Encore cette année, l’École marxiste d’hiver de Montréal a été un grand succès. Nous avons eu un nombre record de 235 inscriptions, provenant majoritairement du Québec et de l’Ontario, mais aussi de l’Ouest canadien, des États-Unis, de la France, de la Suisse, de la Belgique, d’Haïti et de l’Algérie. Cent ans après la mort de Rosa Luxemburg, l’École de cette année a été dédiée à sa vie et ses idées. La Tendance marxiste internationale tient à réclamer l’héritage de cette grande révolutionnaire marxiste contre toutes les tentatives de la présenter sous un autre visage.
La vie et les idées de Rosa Luxemburg
Jessica Cassell, membre de la rédaction du journal Fightback, a lancé le bal avec une présentation sur la vie et les idées de Rosa Luxemburg. Elle a expliqué comment, dès son jeune âge, elle a été attirée par les idées marxistes. Rosa montrait une claire compréhension de la méthode marxiste et n’avait pas peur de froisser les dirigeants du mouvement qui commençaient à prendre une direction opportuniste. Sa cinglante réfutation d’Edouard Bernstein, Réforme sociale ou révolution? demeure aujourd’hui l’un des classiques du marxisme. Dans une polémique contre les sommets du Parti social-démocrate allemand (SPD) qui avaient une approche bureaucratique de la lutte des classes, Rosa soulignait l’importance fondamentale du mouvement spontané des masses lors de la révolution socialiste dans son ouvrage Grève de masse, parti et syndicats.
Rosa était, avec Karl Liebknecht, l’une des figures marquantes de la révolution allemande de 1918-1919. Les deux ont payé de leur vie lors de la « Semaine spartakiste » de janvier 1919. Jessica a terminé sa présentation en citant le dernier texte connu écrit par Rosa un jour avant son assassinat, « L’ordre règne à Berlin ». Malgré la trahison du SPD et l’écrasement de la classe ouvrière en janvier, Rosa montrait une confiance absolue dans la révolution : « “L’ordre règne à Berlin!” sbires stupides! Votre “ordre” est bâti sur le sable. Dès demain la révolution “se dressera de nouveau avec fracas” proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi : J’étais, je suis, je serai! »
Jessica a conclu en appelant les camarades à défendre son héritage révolutionnaire en luttant aujourd’hui pour la victoire du socialisme international!
Vous pouvez écouter la présentation de Jessica ici :
Réforme ou révolution
La deuxième séance de l’École portait sur le livre le plus connu de Rosa, Réforme sociale ou révolution?. La présentation a été donnée par Vincent Beaudoin, militant et écrivain pour La Riposte socialiste. Vincent a commencé en expliquant le contexte de l’oeuvre. Une longue période de boom économique à travers l’Europe en général et l’Allemagne en particulier avait été le terrain fertile pour le développement d’une forte tendance opportuniste au sein du mouvement ouvrier. La figure dirigeante de ce courant était Edouard Bernstein, qui, dans ses ouvrages Problèmes du socialisme et Socialisme théorique et social-démocratie pratique, tentait de réviser le marxisme.
Vincent a expliqué qu’au coeur de l’argumentation de Bernstein se trouve l’idée que l’on peut parvenir au socialisme par des réformes graduelles. Il ne serait donc pas nécessaire de lutter pour une révolution. L’une de ses citations les plus célèbres est « le but, quel qu’il soit, ne signifie rien pour moi, le mouvement est tout ». Bernstein expliquait qu’un effondrement du capitalisme était devenu presque impossible puisque le système se serait adapté, notamment grâce au crédit, ce qui rend les crises économiques de plus en plus improbables. Il expliquait aussi que par la lutte syndicale et la formation de coopératives, entre autres, nous pourrions graduellement transformer l’économie capitaliste en paradis socialiste! Vincent a méticuleusement démonté les arguments de Bernstein tout en montrant qu’ils se sont révélés complètement faux sur le plan historique. Bien qu’il affirme vouloir parvenir au socialisme, les idées de Bernstein ne mènent, de manière concrète, qu’à défendre le réformisme et à abandonner la lutte pour le socialisme.
Vincent a expliqué que la question « réforme ou révolution? » n’a pas qu’un intérêt historique. En effet, les arguments de Bernstein sont encore répétés aujourd’hui. À vrai dire, la majorité de la gauche, incluant de soi-disant marxistes, a complètement accepté les idées de Bernstein en pratique, eux qui se concentrent sur le mouvement et se contentent de lutter pour de petites réformes. Vincent a expliqué que les marxistes doivent faire partie de toutes les luttes pour les réformes qui améliorent le sort de la classe ouvrière, tout en liant toujours ces luttes à la lutte contre le capitalisme. Il a conclu en appelant les camarades à revisiter les arguments de Rosa contre les réformistes de son époque, et à construire l’organisation qui va lier les luttes des travailleurs à la lutte pour la révolution socialiste aujourd’hui.
