« Ces gens-là sont peu nombreux, ces gens-là contrôlent tout et veulent toujours contrôler plus, ces gens-là ont des intérêts communs, ces gens-là ont un projet politique commun. […] Il faut arrêter d’avoir peur des mots. Il faut nommer ces gens-là par leur nom; ces gens-là c’est la classe dominante, ces gens-là c’est la bourgeoisie. La lutte contre la hausse des frais de scolarité, la lutte des indignés à travers le monde doit être nommée par son nom. Il s’agit d’une lutte de classes. » -Gabriel Nadeau-Dubois, 2011
Au printemps 2012, un demi-million d’étudiants au Québec ont mené la plus grande grève étudiante de l’histoire de l’Amérique du Nord contre une hausse des frais de scolarité de 75%. La grève, qui a duré six mois, a mené au renversement du gouvernement libéral détesté et à l’annulation de la hausse.
L’une des principales leçons de ce fantastique mouvement est qu’il n’est pas tombé du ciel : il avait été préparé politiquement. Pendant des mois, les leaders étudiants ont mené une vaste campagne pour expliquer l’augmentation des frais de scolarité, l’austérité en général et la nécessité d’une grève étudiante. Le gouvernement libéral de Jean Charest, déterminé à poursuivre son agenda d’austérité, n’allait pas se laisser « convaincre » de reculer : il fallait bloquer le système d’éducation et l’y forcer.
Gabriel Nadeau-Dubois, le principal leader du mouvement, expliquait : « Pour bâtir cette grève, des milliers de jeunes militants se levaient très tôt chaque matin […] pour distribuer des tonnes de journaux. » Il ajoute : « Lorsque nous avons commencé cette mobilisation, […] entre 10 et 15% des étudiants étaient opposés à la hausse des frais de scolarité. La vaste majorité était d’accord. Mais pendant deux ans, nous avons passé notre temps à parler pendant des heures avec chaque étudiant dans chaque association locale. »
Grâce à ce travail politique méticuleux, les dirigeants étudiants ont convaincu la majorité. Sans cet effort, la grève n’aurait jamais connu un tel succès.
Les idées ont également joué un rôle central. Les leaders étudiants liaient la lutte contre la hausse à la lutte mondiale contre l’austérité. Le journal de l’ASSÉ, la principale organisation étudiante, expliquait à l’été 2011 : « Partout à travers le monde, […] les peuples se révoltent et réclament leur dû. […] Après le printemps arabe, assisterons-nous au printemps québécois? La réponse de l’ASSÉ est catégorique : il le faut. […] Devant l’ampleur du défi, aucune hésitation n’est permise : mobilisons-nous dès aujourd’hui, en grand nombre et avec détermination. Il n’en tient qu’à nous. »
Cette vision d’ensemble donnait au mouvement inspiration, ténacité et combativité. Grâce à elle, des milliers d’étudiants ont pris les choses en main.
Le potentiel du mouvement s’est réalisé à travers la démocratie étudiante. À chaque tournant, des assemblées générales de masse avaient lieu afin que les étudiants décident des prochaines étapes, forment des comités, élisent ou réélisent des représentants. Cette démocratie large était un ingrédient clé de la lutte : elle a fait que les étudiants se sont approprié entièrement le mouvement. C’était leur lutte.
Comme toutes les décisions majeures de la lutte étaient dans les mains des étudiants eux-mêmes, ils pouvaient ainsi maintenir le contrôle sur leurs leaders. Nous l’avons au début du mois de mai 2012, lorsque les étudiants ont rejeté en assemblée un compromis pourri qui avait été négocié par le gouvernement et les leaders étudiants.
Ainsi, les étudiants pouvaient ressentir et exercer leur pouvoir collectif, armés d’une volonté de surmonter tous les obstacles sur leur chemin. Le 18 mai, c’est ce qui est arrivé avec le dépôt du projet de loi 78, une loi qui visait à briser la grève et brimer le droit de manifester. La réponse de l’ASSÉ : un appel à défier cette loi répressive. La manifestation du 22 mai a vu 400 000 personnes prendre les rues de Montréal dans le plus grand acte de désobéissance civile de l’histoire du Canada.
Devant ce mouvement de masse sans fin, le premier ministre Charest a alors déclenché une élection, où il se présentait comme le défenseur de « l’ordre » contre le « chaos ». Le gouvernement fut battu, et le nouveau gouvernement annula la hausse des frais de scolarité et abrogea la loi 78.
Telles sont les méthodes que nous devons adopter dans la lutte pour libérer la Palestine. Si nous le faisons, rien ne nous arrêtera.