La raciste loi 21 a déjà fait ses premières victimes. Des enseignantes musulmanes ont dû abandonner leur métier cet automne. En plus, la lutte sur le terrain juridique a échoué : la Cour d’appel du Québec maintient la loi, un résultat qui a déçu bien des militantes et militants. Cela ne signifie cependant pas que la lutte est perdue, mais plutôt qu’il faut qu’elle se transpose dans la rue. Justement, les étudiants de McGill et les étudiants en éducation de l’UQAM viennent de reprendre le flambeau de la lutte en organisant une grève et une manifestation le 17 janvier dernier contre la loi 21. Cette initiative doit être le point de départ d’une riposte de masse, nécessaire pour faire reculer la CAQ sur ses politiques racistes et xénophobes.
Les victimes de la loi 21
Depuis l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État de la CAQ en juin dernier, deux enseignantes montréalaises ont été averties qu’elle devaient retirer leur voile si elles souhaitaient continuer à enseigner, et deux enseignantes voilées se sont faites refusés des contrats à cause de leurs signes religieux.
Le président de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’île (CSPI) est catégorique : « Les deux personnes portaient des signes religieux visibles. On les a informées de la loi, et elles ont refusé de retirer leurs signes religieux. Donc on ne les a pas embauchées. On respecte la loi, tout simplement. »
Ces attaques discriminatoires contre les femmes musulmanes surviennent dans le contexte d’une pénurie de personnel à la CSPI : neuf classes du primaire sont toujours sans titulaire. Les enfants du primaire s’ajoutent désormais à la liste des victimes de la CAQ. Il faut également ajouter à cette liste toutes les étudiantes voilées en enseignement au Cégep et à l’université qui doivent réorienter leur carrière.
Malheureusement, l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal a maintenant accepté la loi, malgré que la Fédération autonome de l’enseignement, à laquelle elle est affiliée, se soit prononcée contre. Catherine Beauvais-St-Pierre, la présidente de l’Alliance, s’explique : « On ne peut pas dire non plus à la commission scolaire de ne pas respecter la loi. La loi, c’est la loi ». En abandonnant ainsi la défense de ses membres les plus vulnérables, la direction syndicale ne fait que renforcer le gouvernement et la droite, et joue le jeu de leurs politiques de division.
La question des signes religieux a été utilisée par Legault depuis son arrivée au pouvoir pour gagner à lui une partie de la population québécoise sous prétexte de défendre la soi-disant « identité québécoise », au détriment des minorités religieuses. Cette tactique de diviser sur des lignes identitaires pour mieux régner est constamment utilisée par les différents gouvernements québécois depuis des années pour se maintenir au pouvoir. Tôt ou tard, la CAQ montrera son vrai visage et s’attaquera aux travailleurs, que ce soit par des coupes dans les services publics, des cadeaux aux entreprises, par une bataille pour diminuer les conditions de travail des travailleurs du secteur public, etc. Les travailleurs devront organiser une riposte contre ces attaques. À l’aube des négociations dans le secteur public qui s’annoncent dures cette année, un maximum d’unité des travailleurs et travailleuses est nécessaire. Accepter simplement cette loi discriminatoire sans rien faire ne peut qu’affaiblir le mouvement.
L’échec des recours judiciaires
Il est incontestable que la loi 21 est discriminatoire. En pratique, elle interdit aux travailleurs de certaines religions d’occuper certains postes au sein de l’État. François Legault est bien conscient que la loi 21 contrevient à la liberté de religion inscrite dans la constitution. Il a donc fait appel à la clause dérogatoire, qui lui permet de ne pas respecter la constitution et de mettre en place une loi discriminatoire. C’est pour cela que la Cour d’appel a décidé de maintenir la loi 21.
La juge Dominique Bélanger, qui s’est prononcée pour le maintien de la loi dans la contestation en Cour d’appel, a admis l’impuissance des tribunaux à protéger les droits des minorités : « En l’espèce, ce que la [disposition de dérogation] impose aux tribunaux, c’est de laisser à leur sort, à cette étape du dossier, des femmes diplômées prêtes à travailler qui, pour l’unique raison qu’elles portent le voile, se sont vu refuser l’accès à un emploi ».
