Déclaration de la Tendance Marxiste Internationale
Hugo Chavez n’est plu. La cause de la liberté, du socialisme et de l’humanité a perdu un champion courageux.
Il est décédé mardi 5 mars à 16h25 heure locale. La nouvelle a été annoncée par le vice-président Maduro. Le président avait tout juste 58 ans, et il est resté 14 ans au pouvoir. Il s’est battu avec le cancer ces deux dernières années, mais quand la nouvelle de sa mort a été annoncée, ce fut un choc.
Dès que la mort du président a été connue, les gens ont commencé à se rassembler sur les places Bolivar dans le centre des villes et des villages à travers le pays. Dans les rues, beaucoup de personnes se sont effondrées en larmes, ou ont observé le silence. Des foules de gens affolés se sont rassemblées devant l’hôpital militaire de Caracas, où il est mort.
Le rassemblement spontané des masses s’est vite transformé en une manifestation de défiance. Comme il l’a déjà fait à de nombreuses occasions lorsque la révolution était menacée, le peuple est descendu dans les rues de Caracas.
La raison de cette vague de soutien et d’émotion n’est pas difficile à comprendre. Aux yeux des masses, Chavez représente la révolution, leur propre éveil à la vie politique, les batailles menées durant la dernière décennie, et le sentiment que pour la première fois les gens ordinaires et les pauvres étaient responsables. Il représente l’homme qui s’est dressé contre l’impérialisme et l’oligarchie.
Certains commentateurs bourgeois superficiels disent que les masses ont aimé Chavez parce qu’il a veillé à l’amélioration des conditions de vie à travers les programmes sociaux misiones. Cela joue évidemment un rôle important. Mais cela va plus loin, ces acquis sociaux, et ils sont impressionnants, ont été remportées par la lutte, le peuple a dû se mobiliser en masse dans les rues à plusieurs reprises pour défendre la révolution contre l’oligarchie contre-révolutionnaire et l’impérialisme. C’est cela qui unissait la relation des masses avec le président.
N’oublions pas que tous pleuraient la nuit dernière sauf à Miami et dans les quartiers bourgeois de l’est de Caracas où des coups de klaxon résonnaient : les escualidos réactionnaires faisaient ouvertement la fête. La classe dirigeante et l’impérialisme détestaient Chavez et voulaient se débarrasser de lui aussi vite que possible, et c’est pour les mêmes raisons que les masses l’ont soutenu.
Les manifestations de douleur à l’annonce de la perte d’Hugo Chavez ne se limitaient pas au Venezuela. A travers l’Amérique latine, les travailleurs et les paysans et leurs organisations ont exprimé leur estime pour le leader révolutionnaire. Même au-delà de son continent, les organisations progressistes de gauche du monde entier ont affiché leur soutien.
Hier soir à Caracas et dans d’autres villes, les gens chantaient : « Nous sommes tous Chavez ! » et « Chavez continue de vivre ! ». Des milliers de personnes se sont rassemblées sur la Place Bolivar et se sont dirigées vers le palais présidentiel de Miraflores, en criant des slogans de défiance, « Le peuple uni ne sera jamais vaincu », « ils ne doivent pas revenir » et « la lutte continue ».
C’est la chose la plus importante de toutes. Les masses savent qu’ils sont dans une guerre, et dans une guerre, peu importe combien de soldats tombent au combat, d’autres s’avancent pour prendre leur place. Quoi qu’il arrive, la lutte continue. C’est le message des rues de Caracas et de celles de tous les autres villes et villages.
Nous sympathisons de tout notre cœur avec cette douleur sincère des gens qui pleuraient ouvertement dans les rues de Caracas. Les larmes versées par les travailleurs et les pauvres sont sincères et expriment un sentiment pur et honnête. Mais alors que les masses pleurent à chaudes larmes, d’autres versent des larmes de crocodile.
