Le 10 mai dernier, les 2500 travailleurs des mines d’ArcelorMittal sur la Côte-Nord ont déclenché une grève illimitée. L’enjeu central de cette lutte porte sur les salaires. Dans le cadre des négociations pour une nouvelle convention collective, les patrons ont été inflexibles face aux revendications salariales des syndicats, alors que l’industrie du fer fait des profits records. Au-delà de cet important enjeu local, ce conflit de travail s’inscrit dans une offensive généralisée de la classe patronale au Canada et au Québec pour s’approprier la plus grosse part des profits réalisés en pleine pandémie.
Cela fait maintenant plus de deux semaines que les travailleurs maintiennent leur grève, qui touche une des principales industries de la région. La grève fait suite à un rejet très clair de la dernière offre patronale par plus de 98% des travailleurs, syndiqués avec les Métallos. Ils demandent l’amélioration des salaires, du régime de retraite et des primes, mais pas seulement. Ils réclament aussi des améliorations de leurs conditions de travail. Ils dénoncent notamment la mauvaise qualité de la nourriture (qui a causé de nombreuses intoxications alimentaires), et l’insalubrité des campements dans lesquels ils sont logés.
Les premières attaques contre la grève n’ont pas tardé. Alors que des lignes de piquetage ont été formées devant les installations de Port-Cartier et de Fermont pour empêcher le passage de briseurs de grève, la police a distribué des amendes aux piqueteurs durant la nuit ! Elle prétend que les grévistes auraient brisé le couvre-feu, malgré le fait qu’ils avaient une lettre signée par le président de leur local syndical. Comme l’a bien dit Dominic Lemieux, le directeur québécois des Métallos : « Il est ironique de constater que nos membres pouvaient entrer travailler, de nuit, sans problème la semaine dernière lorsqu’il était question d’engranger des profits pour la multinationale, mais qu’ils se font imposer des amendes lorsqu’ils exercent leur droit de grève pourtant tout à fait légal. » Les forces policières sont toujours prêtes à faire le sale boulot des employeurs.
Également, la cour supérieure a imposé une injonction pour forcer la circulation du matériel et du personnel. C’est une autre attaque flagrante contre le droit des travailleurs de protéger leur grève. Malheureusement, l’exécutif syndical s’est plié à l’injonction et a limité le nombre de travailleurs sur les lignes de piquetage. Encore une fois l’État, pour le compte des patrons, tente d’affaiblir la grève.
Le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon a également fait la démonstration que le gouvernement caquiste est du côté patronal lorsqu’il a proposé comme solution au conflit de fixer les salaires sur le prix du fer : c’est exactement la même solution que celle qui avait déjà été avancée par l’employeur, et qui avait été rejetée massivement par les travailleurs.
Pour mieux saisir les enjeux de la grève, il faut examiner l’état de l’industrie minière. Le prix du fer est actuellement à un niveau record, le plus haut jamais atteint depuis des années. C’est d’autant plus vrai pour le fer produit sur la Côte-Nord, en raison de sa qualité supérieure. Loin d’être un phénomène exceptionnel, ce prix n’est pas prêt de redescendre rapidement. La demande est très forte et va le rester pendant plusieurs années, la Chine et les États-Unis ayant annoncé des investissements massifs dans des projets d’infrastructures. D’ailleurs, ArcelorMittal a déjà réalisé des profits faramineux cette année. Dans son bilan financier, l’entreprise a révélé que le premier trimestre de 2021 a généré le meilleur résultat en dix ans, avec des profits avant intérêts, impôts et amortissements de 3,2 milliards de dollars, pour un total de profit net de 2,3 milliards. Selon Steeve Chapados, directeur général de la Caisse Desjardins des Ressources naturelles à Sept-Îles, les entreprises qui possèdent les mines de fer de la Côte-Nord et du Labrador réalisent un milliard de dollars de profit par mois (sur la base d’un prix annualisé)!
Pourtant, c’est toujours la même chanson qu’on entend du côté patronal : « Les travailleurs ont des bons salaires, parmi les meilleurs de la région! » C’est exactement le même argument qui a été employé par les patrons de l’Association des employeurs maritimes pour s’attaquer aux débardeurs du Port de Montréal. Mais ces salaires n’ont pas été accordés grâce à la générosité des employeurs, ils sont le fruit de luttes acharnées des travailleurs et travailleuses, dans des industries qui génèrent des profits massifs. Dans tous les cas, l’avarice est clairement du côté des patrons. Ces derniers ne veulent laisser aux travailleurs que des miettes de l’énorme gâteau qui a été entièrement produit par les travailleurs eux-mêmes!
La solidarité avec les grévistes s’organise déjà. D’autres travailleurs d’ArcelorMittal en Montérégie et à Montréal ont envoyé 14 000 dollars pour alimenter le fonds de grève. Des travailleurs de Rio Tinto IOC ont aussi apporté leur soutien, tout comme d’autres travailleurs à l’international (France et Brésil notamment). À Fermont, des marches de solidarité ont été organisées, et une manifestation aura lieu à Longueuil ce vendredi pour appuyer les grévistes. Il est important que le mouvement syndical appuie la lutte des travailleurs de la Côte-Nord, car c’est loin d’être une lutte isolée.
Partout à travers le Canada, les patrons passent à l’offensive, comme en témoigne l’augmentation du nombre de lockouts. Des entreprises comme ArcelorMittal font des profits records grâce à la pandémie, et elles profitent de l’incertitude sur le marché de l’emploi pour s’attaquer aux bons emplois syndiqués. C’est intolérable! Face à cette tendance générale, le mouvement ouvrier doit être prêt à soutenir toute tentative des travailleurs pour améliorer leurs conditions de travail, que ce soit en alimentant leur fonds de grève, en participant à des manifestations politiques, ou encore en organisant des grèves en solidarité.
Victoire aux travailleurs d’ArcelorMittal en grève!