Vous pouvez écouter la présentation de Vincent ici :
Libérons Rawal Asad!
Lors de la session du samedi après-midi, notre camarade Marco La Grotta a pris un moment pour mettre les camarades au courant de l’arrestation d’un de nos camarades de la section pakistanaise de la TMI. Il a expliqué que le 11 février, la police pakistanaise, reconnue pour son impitoyable brutalité, a arrêté des étudiants et des militants de l’Alliance de la Jeunesse Progressiste (PYA), à Multan, lors d’une manifestation du Mouvement pachtoune Tahahuz (PTM). Tous ont été relâchés, sauf un : Rawal Asad.
Rawal se trouve maintenant en prison sous charge de « sédition ». Il risque d’y rester longtemps et même d’y être torturé. L’État pakistanais craint ce militant marxiste, et veut l’empêcher d’organiser la lutte des étudiants et des travailleurs contre les injustices perpétrées par la direction de l’université, les employeurs et les institutions d’État. Au Pakistan, protester contre l’injustice est devenu un crime de « sédition ».
Marco a expliqué la nécessité d’une campagne de solidarité internationale pour forcer la libération de notre camarade. L’an dernier, la TMI avait lancé une campagne pour la libération de sept camarades kidnappés par des forces paramilitaires, et celle-ci avait fonctionné. Nous devons refaire la même chose. Marco a appelé les camarades à envoyer des lettres de protestation aux autorités étatiques pakistanaises et à manifester devant les consulats et ambassades. Les camarades ont ensuite pris une photo pour exprimer leur solidarité avec camarade Rawal :
La lutte contre le fascisme
Dimanche matin, Jules Legendre, membre de la rédaction du journal marxiste Révolution (www.marxiste.org), a donné une présentation sur le thème de la lutte contre le fascisme. Depuis quelques années, on observe une montée du populisme de droite, de partis d’extrême droite et même certains groupuscules fascistes qui deviennent de plus en plus présents. Afin de lutter efficacement contre l’extrême droite et ces groupes fascistes, Jules a souligné l’importance d’avoir une compréhension marxiste scientifique du fascisme.
On entend souvent aujourd’hui que des politiciens comme Donald Trump et Marine Le Pen seraient des fascistes. Bien que les marxistes partagent la haine qui règne envers ces politiciens réactionnaires, il est largement exagéré de les étiqueter de fascistes. Jules a souligné que le fascisme n’est pas simplement du racisme ou de la violence organisée. Il a expliqué qu’il s’agit d’un phénomène social de masse qui peut survenir dans les périodes de crise profonde du capitalisme. Bien que la crise force la classe ouvrière à s’organiser collectivement et à riposter contre les attaques des capitalistes, la petite bourgeoisie, qui a un rapport complètement différent aux moyens de production, ne réagit pas de la même manière aux pressions de la crise. Ruinée par la crise du capitalisme, la petite bourgeoisie peut être mobilisée dans un mouvement fasciste de masse. Voilà ce qu’est le fascisme : un mouvement de masse armé et violent de la petite bourgeoisie enragée et des éléments du lumpenprolétariat utilisés pour détruire les organisations de la classe ouvrière.
Jules s’est servi des exemples historiques de la montée du fascisme en Italie et en Allemagne dans les années 20 et 30 pour en tirer les leçons communes. Il a d’ailleurs cité la marxiste allemande Clara Zetkin qui expliquait : « Le fascisme est la punition de la classe ouvrière pour n’avoir pas fait la révolution ». Dans un contexte de crise du capitalisme, les travailleurs allemands se sont soulevés encore et encore pour tenter de prendre le pouvoir et transformer la société. Mais ils ont chaque fois été trahis et bloqués par leurs propres dirigeants. La petite bourgeoisie, affolée par la situation, a alors été mobilisée par la classe dirigeante pour liquider le mouvement ouvrier et toutes ses organisations.
Aujourd’hui, cependant, le rapport de force est plus que jamais en faveur de la classe ouvrière. La base historique du fascisme, la petite bourgeoisie (dont la paysannerie), a été massivement réduite, tandis que la classe ouvrière a grandi par centaines de millions. Cela signifie que même si les groupes fascistes sont de plus en plus enclins à se faire voir, ils demeurent faibles et incapables de mobiliser une base de masse comme par le passé. On comprend donc que ceux qui disent que les fascistes s’approchent du pouvoir sont en train de crier au loup.
Toutefois, le fait que les groupes fascistes sont petits et ont peu de chance de devenir un mouvement de masse ne signifie pas qu’ils ne sont pas une menace. Jules a souligné que ces groupes sont violents et dangereux, et doivent être combattus. Cela doit se faire par des mobilisations de masse des travailleurs et des opprimés et par les méthodes de lutte de classe comme les manifestations de masse et les grèves. Le slogan des marxistes est simple : une attaque contre un est une attaque contre tous! L’unité de la classe ouvrière est notre arme la plus efficace dans cette lutte. Jules a terminé en nous rappelant que la tâche des révolutionnaires est de lier la lutte contre le fascisme à la lutte générale contre le capitalisme, qui ne produit rien d’autre que la misère et qui alimente la violence de la droite.
