La victoire de Mauricio Macri en Argentine et le vote en faveur de la destitution de Dilma Rousseff nous étaient présentés comme étant l’expression d’un certain « virage à droite en Amérique latine ». Le Financial Times parlait même de « chute des populismes » alors que « l’Europe et les États-Unis y étaient séduits ». Mais qu’en est-il vraiment ?
Les gouvernements dits progressistes en Amérique latine traversent une période de crise profonde sans doute influencée par le ralentissement de la croissance de la puissance chinoise. En effet, la Chine constitue le principal partenaire économique du Brésil. Les investissements chinois sont très importants, surtout dans le secteur industriel brésilien..Le Brésil se retrouve actuellement en récession et son taux de chômage atteint en avril 2016 plus de 11 % de la population contre 8 % une année en arrière. De nombreuses usines ont été fermées dans les grands centres industriels comme la région de São Paulo renvoyant des milliers de travailleurs dans la rue. En effet, les entreprises brésiliennes peinent à rester compétitives ce qui les poussent à s’attaquer aux coûts de production et à mener des attaques à la classe ouvrière au niveau des salaires, au niveau des heures de travail et des conditions.
Dans le cas argentin, l’économie est plus fragilisée compte tenu de sa plus forte dépendance de l’extérieur. Elle dépend aussi fortement du Brésil qui est son principal partenaire commercial ainsi que de la Chine notamment pour les exportations de soja.
Lutte des classes ou capitulation
Ce contexte de crise se traduit en une plus grande instabilité politique et l’Amérique latine n’y est pas épargnée. Ceci est d’autant plus important que les gouvernements brésiliens et argentins prétendaient mener une politique alternative au néolibéralisme et aux privatisations en menant des politiques notamment en matière sociale qui ont permis de sortir des millions de personnes de la pauvreté. Le patronat pouvait faire des concessions aux syndicats et mouvements sociaux tant que les entreprises pouvaient se maintenir compétitives. Mais à présent, les capitalistes et leur système exigent un retour en arrière. Dans ce contexte, des gouvernements réformistes comme celui du Parti des Travailleurs (PT) au Brésil ou celui de Cristina de Kirchner en Argentine étaient poussés devant un dilemme. Soit s’y opposer frontalement aux pressions des grands bourgeois parasitaires en expropriant les grands groupes monopolistiques : En bref, en répondant par un véritable programme socialiste combatif. Soit capituler et devenir un gestionnaire de l’austérité. Le gouvernement du PT comme celui du FpV (Front pour la victoire, coalition électorale qui soutenait Cristina de Kirchner) ont opté pour la 2e option, c’est-à-dire celle de la capitulation au patronat.
Polarisation croissante
La bourgeoisie brésilienne est déjà passée à l’offensive et ne peut tolérer longtemps un gouvernement qui ne lui soit pas entièrement propre. D’où la nécessité d’écarter le PT du pouvoir en jouant sur l’excuse de la corruption. La destitution de la présidente Dilma fut votée par les deux chambres du parlement brésilien et Michel Temer du PMDB (Parti du mouvement démocratique) fut élu comme président par intérim. Des mobilisations étaient convoquées dans les principales villes brésiliennes avec d’un côté les manifestant-es pour l’impeachment et ceux contre ce qui nous démontre l’extrême tension et polarisation sur des lignes de classe qui prévaut dans la société brésilienne à l’heure actuelle.
Les limites du Kirchnerisme
Durant ses premièrs années et jusqu’à l’éclatement de la crise, l’Argentine avait connu une forte croissance économique qui avait permis au gouvernement de Nestor Kirchner de relancer l’activité économique et d’améliorer le niveau de vie des plus précaires en réduisant le chômage et la pauvreté. La présidente qui le succédera, Cristina Fernandez sera forcée d’aller un peu plus loin en nationalisant certains entreprises antérieurement privatisées Toutefois ces politiques n’ont pas résolu fondamentalement les contradictions de l’économie argentine qui subit fortement les effets du ralentissement des économies brésiliennes et chinoises. Une telle dépendance l’oblige à maintenir une bonne position dans les marchés internationaux, ce qui dans la situation actuelle pousse à l’austérité. Soulignons que le kirchnerisme argentin s’inspire du péronisme de gauche et puisse de sa base sociale dans les grandes mobilisations du début des années 2000 mais n’est pas un mouvement proprement ouvrier et populaire. Son caractère de collaboration de classe est encore plus accentué. Aux dernières élections de l’automne 2015, le candidat pour le mouvement kirchneriste, Daniel Scioli, était loin d’être un candidat issu du mouvement ouvrier et représentait en réalité l’aile droite du mouvement. Ne se distinguant pas fondamentalement de son adversaire Mauricio Macri, c’est finalement ce dernier qui fut élu. C’est le gouvernement qu’il fallait à la bourgeoisie pour pouvoir mener frontalement ses attaques à la classe ouvrière, par des licenciements massifs ou encore par des hausses du prix de l’électricité ou du transport.
Limites du réformisme et la nécessité d’un programme révolutionnaire
Les expériences en cours au Brésil ou en Argentine ne nous démontrent pas un quelconque virage de la société à droite et une perte d’espoir dans une alternative au système. Elles nous démontrent au contraire les limites d’une politique réformiste et de collaboration de classe dans le cadre d’une période de crise du capitalisme. Aucun processus ne peut aller jusqu’au bout de ce système sans l’existence d’un programme authentiquement révolutionnaire, sans demi-teintes ni hésitations réformistes, et d’une organisation vouée à la lutte qui le défend ouvertement parmi les masses en leur redonnant espoir dans un avenir meilleur.
Non à la collaboration de classe, oui à la lutte des classes !
Levons haut le drapeau de la révolution socialiste !