On y est : le Québec est entré dans la seconde vague de la pandémie. Après des semaines de gestion confuse et incompétente, de mesures contradictoires et inefficaces, le premier ministre François Legault ne s’est pas gêné pour jeter le blâme sur le « relâchement général » de la population. Mais qu’a fait la CAQ pour nous éviter la noyade?
Inaction et improvisation
Personne ne doutait qu’une deuxième vague approchait. Pourtant, le gouvernement a mis de l’avant un dangereux plan de rentrée scolaire. Avec des classes remplies et mal ventilées, et un manque énorme de ressources, ça ne prenait pas la tête à Papineau pour présager le chaos : c’est près de 500 écoles dans la province qui sont touchées par le virus. Des suppléants font du va-et-vient entre des écoles, et pourraient très bien devenir des vecteurs de transmission. Pour en rajouter, le ministre de l’Éducation demande maintenant aux enseignants retraités de risquer leur vie en retournant travailler dans les écoles!
À cela s’ajoute l’incohérence totale du discours et des actions du gouvernement. D’un côté, on envoie des milliers de jeunes et de travailleurs dans des classes trop petites mais, de l’autre, on réprime ceux qui font la fête dans les bars (que le gouvernement lui-même a permis de rouvrir!) et les résidences privées. C’est l’hypocrisie totale. Plutôt que d’investir pour préparer la rentrée, et pour s’assurer que la province soit prête à faire face à une seconde vague, la CAQ préfère jeter le blâme sur la population et déchaîner la police pour donner des contraventions. Dans ce contexte, on comprend qu’il y ait tant de confusion et de scepticisme, et pourquoi des gens se tournent à tort vers le discours anti-masque.
Avec le retour des 500, 700 et presque 900 cas par jour, les centres de dépistage sont au maximum de leur capacité et les équipes de traçage sont complètement débordées. Personne ne devrait être surpris par la situation. Et pourtant, c’est comme si la CAQ somnolait. Devant le chaos, le ministre de la Santé a promis 106 millions de dollars à la mi-août pour embaucher plus de traceurs. Mais cette promesse tarde encore à se matérialiser sur le terrain.
Système de santé à l’agonie
Au début de juillet, François Legault affirmait : « Si on a une leçon à tirer de la pandémie, c’est qu’il faut investir pour ajouter plus de personnes dans nos CHSLD et dans le réseau de la santé en général. » Mais par-delà les paroles, pratiquement rien n’a été fait depuis la première vague pour éviter la catastrophe.
Selon les projections actuelles, le réseau pourrait tenir le coup encore quatre semaines (en date du 24 septembre). Ces projections se fondent sur le faible taux d’hospitalisation actuel, comme la COVID-19 s’est répandue chez une jeune population. Mais ce ne sera pas long avant que le virus atteigne les couches plus âgées – il y a déjà de nouvelles éclosions dans les CHSLD.
Les estimations sont aussi basées sur le fait qu’on a suffisamment de lits disponibles. Or, lors de la première vague, des milliers d’interventions chirurgicales ont été reportées pour libérer des lits. Conséquemment, au mois d’août, c’est plus de 90 000 opérations qui étaient en retard. Selon un document interne du ministère de la Santé, 5000 cancers n’auraient pas été diagnostiqués durant les premiers mois de la pandémie. Il y a urgence. Des vies sont en danger. Les hôpitaux devront à la fois récupérer cet immense retard et gérer la pandémie.
Même si on a suffisamment de lits pour faire face à la crise – ce qui n’est pas certain – la pression est immense sur les travailleurs de la santé, qui sont à bout de souffle. « À ce rythme, je ne vois pas comment on va se rendre jusqu’à Noël », affirme le président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Ses propos font écho aux nombreuses alertes des travailleurs de la santé et syndicats. Les heures supplémentaires obligatoires des infirmières sont passées d’une moyenne hebdomadaire de 6,2 heures à un incroyable 16,2 heures entre mai 2019 et mai 2020. Et il y a tout de même un manque criant d’infirmières, de l’aveu même du premier ministre. À Montréal seulement, plus de 800 infirmières et professionnels en soins ont quitté leur poste cet été. On peut parier que bien d’autres travailleuses épuisées devront quitter dans les prochains mois.
Si 7000 nouveaux préposés sont censés arriver cet automne dans les CHSLD, on manque toujours de personnel en ce moment. La preuve en est que des employés des CHSLD ayant été en contact avec des patients infectés et en attente de se faire tester doivent continuer de travailler. La réalité est cauchemardesque et on doit réalistement envisager que le pire est à venir.
Les profits avant la santé
Si le gouvernement dort au gaz quand il est question de financer nos services publics pour faire face à l’urgence sanitaire, il semble toutefois bien concerné par l’urgence de sauver les patrons de la crise. Au début de la pandémie, le gouvernement avait rapidement sorti de ses poches 2,5 milliards de dollars pour aider les entreprises. Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, nous avait même rassuré que d’autres sommes pourraient venir : « S’il en faut plus, on en aura plus. » De ce montant, déjà 1,4 milliard de dollars avaient été octroyés à la mi-juillet à 650 entreprises. Parmi les entreprises ayant eu droit à l’argent des contribuables, on retrouve de grandes entreprises comme Lumenpulse et Lion, possédées à 60 et 44% par le géant Power Corporation. Après tant de charité, on comprend qu’il ne restait que 20 millions – 6000 dollars par école! – pour « préparer » le retour en classe.
Tout en prônant l’achat local, le gouvernement fait aussi de l’aide internationale… pour les capitalistes. La bijouterie Birks, contrôlée par d’obscures entités établies dans des paradis fiscaux, a reçu une aide de 10 millions de dollars. À cela s’ajoute la série de rencontres qu’a organisées Investissement Québec au début septembre pour aider Amazon – dont le PDG est l’homme le plus riche au monde – à rencontrer les fournisseurs québécois. Pendant que la deuxième vague arrivait, la CAQ continuait de s’activer pour les entreprises, et restait les bras croisés devant l’urgence sanitaire.
Ce gouvernement des patrons est totalement incompétent pour gérer la pandémie. La catastrophe aurait pu être évitée si on avait investi massivement dans le traçage et dépistage dès le début de l’été, et alloué les sommes nécessaires pour préparer une réelle rentrée scolaire sécuritaire et pour secourir les travailleurs de la santé. Plus encore, si le contrôle de la santé, de l’éducation et de l’économie était entre les mains des travailleurs eux-mêmes, une vraie gestion de la pandémie aurait remplacé l’improvisation actuelle. Ce sont les travailleurs qui sont les mieux placés pour savoir quels lieux fermer ou laisser ouverts et pour planifier les mesures sanitaires nécessaires dans les milieux de travail.
Mais tant que les profits passent avant la santé et les besoins des travailleurs, autrement dit, tant que nous demeurons sous le système capitaliste, on ne peut avoir aucune confiance dans la classe dirigeante pour gérer la pandémie, et faire de nos vies une priorité. Il y a urgence de s’organiser pour que les travailleurs et travailleuses prennent le contrôle de la société.