisse être qualifiée de crise, et défendant la réputation des officiers de police accusés. Le traitement des plaintes d’abus de la part des femmes autochtones a été condescendant depuis le début. Cela constitue un reflet des attitudes discriminatoires rendant les femmes autochtones particulièrement vulnérables à la violence et aux abus de pouvoir par la police.
Les policiers et le gouvernement ont un intérêt à rendre trivial ou à cacher les fautes professionnelles et la corruption, dans l’optique de maintenir les privilèges que leurs positions impliquent. De plus, l’État sous le capitalisme existe pour défendre les intérêts de la classe dirigeante et utilise la police pour protéger ces intérêts. Il n’y a pas de réelle redevabilité de la police envers les communautés autochtones ou la classe ouvrière en général, cela étant démontré par le fait qu’il est rare de voir quelconque justice dans les cas de brutalité policière commise contre les communautés marginalisées et opprimées.
Le Premier ministre Couillard a accepté de nommer un observateur indépendant dans l’enquête menée par la police de Montréal, mais cela est inadéquat. L’enquête est tout de même conduite par une faction de l’État, et le soi-disant observateur indépendant a été nommé par le Premier ministre lui-même. Nous n’avons absolument aucune confiance envers la SQ ou la police de Montréal pour enquêter sur ces allégations. Les forces de l’État n’ont toujours protégé qu’elles-mêmes et leurs amis. L’enquête menée par une autre force de police crée aussi une barrière pour que les autres femmes ayant expérimenté des abus de la part de la police les dénoncent. Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, en appelle à une enquête indépendante sur les allégations contre la SQ, ce que nous supportons complètement. Nous demandons une enquête indépendante sous la direction des communautés autochtones et de la classe ouvrière plus large organisée dans les syndicats.
Sous la pression de l’indignation publique, le gouvernement a été forcé d’allouer 6 millions de dollars pour supporter les femmes autochtones ayant expérimenté des abus à Val-d’Or. Les fonds vont supposément servir à embaucher des fournisseurs de services sociaux et de santé dans la région. Cette concession est un produit du mouvement, mais cela ne suffit aucunement. Le financement doit être étendu à toutes les communautés à travers la province et être augmenté substantiellement, pour fournir des logements, l’éducation, la formation et l’embauche à l’intérieur comme à l’extérieur des réserves – et cela doit être reproduit dans toutes les provinces à travers le pays. L’abus vécu par les femmes autochtones de Val-d’Or de la part de la police a également renouvelé les appels pour une enquête nationale concernant les femmes autochtones disparues et assassinées. Pour qu’une telle enquête puisse avoir un impact significatif, elle doit être réalisée par des représentants des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ainsi que par les syndicats, et avoir comme résultat une action concrète et significative. Sans cela, une enquête sans suivi n’amènerait que peu de changement dans la situation des femmes autochtones.
Bien que le gouvernement libéral de Justin Trudeau se soit engagé à lancer une enquête fédérale, nous ne pouvons pas avoir l’illusion que ce gouvernement, qui représente ultimement les intérêts des banques et des entreprises, puisse faire le nécessaire pour amener les changements requis pour mettre un terme à la violence envers les femmes autochtones. Les gouvernements libéraux fédéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin n’ont rien fait pour améliorer les conditions de vie des autochtones, malgré les commissions et les enquêtes. Le changement doit être organisé à partir du bas – par les représentant-es des communautés autochtones et de la classe ouvrière.
Dans l’optique de résoudre la crise générale de la violence envers les femmes autochtones, il faut se pencher sur les racines du problème. Comme nous l’avions expliqué précédemment, les femmes autochtones sont particulièrement vulnérables à la violence, laquelle découle d’un héritage de colonialisme et de politiques d’assimilation, comme le système scolaire résidentiel. Ces politiques d’assimilation furent une forme de génocide culturel visant à supprimer la menace que constituaient les autochtones à l’expansion capitaliste et à l’exploitation des ressources. Ces pratiques ont eu un impact sur plusieurs générations des communautés autochtones, résultant en de hauts taux de pauvreté, des problèmes de santé mentale et physique, et la violence. De plus, l’État canadien a perpétué la vision discriminatoire envers les autochtones pour justifier ses politiques orientées vers le génocide culturel, lequel, aggravé par le sexisme, continue à faire des femmes autochtones les cibles de violence.
Afin de pouvoir résoudre la myriade de problèmes auxquels font face les Premières Nations, les Inuits et les Métis, les conditions qui continuent d’opprimer les autochtones doivent être renversées. Des entreprises privées continuent d’exploiter les ressources des terres concédées aux autochtones par traités, avec le support des gouvernements fédéral et provincial, en plus de l’absence de consultation des communautés locales qui ne voient pas les vastes profits générés par ces développements. Alors que la pauvreté met actuellement les femmes autochtones dans une position précaire, les laissant vulnérables à la violence, de vastes richesses existent au Canada, et pourraient servir à fournir à tous une éducation de qualité, des emplois, des logements, des soins de santé et des garderies. Cependant, cette richesse est actuellement concentrée dans les mains d’une petite minorité.
Pour mettre un terme aux conditions qui rendent les femmes autochtones, et les autres femmes, vulnérables à la violence, il faut mettre fin à la pauvreté et à l’inégalité. Cela contredit directement le motif de profit du capitalisme, et peut seulement être possible sous une économie nationalisée planifiée, sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleur-euses. Cette lutte pourrait également servir à démolir les attitudes discriminatoires dans la société, comme le racisme et le sexisme, en ce que les gens commenceraient à cesser de se voir les uns les autres comme des compétiteurs, et s’uniraient contre l’oppresseur commun, soit l’establishment politique et économique, et travailleraient à construire un monde meilleur, qui pour la première fois, produirait et fonctionnerait pour les intérêts de la majorité. Pour prévenir d’éventuels abus de la part de la police et assurer la sécurité de nos communautés, une réelle sécurité ne peut être assurée que lorsqu’elle est organisée du bas vers le haut, par les communautés elles-mêmes. Les travailleur-euses et les opprimé-es doivent former des corps démocratiques redevables pour se défendre contre la violence, incluant la violence perpétrée par l’État.
En retirant le motif du profit et la propriété privée des forces productives, les communautés autochtones seraient réellement consultées et engagées dans toutes les étapes du développement et de la production, ce qui permettrait d’employer directement les communautés locales pour leur propre bénéfice. Les autochtones doivent avoir l’autonomie sur leurs terres et le contrôle de leurs ressources, leur langue, leur éducation, leurs services médicaux et les autres services sociaux, une étape pour mettre fin aux siècles d’oppression et aux problèmes sociaux en ayant résulté, incluant la violence vécue par les femmes autochtones.
Nous demandons :
Une enquête indépendante sous la direction des communautés autochtones et des syndicats, et une punition réelle pour tous les complices de ces crimes.
La fin de la violence policière envers les femmes autochtones, les opprimé-es et les travailleur-euses de partout.
La formation de comités de défense démocratiques et redevables, avec l’implication des communautés autochtones, des autres groupes opprimés et de la classe ouvrière organisée.
Le déblocage de fonds pour résoudre l’itinérance, la pauvreté, les problèmes de santé mentale et physique et la violence envers les femmes, dans les communautés autochtones à travers tout le pays.
Nous sommes pour une lutte unie pour le socialisme, pour mettre un terme aux conditions sociales précaires qui rendent les femmes vulnérables à la violence d’État et à toute autre violence. Pour une société socialiste où la sécurité est organisée par les opprimé-es, plutôt qu’imposée sur les opprimé-es.