Le Canada connaît une vague croissante de transphobie. Reflétant les développements aux États-Unis, des politiciens conservateurs ont commencé à s’attaquer aux protections juridiques en matière d’identité de genre, et l’extrême droite s’est mise à propager agressivement des théories conspirationnistes transphobes.
L’objectif de ces attaques est clair : détourner l’attention de la classe ouvrière de ses conditions économiques et rediriger sa colère vers les personnes transgenres. Tous les travailleurs ont intérêt à rejeter cette hystérie haineuse et à s’unir contre le véritable ennemi : les capitalistes.
L’oppression des personnes transgenres au Canada
Les personnes transgenres constituent l’un des groupes les plus vulnérables de la société canadienne. Elles font l’objet d’une marginalisation sociale répandue et vivent dans la pauvreté à des taux beaucoup plus élevés que le reste de la population.
Selon une étude réalisée en 2020 par Trans PULSE Canada, près de la moitié des personnes trans au Canada vivent sous le seuil de pauvreté ou en sont très proches. Le rapport indique également qu’en 2020, 16% des personnes trans étaient au chômage (contre 5,5% pour l’ensemble du Canada) et que 35% occupaient un emploi temporaire ou à temps partiel. Dans l’ensemble, les personnes LGTBQ+ sont deux fois plus susceptibles de connaître l’itinérance ou l’insécurité en matière de logement que les autres Canadiens. Les personnes trans ont également été touchées de manière disproportionnée par la COVID-19. Trente-trois pour cent des personnes transgenres de Toronto ont déclaré avoir dormi dans leur voiture, dans un bâtiment vacant ou un espace public depuis le début de la pandémie.
Cela s’explique en grande partie par la position sociale des Canadiens transgenres. Les préjugés à l’encontre des minorités de genre sont malheureusement très répandus. En conséquence, les personnes trans sont victimes de discrimination dans les domaines du logement, de l’éducation et du marché du travail, ce qui les empêche souvent d’atteindre un niveau de vie décent. Le Congrès du travail du Canada signale que 73% des personnes transgenres ont été victimes de violence physique ou de harcèlement verbal sur leur lieu de travail. Soixante-quatre pour cent des personnes transgenres déclarent également éviter au moins trois types d’espaces publics pour éviter le harcèlement.
Par conséquent, la communauté transgenre est confrontée à une crise de santé mentale généralisée. Les personnes transgenres souffrent de dépression, d’anxiété et de pensées suicidaires à des taux bien plus élevés que le reste de la population. Tragiquement, les jeunes transgenres sont cinq fois plus susceptibles d’envisager le suicide et 7,6 fois plus susceptibles de faire une tentative de suicide que le reste de la population.
Il convient de noter qu’en dépit de la rhétorique de la droite, les personnes qui pourraient être considérées comme transgenres ou non binaires ont existé tout au long de l’histoire de l’humanité dans les cultures du monde entier. Des personnes bispirituelles des Premières nations d’Amérique du Nord aux hijras en Inde, en passant par les troisième, quatrième et cinquième genres – calalai, calabai et bissu – en Indonésie, pour la grande majorité de l’histoire, être transgenre ou non binaire d’une manière ou d’une autre était une composante normale et acceptée de la culture humaine. Ce n’est qu’avec le développement de la société de classes que l’oppression de genre s’est enracinée, de sorte qu’aujourd’hui, sous le capitalisme, les personnes transgenres sont attaquées pour le simple crime d’essayer d’exister telles qu’elles sont.
Attaques de la droite
Comme si les conditions de vie des personnes trans n’étaient pas déjà assez mauvaises, la droite s’est fermement engagée à aggraver encore ces statistiques.
