En plus d’être à nouveau au front durant cette deuxième vague de COVID-19, les professionnelles de la santé sont en négociations pour le renouvellement de leur convention collective. Malgré que les conditions de travail terribles placent le réseau de la santé au bord de l’effondrement, le gouvernement refuse de bouger. Tôt ou tard, la question de la grève devra être posée.

Mépris

Déjà au bout du rouleau avant la pandémie, la gestion de la CAQ a tout fait empirer pour les infirmières. L’arrêté ministériel adopté en mars dernier permet aux gestionnaires d’imposer aux infirmières des conditions invivables. « Là présentement, on n’a plus de vie », affirme l’une d’elles. Le recours au temps supplémentaire obligatoire (TSO) a triplé en un an, et la moyenne de temps supplémentaire est la plus élevée de toutes les provinces! Les infirmières quittent le réseau par centaines. En plus, au moins 17 000 travailleuses et travailleurs de la santé ont contracté la COVID-19. Ça ne peut plus durer.

Les infirmières du Québec sont aussi les moins bien payées du Canada. Ce n’est pas pour rien qu’on a réclamé 21,6% sur trois ans. Mais François Legault a dit clairement qu’il n’y aurait aucune hausse de salaire au-dessus de l’inflation. La dernière offre de Legault aux professionnelles de la santé est carrément insultante : 5% sur trois ans et une prime unique de 1000 dollars pour celles en haut de l’échelle. Elle a été catégoriquement rejetée, avec raison.

Les dirigeants syndicaux ne cessent de dénoncer le gouvernement qui, disent-ils, ne « négocie pas de bonne foi ». Mais pourquoi s’attendre à autre chose? C’est ce même gouvernement qui n’a rien fait depuis qu’il est au pouvoir pour régler la situation dans le réseau de la santé, et qui n’a trouvé comme solution à la crise provoquée par la pandémie que de pressuriser davantage les infirmières avec l’arrêté ministériel.

Malgré les milliers de dénonciations, les manifestations du printemps et de l’automne, les mouvements #baslesmasques et « Stop à l’omerta » et le blocage de ponts à Montréal et Québec, la CAQ n’a fait aucune concession significative. À part des paroles vides et des arcs-en-ciel, les infirmières et le personnel de la santé sont totalement abandonnés. Une attitude conciliatrice ne marchera pas face à un gouvernement qui nous méprise. La faiblesse invite à l’agression. Le temps est venu d’escalader les moyens de pression.

La grève

Tôt ou tard, il faudra parler de l’éléphant dans la pièce. L’escalade des moyens de pression, pour être efficace, doit menacer d’aller jusqu’au bout. Le meilleur pouvoir que possèdent les travailleurs, y compris les travailleuses du secteur de la santé, c’est celui de refuser de travailler : la grève. 

Ce mot semble cependant tabou jusqu’à présent. Mais si la CAQ sait qu’il n’y aura pas de grève, elle ne concèdera que des miettes. Jamais dans l’histoire du mouvement ouvrier a-t-on vu un gouvernement reculer sans, à tout le moins, la menace sérieuse d’une grève. 

Ce n’est pourtant pas la combativité qui manque. Les infirmières sont au bout du rouleau et veulent se battre pour de meilleures conditions. Les sit-in spontanés qu’on voit depuis deux ans en témoignent. 

En fait, la FIQ a amorcé des démarches en ce sens au mois d’octobre en déposant ses demandes au Tribunal administratif du travail (TAT) pour une grève légale. Malheureusement, il semble qu’aucune préparation sérieuse n’a été faite jusqu’à présent dans cette direction. On ne parle pas de la grève aux membres ni dans les médias. Il faut préparer dès maintenant l’ensemble des membres à se mobiliser pour gagner cette lutte. Si nous n’organisons pas de grève, alors aussi bien tout de suite s’avouer vaincus.

Solidarité ouvrière

Les infirmières ont une riche histoire de lutte. Mais la dernière grève, celle de 1999, s’est malheureusement soldée par une défaite. Cela a amené Régine Laurent, ancienne présidente de la FIQ, à déclarer qu’il fallait éviter les grèves en général. Cette peur de la lutte a été nocive pour les infirmières et est en cause dans la détérioration des conditions de travail. Il est temps de s’en débarrasser. Nous n’avons pas fait la grève depuis plus de 20 ans, et tout ce que nous avons obtenu, c’est davantage de TSO, des salaires qui stagnent et des conditions de travail qui poussent nos collègues à se tourner vers le privé. Nous ne pouvons pas laisser le réseau s’écrouler sans rien faire.

La leçon de 1999, ce n’est pas que la grève est à rejeter. Ce qui a manqué aux infirmières à l’époque, c’est l’appui actif du mouvement ouvrier plus large. 

La pandémie fait en sorte que la plupart des infirmières ne pourront pas être libérées pour une grève. Mais les infirmières ne sont pas seules. Tout le réseau est touché par la crise, et tous veulent que les choses changent! Une grève des infirmières susciterait certainement la sympathie des autres travailleurs en santé.

Dans ce sens, la lutte des infirmières sera renforcée si des piquets solidaires sont organisés en commun devant tous les hôpitaux avec d’autres syndicats. Si des infirmières doivent demeurer au front contre la pandémie, alors les autres secteurs de la classe ouvrière doivent être appelés en renfort! 

L’entièreté du secteur public est actuellement en négociation. Le gouvernement a définitivement plus d’ennemis que d’amis dans les négociations actuelles. Par des piquets communs, nous pourrions faire avancer la lutte de tous les employés du secteur public. Seule une solidarité active peut faire suffisamment peur à la CAQ pour la forcer à reculer!

La CAQ dira qu’on met en danger les patients. Est-ce que la CAQ, responsable de l’hécatombe dans les CHSLD, a vraiment des leçons à donner sur comment donner des soins? Les travailleurs de la santé sont les mieux placés pour décider quels services essentiels doivent être maintenus. Ce serait calomnie que de dire que les infirmières laisseraient les patients souffrir lors d’une grève.

Évidemment, beaucoup d’infirmières auront des craintes. Une grève ne se décide pas à la légère. Il faudra être prêts à se battre jusqu’au bout. Il faudra s’attendre à toutes sortes d’attaques du gouvernement, de ses institutions comme le TAT, et des médias, à la solde de la classe patronale.

Mais avons-nous le choix? Allons-nous laisser la CAQ continuer de détruire nos services publics et tous nous mener au burn-out? Notre direction syndicale a le devoir de développer un plan concret pour mener la grève jusqu’au bout. Cela doit inclure un plan pour mobiliser le mouvement syndical plus large, et pour défier les lois qui viseront à casser le mouvement.

Il est entièrement possible de bâtir un mouvement pour une grève. En plus, nous avons un récent exemple duquel nous inspirer. Le 26 octobre dernier, des grèves sauvages ont éclaté dans une cinquantaine d’hôpitaux de l’Alberta pour riposter face aux coupes massives d’emplois annoncées dans le réseau. Il n’y aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas avoir de grève ici aussi, surtout si nous y sommes bien préparés à l’avance.

La population serait certainement derrière un mouvement de masse des infirmières en vue d’une grève. Si notre direction syndicale met de l’avant un plan concret pour y arriver, et démontre qu’elle est prête à mener la lutte, cela va balayer rapidement le scepticisme dans nos rangs. Nous devons faire de l’agitation dans nos syndicats et faire la promotion de cette perspective. C’est ce que La Riposte syndicale propose – joignez-vous à nous pour y arriver!