Le ministre des Affaires étrangères britannique, William Hague, s’est dit « attristé » d’apprendre la mort de Chavez et a déclaré qu’il avait laissé une « emprunte durable » sur le Venezuela. La BBC ce matin a été forcé d’admettre : « Il a obtenu le soutien durable des pauvres et gagna à nouveau les élections en utilisant la richesse pétrolière du Venezuela pour poursuivre des politiques socialistes » (BBC News, le 6 mars)
Comme c’est étrange ! Ceux qui détestaient Chavez et qui ont fait tout leur possible pour lui nuire quand il était vivant se joignent à un chœur de louanges cyniques, maintenant qu’il est mort.
La véritable attitude des impérialistes est exprimée par les déclarations d’Ed Royce (républicain de Californie), président de la Chambre américaine de la commission des affaires étrangères, qui a dit dans une déclaration écrite : « Hugo Chavez était un tyran qui a forcé le peuple du Venezuela à vivre dans la peur. Sa mort entaille l’alliance des dirigeants de gauche anti-Etats-Unis en Amérique du Sud. Bon débarras de ce dictateur ».
Nous n’avons rien à voir avec l’hypocrisie, des mots hypocrites et de la rhétorique vide. Nous pleurons pour Hugo Chavez, mais nous ne devons pas être aveuglés par les larmes. Nous ne devons pas perdre de vue notre cause. Lorsque le deuil est terminé, la lutte doit continuer. Chavez n’en attendait pas moins. Hugo Chavez était un combattant. S’il pouvait parler, ses mots seraient ceux de Joe Hill, le révolutionnaire américain : « Ne pleurez pas pour moi. Organisez-vous ! »
Les manoeuvres de l’impérialisme
Les responsables américains ne tardèrent pas à présenter la mort d’Hugo Chavez comme une opportunité pour l’Amérique de reconstruire une relation avec le Venezuela, qui lui permettrait de poursuivre « des réformes démocratiques significatives », comme le président Obama annonçant un « nouveau chapitre » dans l’histoire de l’Amérique Latine.
Ils ont décrit sa mort comme ouvrant une « période de défi ». Mais ils n’ont pas dit quel était l’enjeu, ou pourquoi Washington a réaffirmé ce qu’il décrit comme son « soutien au peuple vénézuélien ». Il n’est pas dit quel peuple. Il dit qu’il veut développer une relation constructive avec Caracas. Mais la nature de cette relation n’est pas précisée.
Quand Obama parle de « véritables réformes démocratiques », il entend par là le démantèlement de toutes les conquêtes sociales, économiques et politiques de ces quatorze dernières années. Quand il parle d’un « nouveau chapitre » dans l’histoire du Venezuela, il signifie un retour au chapitre tragique de l’histoire du Venezuela, à l’époque où le pays était asservi aux intérêts de l’impérialisme américain et des grandes compagnies pétrolières.
Ces sirènes de Washington ne tromperont personne. Quand ils parlent de « soutien au peuple vénézuélien », ils entendent le soutien à l’opposition contre-révolutionnaire, à la bourgeoisie et à la partie du mouvement bolivarien qui leur est favorable.
Ils ont prévu de gagner l’aile droite du mouvement bolivarien. Ceux qui pendant des années ont toujours rêvé de « chavisme sans Chavez » y voient leur chance. Cette tendance représente ni plus ni moins que la cinquième colonne de la bourgeoisie dans le mouvement bolivarien. Ils sont les ennemis les plus dangereux de la Révolution.
Les ennemis tentent déjà de tirer parti de ces circonstances tragiques pour semer la confusion et conspirent contre la Révolution. Nous nous engageons à poursuivre et à intensifier la lutte pour défendre la Révolution bolivarienne contre ses ennemis extérieurs et intérieurs. Des deux, l’ennemi intérieur est le plus dangereux.
Et maintenant ?
Quelles sont les perspectives et quelles sont les tâches des marxistes ?
Hugo Chavez est mort avant d’avoir achevé la grande tâche qu’il faisait passer avant lui-même : la réalisation de la révolution socialiste au Venezuela. Il appartient désormais aux ouvriers et aux paysans — la véritable force motrice de la Révolution bolivarienne — de mener cette tâche à son terme. Ne pas le faire serait une trahison de son héritage.