Des exemples peuvent être tirés de n’importe quelle province du pays. En Alberta, Jennifer Johnston, élue députée provinciale, a tenu des propos particulièrement choquants en affirmant que les résultats élevés des écoles publiques n’ont pas d’importance parce que certains enfants sont transgenres. Dans un enregistrement audio découvert, on l’entend comparer les écoliers transgenres à des excréments dans une fournée de biscuits. Elle a déclaré : « Je n’ai mis qu’une cuillère à café de caca dans [les biscuits], mais ça n’a pas d’importance parce que ce n’est qu’une cuillère à café dans toute la fournée. » Elle a également affirmé, de manière absurde et fausse, que les enseignants des écoles primaires gardaient des bacs à litière dans leurs salles de classe pour les « enfants qui s’identifient comme des chats ».
Johnston a été expulsée du caucus du Parti conservateur uni de l’Alberta (PCU) pour ces commentaires, mais c’est loin d’être la première fois que ce type de rhétorique apparaît dans ce parti. En 2019, un candidat du PCU a été critiqué pour avoir répandu un mensonge selon lequel les protections du NPD pour les personnes transgenres permettaient aux hommes adultes « d’entrer dans les écoles et d’aller dans les toilettes des filles ».
Au Nouveau-Brunswick, le premier ministre progressiste-conservateur Blaine Higgs s’est récemment attaqué à la politique 713, un code qui prévoit des mesures de protection pour les élèves LGBTQ+. Il s’oppose à une disposition qui oblige les enseignants à utiliser les pronoms préférés des élèves trans, affirmant que les parents devraient être informés si leur enfant utilise un nom ou des pronoms différents de ceux qu’ils utilisent à la maison – il y est tellement opposé qu’il est prêt à déclencher des élections sur cette question! Pour les jeunes transgenres dont les parents ne les acceptent pas, l’école peut être le seul endroit où ils peuvent exprimer qui ils sont. La suppression de la politique 713 marginaliserait encore plus ces enfants et créerait un danger inutile dans leur vie familiale.
Au Québec, les médias de Québecor en particulier ont produit une avalanche d’articles ridiculisant ou attaquant les personnes trans et les drag queens, parfois subtilement, parfois ouvertement, propageant ainsi la haine et la transphobie. La CAQ n’a pas pris le train en marche, peut-être parce qu’il n’y a pas si longtemps, en 2021, le parti a été forcé de faire marche arrière sur un projet de loi contenant des mesures transphobes, suite à une levée de boucliers. Mais ne vous y trompez pas, l’hystérie fabriquée contre les personnes trans et les drag queens est trop rentable pour les médias de droite pour qu’elle disparaisse. La lutte contre les préjugés véhiculés par ces personnes ne fait que commencer.
À l’échelle fédérale, le Parti populaire du Canada (PPC) a récemment dévoilé un nouveau point de son programme visant ce qu’il appelle « l’idéologie radicale du genre ». S’il est élu (ce qui est, il est vrai, très peu probable pour le moment), le PPC promet d’annuler les protections juridiques contre la discrimination fondée sur le genre, de revenir sur l’interdiction des thérapies de conversion pour les mineurs transgenres et d’interdire aux femmes transgenres l’accès aux sports féminins et aux toilettes publiques.
Cet article se limite à une poignée d’exemples, mais, malheureusement, de nombreux autres peuvent être cités à volonté. Ces attaques forment une tendance claire, un choix tactique délibéré de la part de la droite pour galvaniser sa base, et qui a pour conséquence d’enhardir l’intolérance, le harcèlement et la discrimination à l’encontre des personnes trans.
L’opposition absurde aux drag queens en est peut-être la manifestation la plus évidente. Il est devenu courant de voir des manifestations à l’extérieur des spectacles de drag. Souvent, ces manifestations sont organisées et promues par les dirigeants du « Convoi de la liberté » de droite de l’année dernière. Les drags sont de plus en plus souvent victimes d’insultes homophobes et transphobes, ainsi que de menaces de violence. Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec (un parti qui a obtenu 12% des voix lors des dernières élections provinciales) a récemment lancé une pétition visant à « protéger les enfants contre les drag queens ». Lors d’un événement de drag dans une bibliothèque de Brockville (Ontario), un homme est allé jusqu’à se frayer un chemin sur le toit et à mettre le feu au système de climatisation de la bibliothèque pour tenter de faire cesser l’événement.
