J’ai récemment visionné une version remasterisée du film tchécoslovaque Un jour, un chat (1963). Il s’agit d’une critique acerbe du stalinisme à travers l’histoire d’un chat qui porte de petites lunettes de soleil.
Le film dépeint le rôle étouffant de la bureaucratie dans la Tchécoslovaquie des années 1960. Alors que l’enseignant Robert tente de stimuler l’imagination de ses élèves par des cours ludiques, le directeur d’école Karel, terne et sans humour, lui met des bâtons dans les roues. Mais la vie du village est chamboulée avec l’arrivée de Mokol, un chat de cirque aux pouvoirs magiques. Lorsqu’il enlève ses lunettes de soleil, la vraie nature des gens est révélée : les gens bienveillants et amoureux prennent une teinte rouge, les infidèles deviennent jaunes, et les menteurs, les carriéristes et les lâches (et donc les bureaucrates) tournent au mauve. Résultat : chaos total. Lorsque les âmes sont révélées, les liens se brisent, et de nouveaux se forment.
Karel, de façon typiquement stalinienne, tente à tout prix de liquider le chat. Robert, avec l’aide d’autres villageois ainsi que ses élèves, font tout en leur pouvoir pour le sauver, y compris la grève, des manifestations et une campagne de propagande. Le petit Mokol est un révolutionnaire. Dire la vérité est presque toujours révolutionnaire sous un régime répressif.
Le film n’a pu être réalisé que dans le contexte de « dégel » qui a accompagné la déstalinisation. Tout art critiquant la bureaucratie était illégal sous Staline. Mais l’assouplissement de la censure n’était qu’une concession temporaire pour essayer de distinguer le régime de Kroutchev de celui de Staline. Le film sera plus tard banni après l’écrasement brutal du Printemps de Prague de 1968.
Un jour, un chat est un film phare de la Nouvelle vague tchécoslovaque, dont le réalisateur Vojtěch Jasný a été l’un des pionniers. Le père de Jasný avait été tué à Auschwitz, et il croyait que le communisme serait un outil pour mettre fin au fléau du nazisme pour toujours. En 1952, Jasný a réalisé un documentaire intitulé Les années extraordinaires faisant les louanges de la collectivisation agricole dans un style propagandiste stalinien.
Mais ses voyages lui ont révélé la farce que constitue le « réalisme soviétique ». Comme il l’explique, « Lorsque je suis revenu d’Union soviétique et de Chine, j’ai décidé que je ne ferais plus de films dogmatiques ou stupides. Je me suis fait cette promesse et j’ai trouvé ce courage. Vous croyiez que le socialisme est bon, mais j’ai vu qu’en Union soviétique ils tuent les gens. […] j’ai arrêté de croire cette stupidité et j’ai décidé que nous allions faire notre propre socialisme tchécoslovaque si nous pouvons, et nous allons le faire humainement et correctement. »
Regardez Un jour, un chat si vous voulez une vision artistique, originale de la vie sous le stalinisme, et de comment la révolution balaiera tous les bureaucrates.