Vous pouvez écouter la présentation de Jules ici :
Pas touche au Venezuela!
Le programme initial de l’École marxiste prévoyait la tenue d’une présentation sur la guerre du Vietnam le dimanche après-midi. Cependant, le coup d’État en cours au Venezuela nous a convaincus de changer de plan et de tenir une séance ouverte au public sous le thème « Pas touche au Venezuela! » La présentation a été donnée par Alex Grant, membre de la rédaction de Fightback (www.marxist.ca), et a suscité un grand enthousiasme chez les participants.
Une grande partie de la présentation a été consacrée au récit des événements des 20 dernières années. Il s’en est servi pour exposer l’hypocrisie criante de l’opposition vénézuélienne et des oligarques qui l’appuient. Il a rappelé que les oligarques qui souhaitent reprendre le pouvoir politique et qui traitent Nicolas Maduro de « dictateur » sont les mêmes qui ont organisé la répression du mouvement de masse Caracazo de 1989, où entre 2000 et 5000 personnes ont perdu la vie aux mains des forces de l’ordre. Ce sont les mêmes qui ont organisé un coup d’État en 2002 pour renverser Chavez, et qui sabotent consciemment l’économie afin de nuire au gouvernement depuis ce temps. Ce sont les mêmes qui ont organisé de violentes émeutes en 2017. L’opposition vénézuélienne n’a aucune leçon de « démocratie » à donner à qui que ce soit.
Alex a souligné que le coup d’État a été entièrement conçu par les impérialistes américains et canadiens et leurs alliés. Il a expliqué que le but des impérialistes est non seulement de reprendre le contrôle du pétrole vénézuélien, mais aussi d’écraser la révolution bolivarienne une fois pour toutes et de lancer un avertissement à la classe ouvrière latino-américaine : si vous vous soulevez, vous nous trouverez sur votre chemin.
Nous devons repousser de toutes nos forces cette nouvelle offensive impérialiste. En même temps, comme Alex l’a rappelé, il est nécessaire de compléter la révolution. La situation économique catastrophique au pays est due avant tout au fait que la majeure partie de l’économie demeure dans des mains privées, ce qui permet aux oligarques de saboter l’économie. Les mesures conciliatrices et les compromis de Maduro avec les oligarques ne font que les renforcer dans leur détermination à renverser le régime. Plutôt que les compromis, l’expropriation des grands leviers de l’économie contrôlés par l’oligarchie et les impérialistes est nécessaire. L’économie doit être mise sous le contrôle des travailleurs, afin d’entamer véritablement la transition vers le socialisme.
Alex a conclu son inspirante présentation en affirmant qu’il est du devoir des socialistes du monde entier de s’opposer au coup d’État mené par l’impérialisme américain et canadien. Il a rappelé les paroles d’Hugo Chavez, qui expliquait que la meilleure manière d’aider la révolution au Venezuela est de faire la révolution à la maison!
Vous pouvez écouter la présentation d’Alex ici :
À la fin de l’École, Alex a donné une entrevue avec Telesur au sujet de la situation au Venezuela. Vous pouvez la visionner ici (à 8 minutes 25 secondes) :
Nos pensées pour camarade Kadour
L’École s’est terminée sur un événement bouleversant. Un camarade participant à l’École, Kadour, a été victime d’un malaise cardiaque lors de son intervention à la fin de la discussion sur le Venezuela. Aux dernières nouvelles, notre camarade Kadour est à l’hôpital et repose dans un état critique.
Nous avons rencontré Kadour lors d’une manifestation contre le coup d’État au Venezuela en janvier dernier. Il est venu d’Algérie jusqu’à Montréal pour visiter sa fille, et a en profité pour s’inscrire à l’École marxiste. Il est également venu à notre conférence sur le thème « Québec solidaire, la laïcité et la lutte contre le racisme ». Il a exprimé hier à quel point il appréciait l’École marxiste et qu’il avait beaucoup appris au cours de la fin de semaine.
Les camarades de la Tendance marxiste internationale envoient leurs plus sincères pensées à la famille et aux amis de Kadour. Nous leur souhaitons de trouver le courage qu’il faut pour passer à travers ces moments difficiles.
Alex Grant, dans son mot de la fin, a expliqué à quel point notre vie est fragile. On ne sait pas combien de temps nous aurons sur cette planète. Mais ce temps que nous avons doit être utilisé à bon escient. La lutte contre le capitalisme en est une pour laquelle il vaut la peine de se consacrer au plus fort de notre capacité. Une colère profonde contre l’oppression et l’exploitation anime tous les militants de la Tendance marxiste internationale, de même qu’un espoir inébranlable dans la victoire de la révolution socialiste. Et c’est ce qui nous donnera la force de surmonter toutes les épreuves, même les plus difficiles et les plus injustes.