La scène politique québécoise traverse présentement une période sombre. Alors que les accusations de corruption, fraudes et financements illégaux fusent de partout, voilà que le Maire de Montréal, Michael Applebaum (qui a maintenant donné sa démission), a été arrêté par l’Unité permanente anti-corruption (UPAC). Ces récents événements ainsi que la Commission Charbonneau témoignent d’un système en putréfaction, ce qui contribue largement au marasme de la population à l’égard de ses institutions politiques. Dans un système basé sur la compétition féroce, c’est pratiquement la vie ou la mort pour la plupart des entreprises si elles sont incapables de dégager un profit considérable. Avec les conditions données du capitalisme, il est évident que des tendances de corruption et de fraude se développent.
Il y a déjà quelques années que la politique municipale et provinciale au Québec est entachée par différents scandales de corruption. Lors des élections municipales de 2009, le parti Union Montréal de l’ancien Maire Gérald Tremblay se trouvait au cœur d’un scandale concernant l’octroie d’un contrat de 355 millions de dollars pour l’installation de compteurs d’eau à l’homme d’affaire Tony Acurso. À l’époque, Frank Zampino, un membre du comité exécutif du Maire Tremblay avait séjourné sur le Yacht de Tony Acurso, en plus d’avoir été engagé par la firme qui codirigeait le contrat. Quant au parti Vision Montréal de Louise Harel, il se trouvait tout autant dans l’eau chaude, puisque un de ses candidats, Benoit Labonté, avait reçu 100 000 dollars de Tony Acurso pour financer sa campagne électorale.
La Commission Charbonneau a toutefois récemment mis en lumière un système de corruption beaucoup plus enraciné et stratégique qu’on le pensait en 2009, mettant en vedette des élus, des entrepreneurs, des firmes d’ingénieurs, des cabinets d’avocats et des firmes de comptables. Moyennant des sommes d’argent versées à des partis politiques et à des élus, certaines compagnies se voyaient octroyer des contrats publics, augmentant ainsi massivement leurs revenus et leur assurant un certain monopole. De ce fait, dans certaines municipalités (pensant particulièrement à Montréal et Laval), les entrepreneurs ne contribuant pas aux caisses des élus se voyaient inévitablement rejetés lors des soumissions, subissant même parfois de l’intimidation de la part d’autres entrepreneurs.
S’assurant d’obtenir les contrats à tour de rôle, les entreprises en question ne se gênaient pas pour gonfler les factures des travaux publics et dépasser les coûts estimés. Les firmes d’ingénieurs contribuaient d’ailleurs à augmenter le véritable coût des contingences lors de la réalisation des travaux. Ce surplus était alors retourné aux firmes d’ingénieurs qui s’en servaient pour financer les élus et les partis politiques municipaux. On ne peut non plus passer sous silence la connivence de ces milieux avec le crime organisé, qui se servait du milieu de la construction pour blanchir de l’argent.
Des entrepreneurs se sont aussi adonnés à toutes sortes de méthodes pour s’attirer l’attention d’élus politiques C’est dans cette optique que les entrepreneurs faisaient toutes sortes de « cadeaux », non seulement à des élus municipaux, mais aussi à certains de l’Assemblée Nationale. Des bouteilles de vins à des billets de spectacles et de hockey, en passant par des voyages, toutes les ruses étaient bonnes pour amadouer les élus.
C’est confronté à cette situation que la grogne s’installe de plus en plus parmi les travailleurs et travailleuses au Québec. À la suite de toutes les allégations de corruption pesant sur eux et, de ce fait, la colère de la population qui s’enflamme, le Maire de Montréal Gérald Tremblay, le Maire de Laval Gille Vaillancourt, puis le Maire par intérim de Montréal, Michael Applebaum, ont tour à tour été forcés de démissionner. Les allégations de corruption doivent également être à considérer comme un des facteurs menant à la défaite des libéraux de Jean Charest aux dernières élections.
Toutefois, à l’Assemblée nationale, il semble que les libéraux ne soient pas les seuls entachés par la corruption et que ce soit les principaux partis politiques du patronat qui sont plongés dans l’eau chaude. Le Directeur général des élections du Québec rapportait dernièrement qu’entre 2006 et 2011, des firmes de comptables, des firmes d’ingénieurs, des bureaux d’avocats et des entreprises de la construction se sont adonnés au financement illégal des partis politiques québécois en utilisant un système de prête-noms. En d’autres mots, les employés versaient un certain montant à un parti politique, puis l’entreprise pour laquelle ils travaillaient leur remboursait le montant en question. Au total, c’est plus de 10 millions de dollars qui furent versés entre le PLQ, le PQ et l’ADQ. Bref, c’est un système bien établi et généralisé qui est en train d’être mis à jour.