Une grande partie de la controverse porte sur les heures du conte drag, au cours desquelles des drag queens lisent des livres aux enfants dans des bibliothèques publiques afin de promouvoir l’acceptation des identités LGBTQ+. L’extrême droite a propagé un mythe complet et absolu selon lequel les femmes trans et les drag queens sont souvent des pédophiles et que le véritable objectif de ces événements est de « préparer » les enfants à des abus sexuels. On ne saurait trop insister sur la dangerosité de telles calomnies. Elles exposent directement les personnes LGBTQ+ à des risques de violence.
Ces attaques cruelles ne font qu’encourager des comportements plus haineux qui rendent les problèmes quotidiens des personnes transgenres encore plus difficiles qu’ils ne le sont déjà. Elles ont déjà entraîné une forte augmentation de la discrimination. Entre 2019 et 2021, les crimes haineux fondés sur l’orientation sexuelle ont augmenté de 60%. La situation ne fera que s’aggraver si la tendance se poursuit.
Le capitalisme est en cause
Il convient de noter que le Canada n’est pas une société organiquement transphobe. En fait, malgré l’ambiance actuelle, la tendance générale de ces dernières années est à une plus grande acceptation des personnes LGBTQ+.
En 2016, lorsque le gouvernement fédéral a proposé pour la première fois des protections législatives en matière d’identité de genre, 84% des Canadiens ont déclaré qu’ils soutiendraient une telle décision. Dans le même temps, 70% ont déclaré qu’il serait bon que la société adopte une compréhension plus fluide du genre, 59% ont dit soutenir l’option d’un troisième genre sur les cartes d’identité – ou la suppression complète du genre sur les cartes d’identité – et 67% ont dit approuver l’utilisation par les garçons et les filles transgenres de toilettes publiques correspondant à leur identité de genre.
Même aussi récemment qu’en 2021, 61% des adultes canadiens se disaient « favorables à ce que les personnes LGBT affichent ouvertement leur orientation sexuelle ou leur identité de genre avec tout le monde ». Une étude publiée par la revue Pediatrics la même année a révélé que 62% des jeunes transgenres déclaraient bénéficier d’un « soutien parental fort ».
D’où vient donc cette montée de l’intolérance et pourquoi se manifeste-t-elle aujourd’hui? Pour comprendre ce processus, nous devons nous pencher sur l’état général de la société canadienne.
Le capitalisme canadien connaît une crise terrible. Les travailleurs sont broyés entre les roues de l’inflation et de l’austérité. Pendant ce temps, les profits des entreprises atteignent des sommets. Cette situation a créé un vaste sentiment de désillusion à l’égard du système. Selon des sondages, 67% des Canadiens estiment que « tout semble cassé », tandis que 65% d’entre eux pensent que le pays fait fausse route. De moins en moins de travailleurs canadiens estiment que le système a quelque chose à leur offrir, ce qui se traduit par une baisse de la participation électorale dans tout le pays. Jamais la société canadienne n’a connu un malaise aussi profond.
Cela s’est traduit par une augmentation des grèves, comme celle des travailleurs de l’éducation de l’Ontario en novembre dernier, qui a failli déclencher une grève générale, ou la plus grande grève des employés fédéraux en 30 ans, qui a eu lieu en avril. En conséquence, les capitalistes et leurs politiciens s’inquiètent de plus en plus de la lutte des classes.
