Au cours de la fin de semaine du 22-24 mai, La Riposte socialiste/Fightback, la section canadienne de la Tendance marxiste internationale, a tenu son plus grand congrès à ce jour, avec plus de 300 révolutionnaires participant à la réunion en ligne. Il s’agissait d’un véritable événement pancanadien, avec des participants venus de Halifax, Québec, Montréal, Sherbrooke, Gatineau, Ottawa, Kingston, Peterborough, Barrie, Toronto, Oakville, Burlington, Tillsonburg, Aurora, Oshawa, Whitby, Ajax, Hamilton, Waterloo, Windsor, Thunder Bay, Edmonton, Calgary, Fort McMurray, Grand Prairie, Kelowna, Victoria, Vancouver, Wetaskiwin, Inuvik, Iqaluit, en plus de visiteurs des États-Unis et d’Europe. Bien que les conditions de la pandémie nous aient obligés à tenir le congrès en ligne plutôt qu’en personne, cela n’a aucunement affecté l’enthousiasme des camarades. En fait, l’un des thèmes qui est ressorti au cours de cette fin de semaine était que, face à l’adversité de la période récente, les forces révolutionnaires ont non seulement grandi, mais sont en train de prospérer.
La première séance de la fin de semaine a porté sur les perspectives mondiales, présentées par Fred Weston, membre de la rédaction de In Defence of Marxism. Weston a expliqué que nous sommes entrés dans une nouvelle période historique, où la révolution n’est plus une perspective lointaine, mais commence déjà un peu partout. De la révolution au Myanmar à la grève générale en Palestine, en passant par le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, nous voyons des masses de travailleurs et d’opprimés entrer sur la scène politique.
Si l’état d’instabilité actuel a certainement été aggravé par la pandémie de COVID-19, la crise se préparait depuis longtemps. Comme l’ont expliqué les marxistes, la crise de surproduction – les capitalistes produisent plus que ce qui peut être absorbé par le marché, ce qui conduit éventuellement à un krach – s’est développée pendant des années, n’attendant qu’une étincelle pour éclater. Avant la pandémie, nous voyions déjà les milliardaires amasser des montagnes de richesses, l’augmentation des inégalités, l’explosion du crédit, une augmentation de la dette supérieure à celle du PIB et les tensions économiques grandissantes entre les puissances capitalistes. La COVID-19 n’a pas créé la crise, mais elle l’a aggravée.
De plus, comme l’a expliqué Weston, les capitalistes se sont révélés totalement incapables de gérer la crise. Au lieu de coopérer au niveau international pour développer et distribuer des vaccins, les pays sont en concurrence les uns avec les autres. Au lieu de planifier rationnellement la réponse à la pandémie, les mesures ont été dictées par le souci de protéger les profits, ce qui a conduit à des confinements et des réglementations erratiques et inefficaces. Tout ce que les capitalistes ont pu faire, c’est injecter des milliers de milliards de dollars dans l’économie pour la faire rouler. Après la pandémie, il faudra faire face à cette montagne de dettes. Cependant, les capitalistes ne seront pas en mesure de mettre en œuvre les coupes et l’austérité dont ils ont besoin sans déclencher la colère des masses. La pandémie a mis en lumière toutes les inégalités et les injustices inhérentes au système capitaliste, ce qui a eu un effet sur les consciences. Toute tentative de rétablir l’ordre économique risque de bouleverser l’ordre politique et social. Il n’y a pas d’issue à cette crise sur une base capitaliste.
Ces idées ont été reprises dans la discussion sur les perspectives canadiennes, menée par Alex Grant, membre de la rédaction de Fightback. Bien que le Canada ait été plus calme que d’autres pays, les mêmes phénomènes d’escalade de la dette et d’inégalités croissantes, et leur impact sur la conscience de masse, ont eu lieu ici. Dans chaque province, nous avons assisté à des réponses bâclées à la pandémie, depuis le couvre-feu inefficace et absurde au Québec, jusqu’au nombre tragique de décès dans les centres de soins de longue durée en Ontario, en passant par l’Alberta, où Jason Kenney planifie de licencier des milliers d’infirmières et a engendré une faction anti-masque dans son propre caucus. Au niveau fédéral, des milliards de dollars ont été versés dans les poches des entreprises, notamment par le biais du programme de subvention salariale d’urgence du Canada. Ces subventions n’ont pas du tout profité aux travailleurs ; les inégalités de richesse se sont accrues au cours de la pandémie, les milliardaires canadiens s’étant enrichis de 78 milliards de dollars.
Comme pour la situation mondiale, toutes les faiblesses fondamentales de l’économie canadienne sont encore présentes. Certains économistes prédisent une reprise économique après la pandémie, car les gens qui ont économisé de l’argent pendant le confinement s’empresseront de le dépenser pour des choses comme des sorties et des vacances, et cela pourrait bien être le cas. Toutefois, il s’agira d’une reprise instable, car elle ne changera pas les conditions sous-jacentes de l’endettement massif, la menace imminente de l’inflation et une classe ouvrière qui en a assez de porter le poids de la crise.
