Le fiasco du sommet de Copenhague était parfaitement prévisible. Dans un tract annonçant une réunion publique sur le marxisme et l’écologie, fin novembre, nous écrivions : « les gouvernements se rejettent déjà mutuellement la responsabilité de l’échec annoncé de ce sommet. » Dans les semaines qui l’ont précédé, les grands médias ont saturé l’atmosphère d’optimisme et d’espoirs. Mais pour qui sait déchiffrer les formules de la diplomatie capitaliste, il était évident que les dirigeants des grandes puissances ne croyaient pas eux-mêmes en un succès de ce sommet. Dès lors, son principal enjeu consistait à se rejeter publiquement la responsabilité de son échec.
La déclaration finale du sommet, concoctée en coulisse par les puissances impérialistes, ne vaut même pas le papier sur lequel elle est écrite. Elle sera rangée dans le même tiroir poussiéreux que les dizaines de déclarations et « engagements » de l’ONU sur la « lutte contre la pauvreté dans le monde ». Même s’ils se matérialisent, les 30 milliards de dollars d’« aide » promis au pays les plus pauvres ne serviront pas la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Comme toutes les « aides » de ce type, ces milliards alimenteront les circuits de la corruption qui gangrène les classes dirigeantes et les gouvernements des pays en question. Et ils ne seront pas accordés sans quelques contreparties juteuses : ouverture de marchés, privatisations, accords commerciaux, etc.
Bien sûr, Nicolas Sarkozy s’efforce de donner un semblant de substance à la déclaration de Copenhague – pour s’en attribuer tout le mérite. Nous y sommes habitués. A l’entendre, on a parfois le sentiment que s’il n’avait pas été élu, en 2007, une 3ème guerre mondiale aurait éradiqué toute vie humaine, à l’heure qu’il est. Le fait que Sarkozy se présente toujours comme la pièce maîtresse de l’échiquier mondial, celui grâce auquel « les choses avancent », trahit précisément une réalité inverse, à savoir la marginalisation croissante de l’impérialisme français face aux Etats-Unis, à l’Allemagne et à la Chine – entre autres. Bien aidé en cela par son orgueil hypertrophié, Sarkozy s’efforce de cacher la misère derrière d’incessants cris de gloire. De leur côté, Merkel et Obama ont bien du mal à dissimuler leur irritation face à l’agitation sonore du président français.
Après avoir suscité de faux espoirs, la cohorte bariolée des « écologistes » pro-capitalistes se répand en complaintes et gémissements. Ils expliquent que le sommet n’a servi à rien. C’est faux. Par son échec même, qui était inévitable, ce sommet aura d’importantes répercussions politiques : il contribuera à ouvrir les yeux de millions de jeunes et de travailleurs sur la nature du système capitaliste, qui est à la fois un obstacle monstrueux au progrès social – et, comme l’a dit Hugo Chavez à Copenhague, « une menace pour la survie de l’espèce humaine ». Ceux qui sortent vainqueurs de ce sommet, politiquement, ce sont les dizaines de milliers de manifestants qui, dans les rues de la capitale danoise, ont bravé la répression policière pour réclamer « un changement de système ».
« Si le climat était une banque, ils l’auraient déjà sauvé » : ce slogan des manifestants résume assez bien la situation. Face à la crise économique, des centaines de milliards d’euros ont été versés dans les coffres de banques et des multinationales, dont l’addition sera présentée aux couches les plus pauvres de la population, sous la forme d’une politique d’austérité drastique. L’objectif de cet endettement massif est de sauver le système reposant sur la course aux profits. Or, dans ce domaine, le climat et l’environnement n’entrent pas en ligne de compte. « Sauver la planète » ne rapporterait pas un euro aux dirigeants des multinationales qui contrôlent l’essentiel de l’économie mondiale. Dans leur lutte frénétique pour des marchés et des profits, les multinationales n’hésitent pas à détruire l’environnement, pour les mêmes raisons qu’elles aggravent l’exploitation des salariés, ou encore fomentent des guerres et des coups d’Etats.
L’échec du sommet de Copenhague était d’autant plus inévitable que la récession mondiale aggrave les tensions et contradictions entre les différentes classes capitalistes nationales. Loin d’envisager d’unir leurs forces pour « sauver la planète », elles cherchent toutes à exporter le fardeau de la crise. Ainsi, contrairement aux apparences, les émissions de CO2 n’étaient pas le véritable sujet de conflit entre les Etats-Unis et la Chine, à Copenhague. En réalité, Obama ne visait pas les émissions de CO2 chinoises, mais les marchandises chinoises à bas prix qui inondent le marché mondial – au détriment, souvent, de marchandises américaines. Le CO2, ici, n’est qu’une arme diplomatique dans la guerre économique et commerciale à laquelle se livrent les grandes puissances.
Il ne manque pas de ressources humaines, technologiques et scientifiques pour s’attaquer sérieusement aux problèmes environnementaux. Cependant, les lois fondamentales du système capitaliste sont incompatibles avec l’utilisation de ces ressources pour le bien de tous. Les mécanismes de la concurrence et de l’anarchie capitalistes sont en contradiction complète avec la nécessité d’une gestion rationnelle et démocratique des richesses naturelles et technologiques. Or, sans une telle planification, il ne sera pas possible d’en finir avec la pollution des mers, des sols et de l’air – comme avec l’ensemble des menaces écologiques. Mais on ne peut planifier ce qu’on ne contrôle pas, et on ne contrôle pas ce qu’on ne possède pas. En fin de compte, l’« urgence écologique » se ramène à l’impérieuse nécessité d’exproprier les banques, les grandes multinationales, et de les placer sous le contrôle démocratique des travailleurs eux-mêmes. Libérée de la camisole de force de la course aux profits, une société socialiste pourra engager les investissements colossaux qu’exige le développement d’énergies propres et renouvelables, ou encore la dépollution des mers, de l’air et des sols. Des ruines du sommet de Copenhague s’élèvent les mots célèbres de Rosa Luxembourg, repris à la tribune par Hugo Chavez : « socialisme ou barbarie ! »