L’École marxiste d’hiver de Montréal 2020 a été un succès retentissant, alors que nous avons une fois de plus battu notre record de participation. Plus de 250 personnes se sont inscrites à cet événement annuel tenu les 15 et 16 février derniers. Des militants sont venus de tout le Canada et des États-Unis pour participer à ce qui est maintenant le plus grand rassemblement marxiste au Canada.
En ce dixième anniversaire de l’École, le thème de cette année était « La lutte contre l’impérialisme ». Cette discussion tombait à point, alors que les autochtones de Wet’suwet’en en Colombie-Britannique mènent une lutte inspirante contre l’État canadien et leurs amis les barons du pétrole et que le conflit entre les États-Unis et l’Iran s’intensifie. La fin de semaine a permis aux gens d’élargir leurs connaissances et de discuter de comment mettre fin à des décennies d’oppression et d’exploitation impérialistes.
L’Iran et le conflit au Moyen-Orient
La première présentation de l’école, portant sur « L’Iran et le conflit au Moyen-Orient », a été donnée par Hamid Alizadeh, rédacteur pour In Defence of Marxism. Hamid a présenté l’histoire du conflit qui a conduit à l’assassinat du général iranien, Qassem Soleimani, perpétré par les États-Unis en Irak au début de cette année. Il a décrit les mouvements révolutionnaires qui ont récemment éclaté dans la région au Liban, en Irak et en Iran, ainsi que la nature profondément impopulaire de ces régimes. Hamid a expliqué que le premier devoir des révolutionnaires dans les pays impérialistes comme le Canada et les États-Unis est de s’opposer à l’ingérence impérialiste dans la région qui, loin d’affaiblir le régime réactionnaire iranien, ne fait que le renforcer.
La crise au Moyen-Orient s’exprime de manière particulièrement brutale et aiguë en Israël/Palestine. Afin de mieux comprendre ce conflit, nous avons organisé une séance sur « La solution socialiste au conflit israélo-palestinien » avec une présentation donnée par Joel Bergman, rédacteur pour Fightback et La Riposte socialiste. Il a commencé par parler de la façon dont le président américain Donald Trump a récemment jeté de l’huile sur le feu avec son soi-disant « Plan de paix pour le Moyen-Orient ». Joel a retracé l’histoire du conflit, en commençant par la montée du sionisme, la tactique « diviser pour mieux régner » des impérialistes britanniques et la sanglante Nakba (du terme arabe pour l’exode palestinien de 1948, al-Nakbah, qui signifie « catastrophe ») qui a marqué la fondation de l’État israélien. Joel a ensuite fourni une analyse marxiste des différentes formes de résistance palestinienne au fil des ans, critiquant notamment le terrorisme de l’OLP. Il a terminé en expliquant que ce qu’il nous faut est une nouvelle intifada, sur le modèle de celle de 1987, mais cette fois avec une direction marxiste qui lance un appel au-delà de la division nationale, pour séparer la classe ouvrière israélienne des sionistes et construire une fédération socialiste de tous les peuples du Moyen-Orient.
La révolution coloniale
L’École a également permis de discuter de l’histoire des révolutions coloniales qui ont secoué la planète après la Deuxième Guerre mondiale. Erik Demeester, rédacteur du journal marxiste belge Révolution, a présenté une analyse marxiste de cette question, en tirant les leçons pour les luttes contre l’impérialisme aujourd’hui. Un point majeur qu’Erik a souligné est que la bourgeoisie des pays coloniaux et ex-coloniaux est arrivée trop tard sur la scène de l’histoire et est complètement liée à l’impérialisme. Cela signifie qu’elle est incapable de jouer un rôle révolutionnaire ou de mener à bien les tâches de la révolution nationale démocratique. Avec la vague de révoltes à travers le monde que nous voyons présentement dans les pays dominés par l’impérialisme, cette leçon garde toute sa pertinence aujourd’hui. Toute lutte dans ces pays pour la démocratie, une réforme agraire ou les droits humains fondamentaux doit être menée par la classe ouvrière et doit lutter non seulement contre les impérialistes, mais aussi contre la bourgeoisie locale, qui n’est qu’une succursale de l’impérialisme.
Au sein de cette vague de révolutions coloniales, la guerre du Vietnam ressort comme l’une des luttes les plus brutales et héroïques contre l’impérialisme dans l’histoire récente. Là-bas, des paysans mal armés et affamés ont vaincu la plus grande puissance impérialiste que la planète n’ait jamais connue. L’une des séances de l’École a été consacrée à cet événement grandiose, avec une présentation par Tom Trottier, rédacteur du journal américain Socialist Revolution. Tom a expliqué comment la résistance héroïque des Vietnamiens, le mouvement anti-guerre aux États-Unis même, mais aussi la démoralisation et la radicalisation à gauche au sein de l’armée américaine avaient fini par forcer l’impérialisme américain à battre en retraite. Plus de 50 ans plus tard, l’impérialisme américain est dans une crise encore plus profonde qu’à l’époque. Avec une population tannée de la guerre, des défaites au Moyen-Orient et une crise économique à l’horizon, une radicalisation vers la gauche semblable à celle survenue dans les années 60 et 70 est certainement à l’ordre du jour.