Grant a expliqué que bien que nous ne puissions pas prédire comment la lutte des classes va éclater au Canada, il ne manque pas de chemins pour qu’elle s’exprime. Que ce soit à travers la lutte des peuples autochtones contre l’oppression, la lutte contre la violence policière, les luttes syndicales alors que les travailleurs continuent d’être attaqués, ou en réponse à l’austérité provinciale ou municipale, il y a beaucoup de matière combustible dans la société canadienne. La question n’est pas de savoir si la classe ouvrière va se battre, mais si elle aura le leadership nécessaire pour gagner. C’est la tâche des marxistes d’intervenir avec les revendications et les tactiques correctes qui peuvent indiquer la voie vers la victoire, vers la révolution socialiste.
C’est précisément la tâche que La Riposte socialiste/Fightback s’est fixée. Lors de la séance sur la construction de l’organisation révolutionnaire, Joel Bergman, membre de la rédaction de La Riposte socialiste, a expliqué comment l’organisation est entrée dans une nouvelle phase de développement. Grâce à notre croissance au cours de la période récente, nous sommes en mesure de prendre de nouvelles initiatives et de nous engager dans le mouvement comme jamais auparavant. Les camarades de Montréal ont joué un rôle central dans le mouvement de solidarité avec les débardeurs du port de Montréal ; et les camarades de l’Ontario ont joué un rôle essentiel dans la formation de la Coalition ontarienne contre Ford, qui a fait avancer la demande de débrayages pour obtenir des jours de congé maladie payés. Au cours de la discussion, les camarades ont parlé de la croissance de l’organisation à travers le pays. Comme cette croissance le montre clairement, les marxistes ne nagent plus à contre-courant ; les travailleurs et les jeunes ont soif d’idées révolutionnaires.
C’est également vrai à l’échelle internationale. Dans une autre séance, Fred Weston a parlé de la croissance de la Tendance marxiste internationale, qui a connu des percées importantes en 2020. Il y a eu à la fois une croissance rapide dans des pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis, le Pakistan et la Russie, ainsi que de nouveaux groupes qui commencent à s’établir dans le monde entier, de l’Asie du Sud à l’Afrique, en passant par l’Amérique latine. Il est clair que les camarades du Canada ne travaillent pas de manière isolée, mais font partie d’une lutte mondiale interconnectée pour renverser le capitalisme.
Toute cette croissance n’aurait pas été possible sans une organisation forte, financée de manière indépendante et politiquement responsable uniquement devant ses membres. C’est ce que Donovan Ritch, militant de La Riposte socialiste, a expliqué lors de la séance sur les finances. Malgré les difficultés de l’année passée, les camarades ont démontré leur engagement à construire l’organisation avec leurs contributions financières, permettant à La Riposte socialiste/Fightback d’augmenter son nombre de permanents et d’établir un véritable centre national à Toronto avec un nouveau bureau. Les camarades ont encore démontré leur engagement au cours de la fin de semaine, avec une collecte de fonds qui a battu tous nos records. De même, la portée de notre presse s’est accrue, tant en ligne qu’en format papier, ce qui nous rapproche de notre objectif de 1000 abonnés à Fightback, 300 abonnés à La Riposte socialiste et d’une publication bimensuelle en anglais. Cela montre une fois de plus qu’il existe un public croissant pour les idées révolutionnaires.
En fin de compte, ce sont les idées et la théorie qui constituent la base d’une organisation révolutionnaire. Cela a été souligné dans la dernière séance, introduite par Rob Lyon, membre de la rédaction de La Riposte socialiste, sur la lutte pour la théorie marxiste. Beaucoup de gens à gauche sont absorbés par le postmodernisme et les politiques identitaires, des idées qui sont en fin de compte repliées sur elles-mêmes, pessimistes et vouées à l’échec. C’est le marxisme, avec son analyse matérialiste dialectique et ses méthodes de lutte des classes, qui pointe réellement la voie vers la victoire de la classe ouvrière sur toutes les formes d’exploitation et d’oppression. C’est dans cet esprit que La Riposte socialiste/Fightback a renouvelé son engagement à étudier cette théorie et à la mettre en avant dans le mouvement.
Dans une période marquée par la crise, les marxistes ont construit une organisation imprégnée d’optimisme révolutionnaire. C’est ce qui a transparu pendant les discussions et les soirées sociales en ligne qui ont eu lieu pendant la fin de semaine. Alors que les capitalistes sont impuissants face à la pandémie, et que beaucoup de gens à gauche ont sombré dans le pessimisme et le désarroi, la TMI au Canada et au Québec est en pleine croissance. C’est parce que nous savons qu’il existe une solution à la crise actuelle, une solution socialiste, et que la classe ouvrière est tout à fait capable de se soulever contre le capitalisme de notre vivant. La seule question est de savoir si elle aura le leadership et les idées nécessaires pour gagner. C’est la tâche des marxistes de s’en assurer.