Pendant que la COVID se répandait à travers le monde, de nombreux militants se sont vus forcés de continuer la lutte contre le capitalisme via Internet. Les méthodes traditionnelles d’organisation dans le monde réel étant hors de portée, il était nécessaire de s’adapter. Les discussions sur les médias sociaux, les groupes Facebook, les rencontres sur Zoom et les fils de discussion sur Twitter ont remplacé les méthodes traditionnelles d’organisation en personne. C’était inévitable; il vaut mieux militer en ligne que pas du tout.
Le militantisme en ligne a ses avantages. Des groupes auparavant locaux peuvent soudainement attirer et organiser des personnes dans d’autres villes, provinces ou même pays. Cela a permis aux habitants de petites villes isolées de trouver des groupes partageant leurs idées et de commencer à discuter des idées révolutionnaires afin d’améliorer la société. Il s’agit certainement de quelque chose de positif.
Cependant, le militantisme virtuel a aussi de nombreux problèmes. Trop souvent les groupes en ligne deviennent des chambres d’écho complètement détachées des luttes de la classe ouvrière dans le monde réel. Ces groupes attirent des personnalités toxiques et des staliniens du Web qui n’ont aucune base dans le monde réel et ne représentent personne. Certaines couches de l’extrême-gauche se sont confortablement installées dans ces espaces virtuels. Cela s’explique par le fait qu’on peut y dire ce qu’on veut, dénoncer qui on veut sans que cela n’ait de répercussion dans le monde réel.
Alors que les mesures de confinement commencent à prendre fin à travers le pays, il est maintenant temps de retourner militer dans le monde réel. Nous avons besoin de vraies personnes, de vrais mouvements, et surtout, d’une vraie organisation.
La nécessité de s’organiser
Les différentes organisations ont réagi différemment à la pandémie et au confinement. Les bureaucraties syndicales ont réagi en annulant des congrès entiers et en fermant leurs forums démocratiques. Le NPD a facturé un prix d’entrée exorbitant de 150 dollars pour participer à son congrès en ligne, ce qui a évidemment limité l’accès au débat et à la démocratie.
Beaucoup de personnes de gauche ont créé des espaces en ligne où les gens étaient invités à discuter et à partager des idées. Nous avons déjà expliqué les aspects positifs de cette approche. Mais ces espaces ont en grande partie fini par dégénérer en environnements complètement toxiques dominés par des luttes internes stériles et où les attaques personnelles abondent. Ce genre de méthodes n’a pas construit la moindre organisation.
Bien entendu, nous ne prétendons pas qu’il est facile de bâtir une organisation. S’organiser peut être une entreprise très compliquée. Nombreux sont ceux qui parlent de s’organiser, mais peu le font avec succès. Le travail d’organisation comporte son lot de pressions. Celles-ci peuvent mener à l’épuisement et à la frustration chez de nombreux militants sincères dans leur volonté de changer le monde, mais inexpérimentés. Il faut des efforts soutenus pour s’organiser dans le monde réel. Cela exige de planifier des rencontres, de donner des présentations publiques, de tenir des kiosques pour discuter avec d’autres travailleurs, de publier de la littérature et des articles avec une ligne politique cohérente, et surtout cela demande d’expliquer patiemment les idées révolutionnaires. S’organiser signifie amener la classe ouvrière au socialisme.
Ces traditions et ces méthodes prennent des années à se développer, et ne peuvent émerger spontanément. La Riposte socialiste a été fondée il y a maintenant 20 ans. À l’époque, nous étions la plus petite organisation de gauche au Canada. On nous disait que nous n’allions jamais réussir à construire une organisation sérieuse en utilisant ces méthodes, que nous devrions plutôt chercher des raccourcis. Nous avons ignoré ces mauvais conseils d’amis des beaux jours. À présent, nous pouvons dire en toute confiance que nous sommes la plus grande organisation révolutionnaire au Canada, et c’est grâce à ces méthodes constantes d’organisation dans le monde réel.
