Les travailleuses de 57 CPE de Montréal et Laval sont en grève générale illimitée depuis le 6 juin dernier. Celles-ci n’ont pas de convention collective depuis trois ans et les négociations avec l’Association patronale des CPE (APCPE) sont dans une impasse. Leurs salaires stagnants s’accompagnent d’une perte de contrôle sur la gestion de leur travail, d’un manque de reconnaissance de leur compétence et d’une augmentation de leur charge de travail.

Les camarades de La Riposte socialiste ont participé à un des piquets de grève lors de la première journée de grève le 6 juin. Nous en avons profité pour recueillir les impressions des travailleuses sur le conflit de travail.

Des conditions qui se détériorent

Ce n’est pas la première fois que les éducatrices se mettent en mouvement. Celles-ci se battent depuis des années pour faire reconnaître leur profession ainsi que pour préserver leurs acquis :

« Nous sommes en grève depuis des dizaines d’années. À chaque année, on revendique des choses, mais c’est très difficile. Ce n’est pas une profession qui est reconnue par la société en général. On doit se battre tous les jours. »

Lorsque nous avons questionné les travailleuses, nous avons pu constater qu’elles vivent une détérioration de leurs conditions de travail et une surcharge de travail. L’une d’entre elles, qui a dit souhaiter garder l’anonymat, nous a expliqué :

« En fait, moi depuis que je suis rentrée, mes conditions de travail se sont détériorées. J’avais une heure de pause, et là j’ai une pause de une demi-heure ou 45 minutes où je n’ai pas le droit de quitter les lieux. (…) Ce n’est pas normal que moi je sois assise dans un local avec une vingtaine d’enfants, et ce n’est pas sécuritaire… »

Les éducatrices de CPE ont également des salaires assez bas. Nous avons même appris que certaines éducatrices devaient prendre un deuxième emplois les soirs et les fins de semaine afin de subvenir à leurs besoins! Dans l’article que nous avons publié la semaine dernière, nous soulignions que les attaques envers les travailleuses des CPE s’inscrivaient dans le contexte des mesures d’austérité imposées par les libéraux de Philippe Couillard. Une autre éducatrice, Sylvie, nous a parlé de l’impact des mesures d’austérité :

« Nous avons ressenti l’austérité. Nous avons eu des coupures de personnel. Et lorsque le personnel est coupé, notre charge de travail grossit encore plus. Nous avons même dû apporter du travail à la maison. Lorsqu’il faut faire de la préparation pour les enfants, on ne peut pas juste arriver le matin et se dire “OK, c’est parti!” Il y a du temps de préparation, et lorsque vous coupez dans le personnel, le temps de préparation est coupé également, mais vous devez le faire quand même. Donc nous ressentons l’austérité. »

Une humeur combative

Lors de cette première journée de grève, nous avons pu constater l’humeur combative des éducatrices et leur désir de s’unir pour défendre leurs acquis. Sylvie nous expliquait :

« Nous sommes pleines d’optimisme. Nous en avons assez, nous voulons que ça cesse. Toutefois, nous n’allons pas plier. Nous voulons au moins préserver nos acquis, et si nous pouvons avoir plus, ça serait bien. Nous sommes très unies, et nous luttons toutes ensemble. »

Les éducatrices sentent aussi qu’elles peuvent compter sur l’appui des parents. Selon cette même éducatrice, « les parents, à mon CPE, sont derrière nous. Ils nous ont demandé comment ils pouvaient nous aider, ils viennent piqueter avec nous, ils aident à distribuer des dépliants. »

Une autre éducatrice, Mylène, a souligné le manque de couverture médiatique. Elle a également expliqué comment les employeurs disposaient des outils pour donner « leur » version des faits aux parents tandis que les éducatrices ne peuvent envoyer d’information aux parents.

Il n’y a cependant rien de nouveau à cela. Les patrons ont tout intérêt à garder les armes de leur côté et empêcher les travailleuses de faire passer leur message. De même, nous ne pouvons compter sur les grands médias capitalistes, dont le rôle est de défendre l’État et les patrons plutôt que de prendre le bord des travailleurs et travailleuses. La seule force sur laquelle les éducatrices de CPE peuvent compter, c’est le mouvement ouvrier et ses organisations.

On lâche rien! La grève jusqu’à la victoire!

Les éducatrices rencontrées sur le piquet de grève ont également l’impression que les négociations piétinent et que les patrons font preuve d’intransigeance. « Tous les points qui sont cruciaux pour nous n’avancent pas. On est pas en train de demander plus de chose. Souvent on veut un statu quo sur la plupart des points et là on a un recule sur ces points-là », nous a confié l’une d’elles.

Ici aussi, il n’est pas surprenant de constater la rigidité des patrons et leur refus de faire des concessions. Comme nous le soulignions dans notre précédent article, l’APCPE a refusé de signer l’entente de principe survenue en novembre avec le ministre de la Famille, et veut faire cavalier seul pour imposer un appauvrissement des conditions aux travailleuses sous sa gouverne. Les patrons ont clairement démontré qu’ils ne veulent pas négocier et qu’ils sont déterminés à veut des reculs aux travailleuses. Aucune bonne foi ne peut être attendue d’eux.

De manière intéressante, l’une des éducatrices présentes sur le piquet de grève nous a expliqué que les gestionnaires des CPE (comme l’APCPE) se comportent maintenant « comme des gérants de banque ». Effectivement, les CPE, qui sont des coopératives sans but lucratif, sont de plus en plus gérés comme des entreprises privées. Cela démontre bien les limites du modèle coopératif, qui reste soumis aux lois du marché, surtout en contexte d’austérité et de coupures dans les services sociaux. Les garderies offrent un service essentiel aux travailleurs et travailleuses. Elles devraient appartenir et être gérées démocratiquement par les éducatrices elles-mêmes et les travailleurs qui y envoient leurs enfants, et devraient être beaucoup mieux financées grâce aux milliards qui se trouvent dans les poches des banquiers.

La grève dure depuis maintenant une semaine. Toutefois, les grandes centrales syndicales ont généralement gardé le silence sur ce conflit. Il semble qu’aucun geste concret n’a été posé par les dirigeants syndicaux des grands syndicats pour amener les autres travailleurs et travailleuses à se mobiliser sur le terrain en défense des éducatrices. Nous pensons qu’il est du devoir des dirigeants syndicaux d’étendre la solidarité à tout le mouvement ouvrier québécois. Il nous faut mobiliser la classe ouvrière plus large et amener les travailleurs à venir sur les piquets de grève des éducatrices afin de démontrer en pratique leur solidarité dans la lutte contre l’APCPE. Des manifestations de solidarité devraient être organisées, et une campagne d’appui des éducatrices de CPE doit être lancée. C’est ainsi que nous pourrons renforcer le rapport de force. Unir les parents, les éducatrices et les travailleurs en général sur les piquets de grève est la principale tâche du mouvement présentement.

Ripostons face à l’APCPE!

Le mouvement ouvrier doit se mobiliser en appui à la grève!

Victoire aux éducateurs et éducatrices des CPE!