Depuis deux semaines, les médias font tout un tollé du rapport d’enquête dévoilé le 11 octobre dernier concernant l’école primaire Bedford à Montréal. En temps normal, lorsque des problèmes criants dans les écoles font les manchettes, le cycle médiatique passe rapidement à autre chose, les politiciens faisant tout pour ignorer le problème.
Mais cette fois-ci, le rapport contenait les mots « maghrébin » et « pratiques religieuses ». Il n’en fallait pas plus pour exciter nos chers politiciens nationaleux. Ils ont sauté sur l’occasion pour décrier l’islamisation des écoles québécoises! Et voilà, le sempiternel « débat » sur la laïcité est relancé.
Comme nous avions dit à l’époque de la loi 21, son adoption n’allait pas mettre fin à ce faux débat : il est beaucoup trop utile pour les politiciens capitalistes et les chroniqueurs en recherche d’attention. La laïcité sert aussi de bouc émissaire très utile pour détourner l’attention du vrai problème : le sous-financement chronique du système d’éducation.
Le rapport en question fait état d’un climat toxique imposé par un « clan » d’enseignants dans cette école. On leur reproche un ensemble de comportements : insubordination, techniques d’humiliation et violence physique et psychologique envers certains élèves et collègues, refus d’enseigner certaines matières comme l’éducation sexuelle, etc.
Les principaux constats des enquêteurs concernent la compétence et la qualité de l’enseignement. Ils soulignent aussi la faible capacité du CSSDM à former le personnel et à évaluer la qualité de l’enseignement donné.
Même s’ils affirment que ce « clan » est composé d’une majorité de gens d’origine maghrébine, ils ont toutefois tenu à préciser que des gens d’autres origines y sont associés. Ils mentionnent aussi la présence d’individus d’origine maghrébine dans le clan minoritaire. « Il serait fautif de conclure qu’un individu d’origine maghrébine, enseignant à l’école Bedford, soit nécessairement associé au clan dominant », ajoutent-ils.
Au passage, les enquêteurs font mention de « certaines pratiques religieuses, telles que des prières dans les salles de classe ou encore des ablutions dans les toilettes communes ». Le rapport ne fait qu’effleurer la question des pratiques religieuses et de l’origine ethnique des enseignants.
Qu’à cela ne tiennent, pour les nationalistes identitaires, tous les prétextes sont bons pour casser du sucre sur le dos des immigrants et des minorités.
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon a vite affirmé la nécessité de combattre « l’entrisme islamiste ». De son côté, le premier ministre François Legault a affirmé vouloir « renforcer les contrôles et la laïcité dans les écoles ».
L’hypocrisie des catho-laïques de la CAQ est d’ailleurs flagrante. Alors qu’elle parle de « resserrer » la Loi sur la laïcité, la CAQ refuse de mettre fin au financement des écoles religieuses.
En réalité, le discours sur la laïcité soulevé par le cas de l’école Bedford n’est qu’un écran de fumée qui détourne l’attention du vrai problème, soit l’état catastrophique du système d’éducation après des décennies de sous-financement.
Il y a un cercle vicieux qui s’est établi depuis longtemps dans le réseau scolaire québécois. Le manque de ressources et la surcharge de travail amènent un bon nombre d’enseignants à bout de souffle à quitter la profession. Cela alourdit davantage la tâche de ceux qui restent, qui abandonnent aussi éventuellement.
Au moins 17 000 professeurs auraient quitté la profession dans les 20 dernières années. En août, à la veille de la rentrée scolaire, il manquait 5700 enseignants.
Forcément, la pénurie d’enseignants fait pression pour tourner les coins ronds dans le processus d’embauche et d’évaluation du travail. La situation est telle qu’un nombre grandissant d’enseignants (entre 7% et 10%) dans le réseau sont non qualifiés, sans brevet d’enseignement. Dans la dernière période, la CAQ a même mis en place des mesures pour accélérer et faciliter l’obtention du brevet d’enseignement pour les enseignants non qualifiés.
Tout cela nous amène à une situation qui était entièrement prévisible et qui est la réelle source de la crise à l’école Bedford : des enseignants non compétents sont embauchés et la qualité de l’enseignement se détériore sérieusement.
Le cas de Bedford n’est certainement pas isolé. Dans la foulée, le ministre de l’Éducation a d’ailleurs demandé des enquêtes dans trois autres écoles de Montréal, qui présenteraient des problématiques similaires.
La situation à l’école Bedford est désolante, particulièrement pour les parents d’élèves. Mais la question de l’origine ethnique des fautifs et le débat sur la laïcité cachent le problème tout en créant des boucs-émissaires. Il ne faut pas tomber dans le piège!
En fin de compte, la situation est simple : pour avoir une éducation de qualité, il faut y investir l’argent nécessaire. Mais la CAQ, comme les libéraux et le PQ avant elle, a fait exactement le contraire. C’est cette réalité que cherchent à voiler les politiciens bourgeois, qui détournent notre attention des vrais enjeux en inventant des problèmes et des menaces fantômes.
En réalité, il ne manque pas du tout d’argent. Il y en a amplement dans les poches d’une poignée de capitalistes parasitaires. Tant que le capitalisme restera en place, les services publics seront forcés de faire plus avec moins et de tourner les coins ronds. Un investissement massif dans les services publics nécessite d’exproprier la minorité de capitalistes.