Des centaines de personnes ont été tuées mardi lors du bombardement de l’hôpital baptiste Al-Ahli al-Arabi dans le quartier Al-Zeitoun de Gaza. L’hôpital n’abritait pas seulement ses patients (dont beaucoup avaient été blessés dans de précédentes frappes israéliennes), il hébergeait aussi des milliers de personnes qui cherchaient un abri face aux attaques de l’armée israélienne.
Mensonges
Comme à son habitude, l’Etat israélien n’a pas perdu de temps pour rejeter toute responsabilité dans ce carnage. Après avoir commencé par accuser le Hamas, il a ensuite affirmé qu’il s’agissait d’une roquette défectueuse tirée par le Djihad Islamique. Rien de tout cela n’est nouveau. L’Etat israélien fait la même chose à chaque fois qu’il commet un crime particulièrement brutal contre les Palestiniens.
Par exemple, en mai 2022, la journaliste israélo-palestinienne Shireen Abu Akleh était tuée lors d’un reportage sur un raid de l’armée israélienne contre le camp de réfugiés de Jenine en Cisjordanie. Israël a commencé par nier toute implication. Ses porte-paroles ont ensuite affirmé qu’elle avait été tuée par un militant palestinien puis qu’elle avait été prise dans un échange de tirs entre soldats israéliens et Palestiniens. Il ne s’agissait d’après eux que d’un tragique accident. Depuis, il a été prouvé de façon certaine qu’aucun militant palestinien ne se trouvait à proximité lorsqu’elle était morte et qu’elle avait été abattue volontairement par un sniper israélien, alors même qu’elle portait un gilet « Presse ». Personne n’a été poursuivi par la justice israélienne pour rendre compte de son assassinat. Par contre, son cortège funèbre a été attaqué par la police israélienne, qui n’a pas hésité à frapper les porteurs du cercueil.
Un autre exemple est encore plus éclairant dans le cas qui nous concerne. En août 2022, une frappe aérienne israélienne tuait cinq enfants dans le camp de réfugiés de Jabaliya, à Gaza. L’Etat israélien a réagi en expliquant qu’il s’agissait… d’une roquette défectueuse du Djihad Islamique ! Une semaine plus tard, il a été forcé de reconnaître qu’il n’y avait pas eu de tirs de roquettes du Djihad Islamique à ce moment-là et que c’est bien un avion israélien qui avait lâché le projectile meurtrier sur le camp de Jabaliya.
La version israélienne de la frappe contre l’hôpital Al-Ahli al-Arabi est pleine de trous et d’incohérences. Immédiatement après que les propagandistes israéliens aient avancé cette version d’une roquette défectueuse tirée par des Palestiniens, le journaliste indépendant Séamus Malekafzali a révélé qu’une des vidéos qu’ils utilisaient pour appuyer leur histoire avait en fait été filmée entre une demi-heure et une heure après les faits. Les comptes officiels israéliens ont donc immédiatement supprimé ou modifié leur tweet pour essayer de couvrir les traces de leurs mensonges.
Très peu de temps après le bombardement, plusieurs sources officielles ou semi-officielles israéliennes avaient avancé une version bien différente de celle qu’elles ont ensuite défendue. Nananya Naftali, un conseiller de Netanyahou a ainsi affirmé qu’il s’agissait d’une frappe israélienne, qui visait une base du Hamas qui aurait été cachée dans l’hôpital. Il a ensuite supprimé ce tweet et s’est excusé pour cette « erreur ».
Tuerie de masse
Depuis plus d’une dizaine de jours, l’armée israélienne bombarde Gaza sans interruption. C’est une zone très peuplée, des centaines de civils ont été tués, dont plus de 800 enfants d’après le dernier décompte. Cette campagne de bombardements vise à terroriser les 2,3 millions d’habitants de Gaza. Avant la frappe de mardi, 17 hôpitaux et centres médicaux avaient déjà été la cible de frappes israéliennes. Mardi, peu avant que l’hôpital Al-Ahli al-Arabi ne soit touché, c’était une école gérée par une agence de l’ONU qui était bombardée. Six personnes sont mortes, dont des employés de l’ONU, et des dizaines d’autres ont été blessées. Samedi dernier, l’hôpital Al-Ahli al-Arabi avait d’ailleurs déjà été touché par un tir israélien, qui avait endommagé deux étages du service d’échographie.
Israël a ordonné l’évacuation de toute la population du nord de Gaza, y compris les hôpitaux. Mardi matin, l’armée israélienne avait d’ailleurs publié des avertissements spécifiques pour le quartier Al-Zeitoun où l’hôpital est situé, demandant aux habitants d’évacuer « pour préserver leur sécurité et celle de leurs proches et de leurs familles ».