Les capitalistes perdent le contrôle de la situation et ils le savent. En réponse, une certaine aile de la classe dirigeante canadienne s’est tournée vers une politique classique consistant à diviser pour mieux régner. Les conservateurs attisent l’hystérie des préjugés afin de détourner l’attention des travailleurs de leurs véritables problèmes. Si les travailleurs canadiens sont amenés à blâmer les personnes transgenres et la « gauche woke » pour les échecs du capitalisme, alors ils prêteront moins d’attention aux réductions de salaire et à l’austérité qui leur sont imposées d’en haut.
D’un autre côté, cette stratégie donne aux libéraux un nouveau souffle. Ils justifient leur pouvoir en se présentant comme les seuls à pouvoir défendre les droits des personnes LGBTQ+. Pendant ce temps, lorsque les libéraux sont au pouvoir, ils ne font rien pour améliorer les conditions des groupes marginalisés ou pour les protéger contre les attaques. Ils se contentent d’arborer des macarons arc-en-ciel, d’assister à une marche des fiertés en juin et s’en tenir là.
Il s’agit essentiellement de la même recette que celle utilisée par la classe dirigeante américaine. La dernière élection présidentielle aux États-Unis n’était rien d’autre qu’un jeu élaboré de bon flic, mauvais flic. Dans la droite ligne de sa présidence, Donald Trump a fait campagne sur un programme ouvertement réactionnaire et haineux, tandis que Joe Biden s’est posé en sauveur des femmes, des Noirs, de la communauté LGBTQ+ et des immigrés. Mais maintenant que les démocrates sont de retour au pouvoir, l’administration Biden n’a absolument rien fait pour défendre les personnes transgenres contre les 541 projets de loi anti-trans déposés rien qu’en 2023. Le mouvement au Canada doit absorber cette expérience et ne pas faire confiance aux libéraux ou à la tactique du « moindre mal » pour mettre fin à la transphobie.
La même dynamique est apparue au Royaume-Uni. Alors que la classe dirigeante britannique continue de se discréditer, les conservateurs ont de plus en plus recours à la rhétorique de la « culture war » (guerre culturelle) dans une tentative désespérée d’obtenir des soutiens. Il en a résulté une vague de peur transphobe qui a directement conduit au lâche assassinat d’une adolescente trans nommée Brianna Ghey au début de l’année. Si les conservateurs canadiens continuent d’attiser les flammes du fanatisme, ce n’est qu’une question de temps avant que nous ne soyons confrontés à une violence similaire chez nous.
Riposter avec l’unité de classe
Au cours des dernières décennies, certains groupes ont soutenu que la façon de soutenir les droits des personnes trans est de les cantonner dans leur propre catégorie isolée. L’exemple le plus clair est celui de l’intersectionnalité, qui affirme que chaque personne subit et contribue à un réseau d’oppressions qui s’entrecroisent. Pour l’intersectionnaliste, toute personne opprimée est en même temps oppresseure : les homosexuels cis oppriment les personnes trans parce qu’ils sont cis (c’est-à-dire qu’ils s’identifient au genre qui leur a été assigné à la naissance), les personnes trans blanches oppriment les personnes trans noires parce qu’elles sont blanches, et ainsi de suite. La conclusion logique qui découle de cette perspective est que le mouvement de chaque groupe opprimé devrait être cantonné dans des luttes individuelles plus petites et de plus en plus spécifiques. La politique du « occupe-toi de tes oignons » décourage ouvertement les gens de parler d’oppression dont ils ne souffrent pas directement.
Ces idées se présentent comme progressistes, mais elles font en réalité le jeu des intolérants. Toute suggestion selon laquelle les travailleurs cis et trans ont des intérêts opposés sur la base de leur identité de genre ne sert qu’à approfondir les fissures là où elles existent déjà, en isolant les personnes trans du mouvement plus large. C’est la même logique que celle de ceux qui s’opposent aux droits des personnes trans sur une base explicitement réactionnaire, mais sous un vernis progressiste. Elle valide les arguments des militants « LGB » qui veulent séparer le mouvement trans du reste du mouvement LGBTQ+ au motif que l’oppression sexuelle et l’oppression de genre seraient « sans rapport », « des luttes séparées ». Cette logique, au fond, est d’accord avec les féministes radicales virulemment transphobes pour dire que les intérêts des femmes cis et des femmes trans sont intrinsèquement opposés, au lieu d’être unis contre l’oppression de genre. Et l’intersectionnalité est d’accord avec l’extrême droite pour dire que les luttes des personnes trans sont déconnectées et étrangères à celles du reste de la classe ouvrière.