La Riposte socialiste, la section canadienne de la Tendance marxiste internationale, a adapté ces traditions au travail d’organisation en ligne lors de la pandémie. Nous avons organisé des rencontres virtuelles de masse qui ont connu un énorme succès et qui ont su capter l’intérêt de milliers de jeunes militants à travers le pays. Nous avons tenu notre École marxiste d’hiver annuelle en ligne pour la première fois, recueillant plus de 1150 inscriptions. Nous avons également tenu notre deuxième École marxiste de l’Ouest en Alberta, qui a réuni plus de 200 inscriptions. Contrairement à d’autres organisations, nous n’avons pas annulé notre congrès, et nous l’avons à la place tenu en ligne. Avec plus de 300 participants à travers plus de 30 villes, ce fut clairement un immense succès. Il est important de souligner que ces succès ne sont pas des accidents. Ils sont le résultat d’années de travail d’organisation dans le monde réel. Il s’agit là du fruit de solides méthodes organisationnelles.
Les staliniens du Web
Malheureusement, toutes les histoires ne sont pas aussi positives. Nous avons vu un phénomène particulièrement disgracieux prendre racine au cours de la dernière période d’organisation en ligne : le stalinien anonyme sur Internet. Ce bruyant sous-groupe de la gauche en ligne adopte souvent un mélange éclectique de politiques identitaires tout en applaudissant les « succès » du capitalisme chinois. Et ne vous fatiguez même pas à essayer de le critiquer, car il est incapable de débattre honnêtement. À la place, le stalinien du Web se complaît dans les attaques personnelles et les calomnies, rapidement suivies d’une purge de ses adversaires pour les empêcher de répliquer.
Il faut le dire : ces gens n’ont pas de vie, ni politique, ni personnelle. En pratique, ils représentent les « incels » de la gauche. Ils ont énormément de temps libre pour faire du « cacaffichage » et désorganiser et nuire au mouvement. Mais ils ne lèveront jamais le petit doigt pour pousser de l’avant la lutte révolutionnaire hors-ligne. Les maux de la classe ouvrière ne les préoccupent guère.
En réalité, beaucoup d’entre eux croient aux idées tiers-mondistes. D’après cette idéologie, la classe ouvrière des pays occidentaux n’existe pas et est même complice des crimes du capitalisme. Il s’agit d’une notion ridicule qui ne tient pas debout lorsqu’on l’examine de plus près. Est-ce que les travailleurs des entrepôts d’Amazon à Brampton, qui souffrent de conditions de travail horribles et ont subi une éclosion massive de cas de COVID, bénéficient du capitalisme? Et qu’en est-il de Dael Muttly Jaecques, un conducteur de bus pendant 18 ans, qui a contracté la COVID et est décédé alors qu’il assurait le service vers l’entrepôt? Ces tragédies sont complètement ignorées par les staliniens du Web.
La réalité est que, même s’il est facile de publier des bêtises en ligne toute la journée, cela ne construit rien. Ces « slacktivistes » ont adopté une approche cancérigène du militantisme. Par conséquent, même s’il était absolument nécessaire de centrer nos efforts vers Internet pendant un moment, nous devons à présent nous tourner vers le monde réel. Toute personne qui souhaite vraiment changer la société doit aller là où les masses se trouvent : dans les rues, les lieux de travail, les écoles, les quartiers. Elle doit militer dans le monde réel et rejoindre une véritable organisation révolutionnaire.
Sans organisation, la classe ouvrière n’est que matériau brut pour l’exploitation. Le potentiel révolutionnaire inhérent à la classe ouvrière demeurerait complètement inexploité sans une véritable organisation. Des mouvements spontanés se lèveront toujours, mais ils vont et viennent, souvent défaits en raison d’un mauvais leadership. Si personne ne construit d’organisation permanente, la démoralisation suivra toujours de telles défaites, car les militants auront du mal à comprendre pourquoi ils ont échoué.
Une véritable organisation préserve les meilleurs militants de chaque mouvement, les regroupe autour d’un programme commun, et les prépare pour la prochaine lutte. Elle agit comme la mémoire révolutionnaire de la classe ouvrière en entier, s’assurant que les erreurs du passé ne se reproduisent plus et que les leçons soient retenues.
Si vous lisez ceci, et que vous souhaitez tout de même rester en ligne dans ces espaces toxiques de gauche, nous n’avons qu’une chose à vous dire : Bon vent! Nous vous souhaitons une bonne continuation, mais nous tournons le dos à ce genre de méthodes. Cependant, si vous souhaitez vous battre et gagner, alors joignez-vous à nous dans le monde réel. Comme le disait Marx, les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes.
Nous avons un monde à gagner.