Les horreurs du système des pensionnats autochtones sont maintenant largement connues à travers le Canada, mais un grand nombre d’enfants autochtones sont encore retirés de leur famille par le biais du système de placement en famille d’accueil. Cela a été mis en évidence récemment, lorsque le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé que les victimes de ces séparations forcées étaient éligibles à une indemnisation financière de 40 000 dollars de la part du gouvernement. Sans surprise, les libéraux de Trudeau ont fait appel de ce jugement.
Pendant des décennies, les enfants autochtones ont été appréhendés par le gouvernement à un taux très disproportionné par rapport aux autres Canadiens. Malgré le fait qu’ils ne constituent que 7,7% de la population d’enfants, plus de 52,2% des enfants en famille d’accueil sont autochtones, et les enfants autochtones sont appréhendés 14 fois plus souvent que les non-autochtones. Au Manitoba, la province avec le plus haut taux de population autochtone à 18%, les enfants autochtones constituent 90% des enfants en familles d’accueil. Aujourd’hui, il y a plus d’enfants autochtones dans le système de placement familial qu’il y en avait dans le système des pensionnats à son apogée. Comme l’ancienne députée du NPD Mumilaaq Qaqqaq l’a dit : « La colonisation n’est pas terminée. Elle porte un nouveau nom. Les enfants sont toujours arrachés à leur communauté. Les familles d’accueil sont les nouveaux pensionnats. »
Pauvreté et familles d’accueil
La pauvreté dans les réserves sert de chemin direct vers le placement en famille d’accueil. Les enfants autochtones naissent souvent pauvres, et leurs familles se voient refuser toute ressource réelle pour les aider à sortir de la pauvreté. Cela donne au gouvernement une excuse pour se saisir des enfants autochtones sous couvert d’agir pour la « protection de l’enfance », alors qu’en réalité, s’ils se souciaient réellement de ces enfants, ils s’efforceraient de résoudre la pauvreté endémique dans laquelle ils sont nés. De même, beaucoup de ces enfants sont maltraités au sein du système actuel. Selon le Portail canadien de la recherche en protection de l’enfance, il y a au moins 14 114 enquêtes pour maltraitances sur des enfants autochtones. Avec un peu moins de 15 000 enfants autochtones au sein du système de placement en famille d’accueil, cela revient à quasiment un cas de maltraitance par enfant.
Une grande partie de cette inégalité découle des conditions de vie horribles que subissent les enfants autochtones. Près de 40% des enfants autochtones au Canada vivent dans la pauvreté, comparé à 7% des enfants non-autochtones. Les conditions de vie dans les réserves sont désolantes. Plusieurs communautés n’ont toujours pas accès à l’eau potable, et les réserves traversent en ce moment une crise du logement où des problèmes comme des infrastructures endommagées et la moisissure noire sont fréquents. Cette terrible pauvreté est en grande partie ignorée par l’État.
Le gouvernement de Justin Trudeau a été élu sur la promesse de régler la crise de l’eau potable dans les réserves d’ici mars 2021, avant de revenir sur sa parole et de dire que les avis d’ébullition de l’eau seraient levés « dès que possible ». Le gouvernement n’a pas encore proposé de plan concret concernant la crise du logement, ni concernant l’épidémie de pauvreté infantile dans les réserves. Les services sociaux aux Autochtones sont sous-financés et insuffisants pour lutter contre la pauvreté dans les réserves.
Enlèvements forcés
Souvent, les enfants sont enlevés à leur famille sans aucun prétexte. Nous le voyons avec la pratique des « signalements à la naissance ». Ces signalements à la naissance désignent le fait que les travailleurs de la santé sont autorisés à dénoncer des futurs parents considérés comme « haut risque » à des représentants des services sociaux. Cette mesure touche disproportionnellement les femmes autochtones, et elle a mené à des cas où des femmes autochtones ont été séparées de leur bébé immédiatement après la naissance. Même si plusieurs provinces ont officiellement interdit cette pratique, elle continue d’être utilisée.
Par exemple, un couple autochtone à Brandon, au Manitoba, a vu son bébé lui être retiré seulement deux jours après la naissance et placé en famille d’accueil parce qu’une infirmière a rapporté que les parents avaient utilisé un « langage dangereux » devant le poupon. Il s’agit d’une province où les signalements à la naissance sont formellement interdites.
En Colombie-Britannique, il y a eu en septembre 2019 le cas de « Bébé H. », une enfant autochtone qui a été retirée à sa famille après qu’une infirmière ait accusé sa mère de négligence seulement 90 minutes après sa césarienne. L’équipe médicale a justifié cette action en affirmant qu’on leur avait mentionné que le couple était sans domicile, ce qui est faux car ils vivaient dans un appartement avec deux chambres. Il s’agissait du premier enfant du couple, ce qui signifie qu’ils n’avaient aucun antécédent avec les services sociaux. Le couple n’a toujours pas le droit de voir sa fille.
En automne 2019, le gouvernement de Colombie-Britannique a annoncé la fin des signalements à la naissance. Mais cela n’a pas mis fin à la saisie des nouveaux nés. En effet, le cas de Bébé H. s’est déjà répété presque exactement. Le 12 mai, les parents de Bébé H. ont eu un second enfant qui est né prématurément. Leur fils a été saisi par le gouvernement alors qu’il était encore dans une couveuse et les autorités ont refusé de fournir la moindre explication.
L’oppression des peuples autochtones est inhérente au capitalisme
Comme cela a été prouvé à maintes reprises, les tribunaux sont un outil de l’État et on ne peut pas compter sur eux pour obtenir des améliorations pour les peuples autochtones. En conséquence, le mouvement ouvrier doit s’unir avec les groupes autochtones pour lutter contre les enlèvements d’enfants. À la mi-Octobre, la bande Gitanmaax en Colombie-Britannique a physiquement empêché un travailleur social de prendre un enfant pour le placer en famille d’accueil. Des actions comme celle-ci doivent être étendues avec tout le soutien des organisations ouvrières du Canada. Notre mouvement ouvrier doit s’engager à mettre fin à la pauvreté dans les réserves, et se battre pour que les victimes du placement familial obtiennent des indemnisations et que de véritables améliorations soient faites pour les communautés autochtones.
La réalité est que le gouvernement ne peut pas résoudre cette crise. Cela s’explique par le fait qu’une vraie solution à cette crise coûterait bien plus que 2 milliards de dollars. Les libéraux le savent et ils savent également que s’ils cèdent à cette demande de 2 milliards de dollars pour les victimes du système du placement familial, cela serait vu comme une victoire pour le mouvement autochtone qui s’en trouverait renforcé.
La vérité derrière tout ça est que, pour véritablement mettre fin aux enlèvements d’enfants autochtones, les conditions de pauvreté et d’oppression dans lesquelles ils naissent doivent être réglée. Cependant, une vraie fin à la pauvreté dans les communautés autochtones n’est pas possible sous le capitalisme. Même si le Canada est un pays très riche, et qu’il n’existe pas de raison matérielle pour laquelle quiconque devrait vivre avec de l’eau non-potable et un logement délabré, notre économie vise à servir le profit plutôt qu’à satisfaire les besoins des gens. La seule solution à long terme à cette crise est de renverser le système dans son ensemble et d’en construire un nouveau sur ses cendres. Sous le socialisme, l’immense richesse de ce pays pourrait être immédiatement utilisée pour mettre fin à la pauvreté dans les réserves.