Tous les éléments pointent dans la même direction : Israël est à l’origine du tir qui a causé ce carnage horrible. C’est d’ailleurs l’avis de Yolanda Alvarez, l’ancienne correspondante au Moyen-Orient de la chaîne espagnole RTVE :
« A propos du massacre à l’hôpital Al-Ahli, après avoir couvert deux guerres à Gaza (en 2012 et en 2014), je peux dire ceci : seules les attaques israéliennes peuvent tuer des centaines de personnes (avec des bombes d’une tonne). Les roquettes du Hamas et du Djihad islamique tuent aussi, mais elles n’ont pas les mêmes capacités. Lorsque l’armée israélienne a lancé sa première attaque meurtrière contre une école des nations unies en 2014, à Beit Hanoun à Gaza, j’avais reçu un SMS du porte-parole de l’armée israélienne disant : “c’est le Hamas”. L’enquête indépendante de l’ONU avait ensuite démontré que toutes les attaques contre des écoles étaient le fait des Israéliens. »
Hypocrisie
L’hypocrisie des médias occidentaux et des puissances impérialistes est répugnante. Ils sont aujourd’hui occupés à fournir le maximum d’excuses et de justifications à ce crime de guerre, quand ils ne répètent pas tout simplement l’argumentaire de l’armée israélienne. La situation était bien différente à propos de l’Ukraine. Les journaux et les chaînes de télévision étaient remplis de dénonciations hystériques des crimes de guerre russes, que ceux-ci soient réels, exagérés, ou imaginaires. Il s’agissait alors d’émouvoir l’opinion publique pour l’amener à soutenir « notre camp ». Aujourd’hui, il s’agit de l’endurcir pour, à nouveau, soutenir « notre camp ».
En Israël, certains ne ressentent même pas le besoin de justifier leurs actions. Le président israélien Herzog a affirmé que « toute la nation » palestinienne était « responsable » des attaques du Hamas, y compris les civils.
Les atrocités commises par Israël ne sont pas la seule responsabilité de l’Etat israélien. Celui-ci bénéficie depuis des décennies du soutien des puissances impérialistes occidentales. Cela a été particulièrement clair ces deux dernières semaines. Tous les dirigeants occidentaux ont soutenu le « droit d’Israël à se défendre » et plusieurs d’entre eux se sont rendus en Israël pour apporter leur appui à l’offensive israélienne. En Allemagne et en France, le soutien de ces dirigeants « démocrates » à Israël a été jusqu’à interdire toutes les manifestations de solidarité avec la Palestine.
Les masses entrent en scène
Le massacre de l’hôpital de Gaza a provoqué une vague de révulsion dans tout le Moyen-Orient et le monde arabe. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Beyrouth, d’Amman, d’Istanbul, de Tunis et d’ailleurs pour attaquer les bâtiments diplomatiques israéliens, mais aussi américains et français. En Turquie, des dizaines de manifestants ont essayé de pénétrer dans la base militaire américaine de Kürecik.
Des manifestations ont eu lieu à Hebron, Ramallah et Jénine, et d’autres villes de Cisjordanie, dans lesquelles la foule chantait « le peuple veut renverser le président ». Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité présidentielle, est vu en effet, à juste titre, comme un homme de main de l’Etat israélien. Les forces de l’ordre palestiniennes ont tiré sur les manifestants et blessé une jeune fille.
La situation est mûre pour un soulèvement régional contre les impérialismes israélien et occidentaux. La colère des masses se tourne aussi contre leurs propres dirigeants qui sont vus, à raison, comme des complices des crimes israéliens.
L’état d’esprit des masses est tel que le Ministère des Affaires Etrangères de Jordanie a dû annuler le sommet qui était prévu entre l’Arabie Saoudite, la Jordanie, Mahmoud Abbas et Joe Biden. Aucun dirigeant de la région ne veut apparaître comme proche de l’impérialisme américain, de crainte d’être renversé par leur propre population. Même les gouvernements qui ont déjà régularisé leurs relations diplomatiques avec Israël se sont sentis obligés de condamner les attaques israéliennes sur Gaza.
La visite de Biden au Moyen-Orient devait être une démonstration de soutien à Israël, mais elle visait aussi à obtenir des concessions de la part des Israéliens, pour tenter de limiter le risque d’un embrasement régional. Cette tâche était déjà difficile pour l’impérialisme américain. Le bombardement de l’hôpital de Gaza l’a rendu purement et simplement impossible alors que les masses du Moyen-Orient et du monde arabe sont entrées en scène.
La lutte pour la libération de la Palestine ne peut passer que par un soulèvement révolutionnaire dans toute la région. La tâche des communistes d’Occident est de montrer notre solidarité avec cette lutte et de préparer les conditions pour le renversement de notre propre classe dirigeante, qui est la complice des massacres commis en Palestine.