En réalité, le système de justice n’a pas pour fonction de protéger les faibles et les minorités, mais d’appliquer les règles décidées par les riches et puissants. Les droits des travailleurs, des femmes, des minorités ethniques et religieuses, demeurent toujours précaires, en danger d’être piétinés dès que nos contremaîtres y trouvent leur compte. Nous ne pouvons aucunement compter sur les tribunaux dans la lutte contre l’oppression. Il faut maintenant mettre nos énergies sur d’autres méthodes de lutte.
La riposte étudiante s’organise
Devant l’échec des recours judiciaires, des étudiants universitaires ont commencé à organiser la lutte dans la rue contre les politiques racistes de la CAQ. La manifestation contre la loi 21 du vendredi 17 janvier a été organisée par les étudiants en éducation de McGill (Education Undergraduate Society of McGill), la Students’ Society of McGill University, l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE-UQAM) et l’Association Facultaire Étudiante de Science politique et Droit (AFESPED). Les étudiants en éducation de McGill et de l’ADEESE ont voté une grève pour l’occasion. Les syndicats étudiants demandent notamment l’abrogation de la loi 21, l’abrogation de la loi 9, par laquelle le gouvernement veut se débarrasser de milliers de dossiers d’immigration, et l’abolition de la réforme de l’immigration (le test des valeurs et la restriction de l’accès au PEQ).
Cette initiative pointe dans la bonne direction. Cela est d’autant plus vrai que des étudiants francophones et anglophones ont collaboré dans cette action, rompant ainsi la séparation linguistique qui affaiblit trop souvent la mobilisation étudiante. D’autres journées de grève doivent être organisées sur les campus, cette fois avec un plus grand nombre de syndicats étudiants. Cela pourra être facilité par une campagne de masse sur les campus.
Toutefois, les étudiants ne peuvent pas arriver à la victoire seuls. Pour que le combat contre le racisme puisse amener des gains, cette grève doit devenir le coup d’envoi d’une mobilisation plus large, en vue d’étendre la lutte d’abord et avant tout aux syndicats des travailleurs. Ce ne serait pas la première fois de l’histoire que les étudiants jouent le rôle d’étincelle d’une mobilisation des travailleurs.
Il n’est pas trop tard pour y arriver. Plusieurs syndicats se sont opposés dès le départ à la loi 21, comme le conseil central de la CSN, le Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM-CSN), la Fédération autonome de l’enseignement, la Fédération des enseignantes et enseignants du Québec et le Conseil régional FTQ Montréal métropolitain. Ces organisations ont d’immenses ressources, dont une parcelle suffirait pour organiser un mouvement de masse contre la loi 21.
Cependant, étant donné que plusieurs directions syndicales ont déjà abandonné la lutte contre la loi 21, on ne peut pas attendre passivement qu’elles se réveillent spontanément de leur torpeur. Les étudiants doivent se mobiliser et trouver des avenues pour s’adresser directement aux travailleurs et travailleuses à la base des syndicats, et les entraîner dans la lutte. Les syndicats étudiants devraient mettre en place des comités de solidarité étudiants-travailleurs et envoyer des délégations dans tous les syndicats locaux de travailleurs et dans les milieux de travail sympathiques à la cause, à plus forte raison les syndicats d’enseignantes. Les étudiants pourraient ainsi forger des liens avec les travailleurs et discuter d’un plan d’action commun. Il faudrait ensuite trouver les délégués ou représentants syndicaux prêts à mener la lutte, et les inciter à utiliser leurs ressources pour mobiliser les travailleurs dans une lutte commune contre la loi 21.
Le rôle actif des travailleurs et travailleuses, et spécialement des enseignantes directement atteintes par la loi, est primordial. Ce sont les enseignantes qui sont dans la meilleure position pour vaincre la loi. Chaque fois qu’une commission scolaire refuse un candidat à l’embauche ou veut forcer des enseignantes en place à retirer leur signe religieux, les travailleurs, avec l’appui des parents et des étudiants, doivent prendre leur défense et désobéir à la loi. Une attaque contre l’une d’entre nous est une attaque contre nous tous. En organisant des actions de masse combatives de désobéissance civile, comme des manifestations de masse, des grèves de solidarité et des grèves générales, nous pouvons mettre en lumière la discrimination que la CAQ veut enchâsser dans la loi, changer en masse l’opinion publique au sujet de la loi 21, et la rendre de facto inapplicable. Seul un tel mouvement pourrait forcer la CAQ à reculer sur la loi 21.
Combattons la loi 21 par une mobilisation de masse!
Dehors la CAQ et ses politiques racistes!