Révolution, et non réconciliation!
Le dimanche matin, l’une des séances a porté sur la lutte autochtone au Canada, avec une présentation de notre camarade Rob Lyon, rédacteur pour La Riposte socialiste. Par un bref aperçu de l’histoire de l’oppression des autochtones au pays, Rob a montré comment l’oppression des autochtones est un trait fondamental du capitalisme canadien. Il a également expliqué que le discours de « réconciliation » mis de l’avant notamment par les libéraux n’était qu’un leurre et que sous le capitalisme, les droits autochtones passeront toujours deuxième devant les intérêts des grandes entreprises. Cela est bien résumé par un slogan qui prend de l’ampleur depuis le début de la lutte en territoire Wet’suwet’en : « La réconciliation est morte ».
Le fait saillant de cette séance a certainement été les contributions de camarades autochtones de La Riposte socialiste/Fightback. Camarade Darcy, d’Edmonton, a parlé des racines ouvrières de sa famille et a expliqué qu’elle en avait assez des universitaires qui affirment que la lutte autochtone et la lutte des travailleurs sont séparées. « La classe dirigeante tremble à l’idée d’une lutte autochtone socialiste. Son cauchemar est l’unité de la classe ouvrière. Pour décoloniser le monde, il faut lutter pour le socialisme! » Plus tard, camarade Alexus a commenté sur l’hypocrisie du gouvernement Trudeau qui quête le vote autochtone lors des élections mais qui, en 2017, avait dépensé 110 000$ en coûts légaux pour éviter de payer 6 000$ de soins orthodontiques pour une adolescente autochtone. Enfin, camarade Zoey a été la dernière à prendre la parole et a parlé longuement de l’histoire de sa famille, soulignant d’un côté les épreuves subies, et de l’autre la riche tradition de lutte. Rob a conclu la séance en appelant les camarades à apporter la perspective socialiste au sein du mouvement autochtone.
Lors de la première journée de l’École, les camarades ont publié un message de solidarité avec Wet’suwet’en, qui a été lu par Zoey. Vous pouvez voir la vidéo ici :
« Octobre rouge » en Amérique latine – la révolution mondiale est en marche!
La dernière séance plénière de la fin de semaine avait pour thème « Révolution et contre-révolution en Amérique latine ». La présentation, donnée par John Peterson, rédacteur pour Socialist Revolution, a permis de revenir sur les événements des derniers mois dans la région. John a expliqué comment l’arrivée au pouvoir de la droite dans certains pays d’Amérique latine (Bolsonaro au Brésil, Macri en Argentine, Duque en Colombie), avait signalé chez certains observateurs superficiels une « vague conservatrice » dans la région. Les événements des derniers mois ont cependant complètement démenti cette analyse à sens unique. L’Équateur, le Chili, la Colombie, Haïti; tous ces pays ont vécu des grèves générales ou des mouvements insurrectionnels au cours de la dernière période. Cependant, il manque une direction révolutionnaire capable de canaliser ces mouvements vers le renversement du capitalisme. Mais ces événements révolutionnaires provoquent une renaissance des traditions marxistes de la région, et il n’en tient qu’à nous de bâtir la direction marxiste nécessaire à la victoire. Comme John l’a expliqué, les événements de l’automne en Amérique latine s’inscrivent dans une vague révolutionnaire qui frappe partout. Il y aura bien des défaites, mais il suffit d’une seule victoire révolutionnaire pour changer toute la situation!
Le discours de clôture de l’École a été donné par Alex Grant, membre fondateur de La Riposte socialiste/Fightback. Alex a souligné à quel point l’École s’était bien déroulée et a remercié tous ceux qui ont contribué à en faire un tel succès. Alex a expliqué que lorsque nous avons commencé cette tradition il y a dix ans, nous n’avions eu qu’un tout petit groupe de participants. Mais nous avions une chose que les autres n’avaient pas : les idées du marxisme révolutionnaire. Alex a appelé les participants dans la salle à prendre ces idées apprises pendant la fin de semaine et à les ramener dans leurs communautés et leurs aires de travail pour aider à construire la direction marxiste que les masses méritent et dont elles ont besoin pour renverser le capitalisme une fois pour toutes.