Elias Jaua, le ministre des Affaires étrangères, a déclaré que de nouvelles élections auront lieu dans les 30 jours. Nicolas Maduro sera le candidat du Parti socialiste unifié (PSUV). Il va sans dire que les marxistes se battront pour la victoire du PSUV et pour la défaite de l’opposition contre-révolutionnaire. Mais en même temps, nous devons nous assurer que le prochain gouvernement mènera une politique socialiste.
Il n’y a rien de plus dangereux que l’idée de l’unité nationale et la réconciliation entre les classes. Il doit n’y avoir aucun accord avec l’opposition et aucune concession à la bourgeoisie. Il ne peut y avoir d’unité entre esclaves et propriétaires d’esclaves, entre paysans et propriétaires, entre travailleurs et capitalistes, exploiteurs et exploités, oppresseurs et opprimés.
Durant ces deux derniers mois, l’oligarchie, profitant de la maladie de Chavez d’une manière dégoûtante, a redoublé sa campagne de sabotage économique, de thésaurisation et de spéculation. Le gouvernement a promis de prendre des mesures rapides. La seule réponse valable est l’expropriation de la classe dominante qui contrôle la production et la distribution alimentaire, ainsi que de larges pans du secteur bancaire et les principaux leviers de l’économie vénézuélienne.
Nicolas Maduro a promis de maintenir « l’héritage révolutionnaire, anti-impérialiste et socialiste » de Chavez. La classe ouvrière et les militants du PSUV doivent s’assurer que c’est le cas. Il ne suffit pas de prononcer des discours vantant Chavez, que même ses ennemis les plus acharnés font maintenant qu’il est mort. Il ne suffit pas de faire des discours sur l’amour, une phrase vide qui ne signifie rien.
Ce qu’il faut, ce n’est pas des discours sentimentaux, mais la mise en pratique du programme socialiste que Chavez a toujours préconisé : l’abolition du capitalisme par l’expropriation des banquiers, des propriétaires terriens et des capitalistes. C’est l’héritage authentique d’Hugo Chavez. C’est ce pour quoi nous devons nous battre pour le mener à bien.
Mais il y a aussi un autre objectif que Chavez a proclamé et qui reste encore à mettre en pratique, un objectif qu’il considérait comme fondamental, mais qui a été enterré et oublié par les bureaucrates : la création d’une Internationale socialiste révolutionnaire.
En juin 2010, au congrès du PSUV, Chavez a proclamé la nécessité urgente d’une Ve Internationale. Il n’a pas fait cela par hasard. Il a donné une place de choix dans ses discours à la création de cette internationale, car il la jugeait essentielle. Il avait tout à fait raison.
Il est mort avant d’avoir pu mettre cette idée en pratique. Dès le début, il a rencontré l’hostilité de l’aile droite du mouvement bolivarien. C’était un anathème pour les staliniens et les réformistes, qui n’ont jamais partagé l’enthousiasme de Chavez pour le socialisme. Ils ont fait tout leur possible pour saboter, pour fausser ou renverser tous ses plans, y compris la création de l’Internationale révolutionnaire.
La Tendance Marxiste Internationale s’engage à mener à bien la lutte pour construire une telle internationale. Nous appelons tous ceux qui prennent les paroles du Président au sérieux à nous soutenir dans cette grande tâche historique. Le socialisme est international ou il n’est rien.
La TMI exprime sa sympathie avec le peuple du Venezuela. La cause du socialisme a perdu un grand défenseur. Le corps humain est une chose fragile. Il est facile de le détruire avec des balles ou avec une maladie. Tous les êtres humains sont nés pour mourir. Mais il n’y a aucune force sur terre qui puisse détruire une idée, en particulier lorsque son heure est venue.
Hugo Chavez, l’homme, n’est plus avec nous, mais il vit en nous. Nous nous engageons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour intensifier la lutte pour le socialisme au Venezuela et dans le reste du monde. C’est la seule façon d’avancer, la seule façon d’honorer la mémoire d’Hugo Chavez.
Continuer l’héritage de Hugo Chavez, pas en paroles, mais en actes !
Exproprier les oligarques !
Longue vie au socialisme ! La lutte continue !
Prolétaires du monde entier unissez-vous !