Cette approche, qu’elle vienne de la droite ou de la gauche, témoigne également d’une incompréhension massive de ce que représente réellement le sentiment anti-trans.
L’attaque contre les droits des personnes trans n’est pas un phénomène isolé. Elle est imbriquée dans le mouvement « anti-woke » qui a émergé au Canada et dans le monde, et qui représente un risque pour tous les travailleurs et les personnes marginalisées. La situation en Amérique en est la confirmation. L’attaque contre les droits des personnes trans fait partie d’une attaque plus large contre l’autonomie corporelle, qui a jusqu’à présent culminé avec l’abolition du droit à l’avortement à l’échelle fédérale aux États-Unis et l’adoption d’interdictions contre l’avortement dans différents États.
Il suffit de regarder le leader conservateur fédéral Pierre Poilievre, figure de proue de la soi-disant guerre culturelle au Canada, pour voir ce que le mouvement « anti-woke » a à offrir aux travailleurs. Il est clair au premier coup d’œil que Poilievre n’est pas un ami des minorités de genre. Il est étroitement associé à Jordan Peterson, qui s’est d’abord fait connaître en attaquant les personnes transgenres. Mais cela ne s’arrête pas là. Poilievre a déjà passé une grande partie de son mandat de chef de parti à attiser l’hystérie anti-immigrés et à essayer de monter les travailleurs contre les demandeurs d’asile. Poilievre s’est également associé à des complotistes racistes. Il s’est récemment adressé à un groupe de réflexion qui nie ouvertement les horreurs des pensionnats autochtones et prétend qu’ils ont été créés pour « sauver » les peuples autochtones.
En fait, un gouvernement Poilievre serait désastreux pour tous les travailleurs. Au pouvoir, il déclencherait une vague vicieuse d’attaques et d’austérité sur l’ensemble de la classe ouvrière. Il est totalement de mèche avec l’élite riche du Canada et la rhétorique hypocrite « anti-establishment » qu’il met de l’avant n’est rien d’autre qu’une couverture pour ses véritables intentions. On peut dire la même chose du Parti conservateur uni en Alberta, du gouvernement de la CAQ au Québec et de tous les autres partis qui ont fait de la « guerre contre le wokisme » un élément de leur programme.
La transphobie elle-même ne touche pas que les personnes trans. De nombreuses femmes et jeunes filles cis seront inévitablement confrontées à des réactions négatives parce qu’elles ne ressemblent pas à ce que les transphobes pensent qu’une femme « devrait » être. Ce mois-ci, lors d’une rencontre d’athlétisme à Kelowna, en Colombie-Britannique, une fillette cis de neuf ans aux cheveux courts s’est fait hurler dessus par un adulte qui l’avait pris pour une fille trans. L’homme a exigé des documents prouvant son sexe de naissance et la conjointe de l’homme a traité la mère de la fillette de « mutilatrice génitale, proxénète et pédophile ». Il semble que la droite estime que le meilleur moyen de protéger les enfants est de harceler leurs parents et de les faire pleurer en public.
On peut faire la même remarque à propos des manifestations contre les drags queens. De nombreux artistes drags sont trans, mais de nombreux autres ne le sont pas. Les manifestations contre les drags sont tout aussi étroitement liées à l’homophobie qu’à la transphobie. Un violent transphobe qui est suffisamment en colère pour aller manifester contre un spectacle de drags n’est probablement pas « seulement » transphobe.
