Le 8 janvier dernier, le vol 752 de la compagnie Ukrainian International Airlines, en provenance de Téhéran à destination de Kiev, a été abattu par un missile sol-air iranien, tuant les 176 passagers qui se trouvaient à bord. Parmi les victimes figuraient des enseignants, des professionnels de la santé, de jeunes familles et un grand nombre d’étudiants qui retournaient à l’école après être rentrés chez eux pour les vacances. Deux d’entre eux étaient un jeune couple qui s’était marié la semaine précédente.
Partout dans le monde, les gens sont maintenant en deuil. Pour certains, les victimes étaient des membres de la famille, des collègues de travail et des amis. Pour d’autres, même s’ils ne les connaissaient pas personnellement, il s’agissait de gens ordinaires comme eux – des victimes innocentes d’un conflit qu’ils n’ont pas créé.
Cependant, pour beaucoup, le deuil s’accompagne aussi de colère – une colère dirigée contre les responsables du conflit, sans lequel le vol 752 aurait atteint sa destination et ses 176 passagers seraient encore en vie aujourd’hui.
Trudeau est-il innocent?
Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau a cherché à diriger cette colère contre l’Iran, qu’il prétend être entièrement responsable de la tragédie. Trudeau a été aidé dans ses efforts par des députés conservateurs et des journaux comme le Toronto Sun, qui vont plus loin en plaidant pour des sanctions contre les dirigeants iraniens, et pour que la Garde révolutionnaire iranienne soit désignée comme un groupe terroriste. Dès que cette tragédie s’est produite, ces politiciens et chroniqueurs ont cherché à s’en servir pour porter de nouveaux coups à l’Iran.
Bien sûr, le gouvernement iranien n’est guère innocent dans cette tragédie, ayant tiré le missile meurtrier. Cependant, la question à laquelle Trudeau et ses collaborateurs refusent de répondre est la suivante : pourquoi l’Iran tirait-elle des missiles? La réponse est déjà connue : l’Iran tirait des missiles en représailles à l’assassinat non provoqué des États-Unis du général iranien Qassem Soleimani quelques jours auparavant. Cela a déclenché une suite d’événements tout à fait prévisible qui s’est terminée par la destruction accidentelle du vol 752 – un simple « dommage collatéral » dans le conflit entre les États-Unis et l’Iran.
L’administration américaine était sans doute consciente que ses actions pouvaient faire des victimes civiles importantes. Cependant, pour elle, ce n’est qu’un petit prix à payer pour éliminer un adversaire étranger, et donc pour servir les intérêts de l’impérialisme américain. Si le gouvernement iranien a du sang sur les mains, l’administration américaine, elle, baigne dans une mare de sang.
Sur ce point, Trudeau et ses collaborateurs ont gardé le silence. Ils ont évité de critiquer les actions de l’administration américaine, un important allié, et ont plutôt tenté de justifier ces actions en concentrant leurs déclarations sur les crimes de Soleimani et de l’Iran. La raison est simple : ils sont tout aussi coupables que Washington des politiques qui ont mené à cette tragédie.
Ce qui préoccupe le gouvernement Trudeau, ainsi que les démocrates américains, n’est pas que le président américain Donald Trump ait assassiné Soleimani, mais qu’il l’ait fait sans les consulter au préalable. D’autres membres de l’OTAN ont exprimé des points de vue similaires. En réalité, au cours des dernières années, le Canada a offert un appui total à la politique américaine au Moyen-Orient, rompant les liens diplomatiques avec l’Iran en 2012 (ce que Trudeau n’a pas encore renversé) et déployant des troupes canadiennes dans des missions dirigées par les États-Unis en Irak et en Afghanistan. Ces politiques ont à leur tour servi à déstabiliser la région, préparant le terrain pour le conflit actuel. Le silence de Trudeau sur l’assassinat de Soleimani ainsi que sur ses répercussions montre que peu de choses ont changé à cet égard. Ici, le silence est simplement un aveu de culpabilité.
Leurs guerres, nos morts
Partout au Canada, des vigiles sont organisées pour les victimes du vol 752. Les photos exposées sont celles de gens ordinaires – dont la plupart n’avaient aucun désir de faire la guerre, mais dont la vie a quand même fini par être arrachée par celle-ci. Pendant ce temps, ceux qui se trouvent au sommet à Ottawa et à Washington, après avoir présenté leurs condoléances obligatoires, peuvent dormir tranquilles en sachant que d’autres personnes, bien en dessous d’eux, ont dû payer le prix ultime de leurs actions.
Avec le capitalisme, ce ne sont jamais les riches et les puissants qui sont appelés à se sacrifier à la guerre. Ce sont plutôt les travailleurs qui sont sans cesse appelés à se battre et à mourir pour les intérêts des millionnaires dans leur pays d’origine. Au fur et à mesure que l’impasse au Moyen-Orient s’aggrave, ces victimes vont certainement se multiplier, tandis que des tragédies semblables à celle du vol 752 deviendront plus fréquentes. Pour éviter cela, les travailleurs au Canada et aux États-Unis doivent d’abord régler leurs comptes avec le véritable ennemi à la maison.