Cet article date du 13 juin 2013.
A l’heure où nous écrivons ces lignes, une grève générale de 24 heures se déroule, en Grèce, contre la décision du gouvernement de fermer l’entreprise audiovisuelle publique ERT et de licencier ses quelque 2700 salariés. A Athènes, les travailleurs marchent vers le siège de l’ERT.
Cette grève, la troisième de l’année, paralyse les services de l’Etat, les écoles, les hôpitaux et les transports publics. Dans le même temps, les journalistes et salariés de l’ERT ont pris le contrôle de ses installations à Athènes et dans la deuxième ville du pays, Thessalonique.
Le peuple grec vient de subir un choc énorme. Toutes les radios et chaines de TV publiques ont cessé d’émettre, à savoir : cinq chaines de TV (ΕΤ1, ΝΕΤ, ΕΤ3, ERT WORLD et ΕRΤ HD), sept radios à Athènes, trois à Thessalonique, 19 dans tout le pays. Ont également été fermés : l’Orchestre Symphonique National, l’Orchestre de Musique Moderne, ERT Choir, un magazine TV (le Greek Radio Times), le site internet de l’ERT et les archives internet de l’ERT. 2656 emplois ont été supprimés.
Le tout s’est déroulé en l’espace de six heures, par décret gouvernemental, sans même une discussion au Parlement. Mais les journalistes et techniciens de l’ERT transmettent désormais « illégalement », viainternet, leurs programmes militants, tout en organisant la garde des sièges de l’ERT.
La propagande du gouvernement s’efforce de convaincre le peuple grec qu’il a fermé une entreprise criblée de dettes. Or en 2011, l’ERT a réalisé un profit de 57 millions d’euros, après avoir payé 83 millions d’euros d’impôts (TVA et autres). En 2012, l’ERT a contribué à hauteur de 84 millions d’euros d’impôts. Au cours des cinq premiers mois de 2013, l’ERT a cumulé un excédent budgétaire de 40 millions d’euros.
D’un autre côté, le gouvernement n’a pas payé de salaires aux travailleurs de l’ERT depuis novembre 2012. Dans le même temps, la direction a embauché 36 « conseillers spéciaux » qui, à eux seuls, gagnaient autant d’argent que les salaires cumulés de 300 journalistes !
L’ERT a été fermée afin que les spéculateurs qui détiennent la dette grecque soient payés à temps. L’objectif est également de terroriser la classe ouvrière et de saper son moral dans la perspective des nouvelles attaques qui se préparent. Contrairement à ce qu’on entend parfois, l’ERT n’avait pas été créé à des fins sociales et culturelles ; c’était d’abord et avant tout un organe de propagande au service de la classe dirigeante. Cependant, désormais, l’ERT est à ses yeux un inutile fardeau.
Les partis de gauche, les syndicats, les travailleurs et les jeunes en lutte contre la fermeture de l’ERT ne défendent pas une entreprise « parasitaire », mais les emplois de milliers de salariés. Quiconque réfléchit une seconde comprend que cette fermeture, si elle n’est pas annulée, ouvre la voie à des fermetures d’hôpitaux, d’écoles, d’universités, de services municipaux, etc. C’est pour cette raison que les manifestations ont gagné tout le pays, prenant la forme d’un mouvement politique de masse contre la coalition du gouvernement Samaras.
La coalition dirigée par Samaras ne s’attendait pas à une telle réaction. Après les défaites du mouvement ouvrier, ces dernières années, le gouvernement se sentait plus fort. Il était arrogant. Il commençait à croire ses propres mensonges concernant « l’assentiment » du peuple à sa politique d’austérité. En réalité, la jeunesse et les travailleurs grecs ne faisaient qu’attendre la bonne occasion de reprendre le chemin des luttes massives.
Cette provocation est déjà en train de précipiter une crise gouvernementale : deux partis de la coalition – le PASOK (« socialiste ») et la Gauche Démocratique – se disent opposés à la fermeture de l’ERT. Des rumeurs d’élections anticipées commencent à circuler. Ceci dit, Samaras table sur le fait que le PASOK et la Gauche Démocratique ont beaucoup à perdre si des élections se tiennent à court terme. Venizelos, du PASOK, a déjà déclaré qu’il ne voulait pas faire tomber le gouvernement. Mais la direction PASOK ne contrôle pas la situation ; elle ne pèse pas grand-chose en ce moment. Le fait est que le calme apparent des derniers mois, en Grèce, a été rompu par cette dernière décision radicale du gouvernement. Cela a réveillé les masses, qui réalisent une fois de plus la gravité de la situation.
Face aux mobilisations, le gouvernement de coalition est sur le point de s’effondrer. Il faut lui donner le coup de grâce ! Les directions de Syriza, du KKE (communistes) et des syndicars ont désormais une immense responsabilité. Un front unique de ces forces doit organiser une grève générale pour provoquer la chute du gouvernement et des élections anticipées que la gauche pourrait gagner.