Image : Teamsters

Les deux principales lignes ferroviaires du Canada, Canada Pacific Kansas City (CPKC) et CN Rail, pourraient être fermées la semaine prochaine. Alors que la direction tente de sabrer dans les mesures de sécurité des 9000 membres des Teamsters et d’allonger leurs heures de travail, les deux camps menacent de déclencher une grève ou un lock-out.

Mandat de grève écrasant

Le 14 août, des milliers de chefs de train, d’ingénieurs, d’ouvriers de gare de triage et de contrôleurs de la circulation ferroviaire représentés par la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC) ont voté massivement en faveur de la grève – pour la troisième fois cette année.

Depuis des années, les deux compagnies combinent des coupes de personnel impitoyables avec une accélération sans fin de la cadence, afin de « tirer le maximum » de leurs équipes restantes. Il est bien connu que les conditions de travail sur les lignes ferroviaires du Canada sont déjà mortelles, en raison de ces réductions.  En fait, l’homme qui a été le pionnier du système d’exploitation ferroviaire de précision du CN Rail, l’ancien PDG Hunter Harrison, l’a admis lui-même, en déclarant un jour à des législateurs : « J’ai du sang sur les mains […] à cause de blessures dans cette industrie qui auraient dû être évitées. »

Selon le syndicat, la direction a exigé des coupes encore plus importantes au cours de ce cycle de négociations.

Plus précisément, ils ont cherché à allonger les horaires des travailleurs, à supprimer ce qu’il reste de leurs mesures de sécurité contre la fatigue et à séparer les travailleurs de leur famille pour pallier le manque de personnel dans l’ensemble du pays.

Ils ont ainsi forcé la main aux travailleurs. Après des mois de négociations et d’arbitrage obligatoire, les patrons continuent d’exiger des concessions, ce qui oblige les travailleurs à se mettre en grève.

« Nos membres ne cherchent qu’à obtenir une entente juste et équitable. Malheureusement, les deux compagnies ferroviaires exigent des concessions qui pourraient séparer des familles ou miner la sécurité ferroviaire », affirme Paul Boucher des Teamsters.

Pour couronner le tout, les deux entreprises ont réagi au vote de grève en menaçant de mettre les travailleurs en lock-out d’ici le 22 août, à moins qu’ils ne se résignent au « statu quo » et à des « assouplissements en matière de services ». En clair, cela signifie que les travailleurs doivent accepter plus de surmenage, plus de blessures et une vie plus précaire en général.

« Rien ne bougerait, littéralement »

Les patrons des chemins de fer ont déjà commencé à interrompre les expéditions de marchandises importantes, telles que la viande, le chlore et les médicaments. Les gares de tout le Canada et des principales villes américaines comme Chicago, Minneapolis et Memphis se préparent également au choc.

Comme on pouvait s’y attendre, la presse capitaliste canadienne profite de l’occasion pour rejeter la faute sur les travailleurs. Comme le résume CBC News : « Les expéditeurs et les producteurs affirment qu’un arrêt de travail entraverait les chaînes d’approvisionnement du pays, stopperait le trafic de marchandises et perturberait les industries. »

La presse économique canadienne met en garde contre une « catastrophe » imminente, qui pourrait « immobiliser le Canada ». « L’ampleur de la perturbation serait effrayante », a déclaré le Conseil canadien des affaires, tandis que Pulse Canada a prévenu : « C’est une catastrophe. Rien ne bougerait, littéralement. »

Il est vrai que ces travailleurs sont extrêmement importants pour le capitalisme canadien, chaque entreprise transportant des centaines de milliards de dollars de marchandises chaque année. Mais cette « catastrophe » est entièrement imputable à la direction. Celle-ci a passé des années à alourdir la charge de travail, à augmenter les heures de travail et à réduire le personnel. Et elle a forcé le syndicat à en arriver là en exigeant de nouvelles coupes ou – comme les médias aiment à les appeler – des « concessions ».

Mais cette « catastrophe » imminente nous rappelle l’énorme pouvoir dont disposent les travailleurs. Les patrons font fortune sur le dos des travailleurs, mais s’ils le décident, ceux-ci peuvent paralyser le pays tout entier.  Et c’est précisément ce pouvoir qui est la seule chose qui puisse renverser les coupes dans le personnel et la sécurité.

Non à une loi de retour à l’emploi, non à l’arbitrage obligatoire

Depuis le premier vote de grève, des politiciens et des groupes de droite – y compris des chambres de commerce, le gouvernement du Parti conservateur unifié de l’Alberta et au moins un sénateur républicain américain – ont appelé le gouvernement fédéral à briser la grève.

Jusqu’à présent, cependant, le premier ministre est resté pratiquement silencieux.

Le cabinet Trudeau semble hésiter à intervenir, même s’il a contraint le syndicat et l’entreprise à des mois de négociations infructueuses.

Le ministre du Travail de Trudeau veut nous faire croire que c’est parce que « le gouvernement croit fermement au processus de négociation collective et est convaincu que des accords mutuellement bénéfiques peuvent être conclus à la table de négociation ». Mais il s’agit manifestement d’un mensonge. De 2015 à 2022, le gouvernement Trudeau a brisé de nombreuses grèves – celles des postiers comme celles des débardeurs.

La politique du gouvernement libéral n’est pas dictée par une amabilité envers les syndicats ou la classe ouvrière. Les libéraux ont consciemment suivi une politique calculée de collaboration de classe, dans une tentative de calmer le jeu de la lutte des classes. Alors que tous les partis capitalistes savent qu’ils devront tôt ou tard refiler aux travailleurs la facture de la crise économique, les politiciens sont inquiets à l’idée de provoquer une révolte de la classe ouvrière, comme on l’a vu dans les pays de toute l’Europe.

La classe capitaliste a eu une petite frayeur à l’automne 2022, lorsque la loi de retour au travail contre les travailleurs de l’éducation du SCFP en Ontario a provoqué un retour de flammes massif. Ce qui a commencé comme une petite grève des travailleurs du secteur public les plus mal payés de l’Ontario s’est rapidement transformé en une grève quasi générale, rassemblant tous les secteurs de la classe ouvrière. La popularité de Trudeau étant en chute libre et les grèves se multipliant, il craint avec raison de voir des troubles sociaux débuter par une grève des chemins de fer avant de s’étendre.

Mais cette impasse ne peut durer éternellement. Les travailleurs ont voté trois fois, à plus de 90%, en faveur d’une grève totale. Leur colère et leur combativité doivent être mises à profit pour reconquérir ce que les travailleurs ont perdu.

À ce stade, un arbitrage obligatoire ne servirait à rien. Les entreprises ont clairement fait savoir qu’elles n’avaient pas l’intention de céder. Et le système d’arbitrage imposé par l’État n’a jamais, dans l’histoire des relations de travail, contraint les entreprises à céder.

Nous devons compter sur nos propres forces.

Maintenant que la direction a montré sa volonté de mettre les 9300 travailleurs en lock-out afin de briser leur détermination, le syndicat doit répondre de la même manière. La meilleure façon de lutter contre ce lock-out total est d’organiser une grève totale.

Victoire aux cheminots!
Grève jusqu’à la victoire!