Qui profite de toutes ces tensions, de ces conflits et de cette haine? Aucun travailleur, quelle que soit son identité de genre, ne gagne à ce que les personnes transgenres se voient refuser le droit de vivre comme elles l’entendent. En fait, c’est le contraire qui se produit. Les attaques contre les soins d’affirmation de genre, par exemple, ne serviront que de précédent pour réduire les dépenses de santé de tous les travailleurs.
En fait, l’écrasante majorité des personnes trans appartiennent à la classe ouvrière et partagent donc les mêmes intérêts économiques fondamentaux que tous les autres travailleurs. La plupart des problèmes rencontrés par les personnes trans – de la grande pauvreté aux difficultés d’accès à l’emploi et aux soins de santé – sont les mêmes que ceux auxquels sont confrontés de nombreux travailleurs aujourd’hui, mais ils sont amplifiés et liés à la discrimination sociale.
Comprendre cela est la clé pour comprendre comment il faut lutter contre la transphobie. Le capitalisme cherche à nous monter les uns contre les autres parce que c’est le seul moyen pour ce système de plus en plus impopulaire de se préserver dans notre ère de crise et de turbulences. Mais le mouvement des travailleurs ne peut être renforcé que par l’unité. Il est donc impératif que le mouvement ouvrier rejette toutes les tentatives visant à diviser les travailleurs en fonction de leur identité, quelle qu’elle soit. L’intolérance doit être combattue par la solidarité de classe. Chaque fois qu’un travailleur transgenre est victime d’une discrimination quelconque sur son lieu de travail, les travailleurs doivent s’unir et répliquer contre le patron. Tout projet de loi transphobe émanant d’un organe législatif doit donner lieu à des manifestations de masse utilisant le pouvoir et les ressources des syndicats pour mobiliser les gens. Les cas de discrimination en matière de logement devraient également donner lieu à des manifestations de solidarité. C’est de ce type de lutte unie et massive contre la discrimination dont nous avons besoin pour repousser les attaques contre les personnes transgenres, en combattant toute trace de préjugé au sein de la classe ouvrière dans le même temps.
Mais lutter contre la transphobie et les autres formes d’intolérance là où elles se manifestent ne suffit pas. Pour tuer une mauvaise herbe, il faut la détruire à la racine. La discrimination est une conséquence naturelle du capitalisme. La seule façon de résoudre cette question une fois pour toutes est d’unir et de canaliser les luttes des travailleurs et de tous les groupes opprimés dans la lutte pour la révolution socialiste.
L’intolérance n’est pas dans la nature humaine. C’est un mal créé et encouragé par la société de classes. Il faut souligner que l’oppression fondée sur le genre n’existait pas avant que la société ne soit divisée en classes. La base sociale de la discrimination est la pénurie. Sous le capitalisme, les travailleurs doivent lutter quotidiennement pour les nécessités de la vie. Dans ce contexte pénible, il est facile de dresser certains travailleurs contre d’autres sur la base de leur appartenance à tel groupe ou telle identité, et de les pousser à se battre pour les miettes que les riches leur donnent. La seule façon de résoudre ce problème est de renverser le capitalisme par une révolution et de créer un système entièrement nouveau.
Une économie socialiste basée sur une planification démocratique et rationnelle de l’économie garantirait à tous une vie saine et digne. Cela représenterait une transformation complète des relations humaines. Un système fondé sur la coopération supprimerait les sources qui alimentent l’intolérance à l’égard de groupes spécifiques. Pour les personnes transgenres et les minorités sexuelles, cela signifierait le droit et la liberté de s’afficher, de vivre et de s’exprimer comme elles l’entendent.
Bien sûr, un gouvernement socialiste ne signifierait pas l’éradication immédiate de toute intolérance du jour au lendemain. Mais il nous donnerait les moyens de la combattre. Une telle société signifierait le début d’une nouvelle ère de relations humaines basées sur une solidarité et un respect authentiques. La révolution nous offre la seule voie vers cet avenir.