La corruption semble être un phénomène transhistorique, puisqu’à chaque époque elle se manifestait au sein des dirigeants. Dès la fondation du Canada en 1867, le gouvernement conservateur de l’époque fut éclaboussé par les scandales du Canadien Pacifique. Ensuite, vint la période de la Grande noirceur, puis la construction du stade Olympique, la Commission Cliche puis les récentes allégations qui pèsent sur certains dirigeants. Une certaine tendance dans l’opinion publique suppose toutefois que les scandales qui éclaboussent le milieu politique soient un phénomène typiquement québécois, ancrés dans nos mœurs politiques. (Il ne faut pas voir plus loin que le bout de son nez pour stipuler de telles âneries). Aucune population n’est à l’abri de la collusion entre les intérêts des grandes compagnies privées et le pouvoir. D’ailleurs, de nombreux scandales de corruption se manifestaient dernièrement en Espagne, en Italie, et de façon générale, suivant différentes périodes, dans la plupart des pays.
Ironiquement, c’est pendant la période où le capitalisme coupe dans les acquis sociaux des travailleurs que les scandales de corruption font surface. Autrement dit, pendant que le capitalisme applique de manière globale une des pires austérités, les travailleurs apprennent que l’État gaspille leur argent pour enrichir les entreprises, voire le crime organisé. Certes, la corruption revêt différentes formes, mais elle vise un but précis : l’enrichissement encore plus grande d’une minorité de capitalistes.
Sous le capitalisme, l’État est le pouvoir qui légitime et défend les intérêts des capitalistes en général. Comme le capitalisme se base sur la concurrence sauvage et la concentration de la richesse entre une minorité de personnes, il est évident que certains tentent de corrompre le pouvoir pour obtenir de manière non démocratique des contrats publics. Les élus des partis capitalistes ne défendent pas les intérêts de la majorité que représentent les travailleurs, ce qui peut favoriser une corruption systématisée, comme c’est le cas actuellement au Québec. Le socialisme se pose ainsi en nécessité pour lutter contre la corruption et évincer du pouvoir les valets de la bourgeoisie.
Les détracteurs du socialisme diront que la nationalisation des moyens de production et la planification économique mène à encore plus de corruption que le capitalisme. Certes, nous ne remettons aucunement en question le bilan désastreux de l’URSS et des autres pays qui ont adopté le modèle stalinien. Néanmoins, la corruption des pays « communistes » tire ses origines dans la bureaucratie qui s’installa au-dessus de la population, et ce, en raison de plusieurs facteurs historiques.
Léon Trotsky expliquait que le « socialisme sans démocratie est comme le corps humain sans oxygène ». Le développement du socialisme requiert que le pouvoir étatique soit détenu dans les mains des travailleurs-euses et que la production soit contrôlée par ces derniers-ères. Sans combiner cette nécessité à la nationalisation des moyens de production et à la planification de l’économie, il est impossible de parler de socialisme. On se trouverait plutôt devant l’une de ses caricatures grossières.
Pour éliminer au maximum toute tentative de corruption, les élus de la classe ouvrière doivent recevoir le salaire moyen d’un ouvrier. De plus, la révocabilité des élus en tout temps doit faire partie de l’application du pouvoir des travailleurs. En se basant sur ces deux principes pour l’élection de représentants, cela donnerait une corde de plus à l’arc des travailleurs, pour que leurs élus défendent leurs intérêts et ne sombrent pas dans le carriérisme.
Tandis que les différents partis du patronat, autant au niveau municipal que provincial, perdent la crédibilité qui leur restait, de grandes possibilités s’offrent aux partis à caractère socialisant et luttant contre le pouvoir corporatiste. Nous ne pensons pas que la corruption peut s’éliminer sous le capitalisme. De ce fait, nous devons lutter pour que les leviers économiques de la société se retrouvent entre les mains de la population, et non une clique de bandits corrompus. En plus, ces derniers n’ont qu’à se tourner vers les partis capitalistes, qui attaquent directement les conditions de vie des gens, pour voir leurs intérêts fructifier scandaleusement. Le parti Projet Montréal se doit de combattre fermement la corruption, en adoptant une véritable plateforme socialiste pour les prochaines élections municipales. Même chose pour ce qui est de Québec Solidaire et du Nouveau parti démocratique, qui doivent retourner à leur source et mettre de l’avant la défense des travailleurs-euses à travers le socialisme. Le mouvement ouvrier doit lutter pour une société socialiste où les motifs de profit seront éliminés, et qui nous débarrassera du « gouvernement moderne qui n’est qu’un comité gérant les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière », comme le disait Marx. C’est la seule issue pour détruire la corruption.