Depuis le 27 octobre, les mécaniciens des ateliers de réparation de Tesla, en Suède, sont en grève pour obtenir une convention collective. Face à Elon Musk, le patron milliardaire de cette entreprise, les travailleurs en lutte peuvent s’appuyer sur une vague de solidarité qui dépasse les frontières de la Suède.
Le système Tesla
Tesla se vante d’offrir à ses salariés « des conditions équitables et un bon environnement de travail ». La réalité est tout autre : le salaire moyen d’un mécanicien chez Tesla est inférieur à la moyenne nationale dans cette branche d’industrie, de même que les contributions patronales aux caisses de retraite. Les travailleurs de Tesla sont particulièrement exploités. Par exemple, la productivité individuelle de chaque employé est soumise à un système de notation allant de 1 à 5, et ceux dont la note tombe à 1 sont menacés de congédiement.
Quant aux « avantages » financiers dont bénéficient les salariés, ils doivent être relativisés. Le programme qui permet aux salariés d’acheter des actions de l’entreprise à un prix favorable signifie qu’une partie de leurs revenus est soumise aux aléas du marché. Par ailleurs, cet « avantage » est réservé aux salariés qui ont déjà quatre ans d’ancienneté. Pour le patron de Tesla, ce système est surtout un moyen de maintenir des salaires très bas, puisque ceux-ci sont censés être compensés par les revenus des actions.
« Négociations »
Depuis de longues années, la bourgeoisie suédoise fait peser tout le poids de la crise économique sur les épaules de la classe ouvrière. Sous le gouvernement social-démocrate de Stefan Löfven (2014-2021), la loi de sécurité de l’emploi, qui protégeait les salariés contre les licenciements abusifs, a été assouplie. Le droit de grève a été limité. Les salaires réels (rapportés à l’inflation) ont chuté de près de 10%.
Le mouvement ouvrier suédois n’a pas sérieusement résisté à ces attaques. Pourtant, d’un point de vue objectif, la classe ouvrière suédoise n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. Mais cette force n’est pas mobilisée par les dirigeants des syndicats, qui préfèrent multiplier les parodies de « concertations » avec le patronat. Celles-ci se terminent toujours de la même manière : les dirigeants syndicaux promettent de ne pas organiser de grève et, « en échange », n’obtiennent rien de concret. L’an dernier, les dirigeants syndicaux se sont même opposés à des augmentations de salaire! Toujours est-il que les capitalistes ont tout à gagner à jouer le jeu des « concertations » stériles avec les dirigeants syndicaux.
Pendant six ans, la direction du syndicat des mécaniciens, IF Metall, a essayé de convaincre Elon Musk des intérêts de cette méthode. Elle a tenté de le convaincre de négocier une convention collective. En vain : le milliardaire redoute qu’en accordant une convention collective aux travailleurs de Tesla en Suède, il encourage les salariés de son entreprise dans d’autres pays – où plusieurs mobilisations ont déjà eu lieu. En Allemagne, par exemple, un vaste mouvement de syndicalisation dans la « Gigafactory Berlin-Brandenburg », où Tesla emploie 11 000 personnes, a permis d’obtenir une augmentation de salaire de 4%. En ne cédant rien aux grévistes suédois, Musk entend donner un avertissement à tous les autres.
Par ailleurs, dans son refus des conventions collectives, Musk joue le rôle d’« avant-garde » de la classe dirigeante suédoise, pour ainsi dire. S’il l’emportait, d’autres patrons pourraient à leur tour rejeter ces conventions. Mais c’est une tactique à double tranchant pour la bourgeoisie suédoise. Par son obstination, Musk provoque délibérément la classe ouvrière, qui pourrait échapper au contrôle de ses dirigeants syndicaux.
Grève de solidarité
Si la mobilisation des travailleurs de Tesla n’a touché pour l’instant qu’une partie des salariés de l’entreprise en Suède, elle a suscité une vague de solidarité de la classe ouvrière suédoise. Dans tous les ports suédois, les dockers refusent de décharger les voitures de Tesla, les agents d’entretien ne nettoient plus les ateliers, et les postiers refusent de livrer les plaques d’immatriculation nécessaires à la mise en circulation des nouvelles voitures! Cette solidarité a même touché d’autres pays. Depuis le 20 décembre, les syndicats danois, norvégiens et finlandais bloquent toutes les importations de voitures Tesla par navire ou par camion. C’est un exemple remarquable de la puissance de la classe ouvrière mondiale : quand les travailleurs décident collectivement de paralyser une entreprise, même l’un des hommes les plus riches du monde ne peut rien y faire!
Il faut maintenant étendre la grève, et commencer par mobiliser tous les travailleurs de Tesla en Suède. Mais pour cela, la direction du mouvement doit montrer qu’elle est prête à lutter jusqu’à la victoire, sans se limiter à la seule question de la convention collective. Le premier pas vers la victoire sera de rompre enfin avec la logique de la négociation et de la collaboration de classe, qui n’a apporté à la classe ouvrière suédoise que des reculs et des défaites.