Le 28 janvier, à Bilbao et Iruña (Pampelune), deux manifestations ont rassemblé au total près de 7000 personnes sous le slogan « Enpresari eta agintarien erasoaldiaren aurreran, gazte langileok borrokara! » : « Face à l’offensive des patrons et des gouvernants, la jeunesse ouvrière en lutte! »
Ces manifestations étaient à l’initiative d’une organisation relativement récente : la Gazte Koordinadora Sozialista (GKS : « Coordination de la jeunesse socialiste »). La naissance de cette organisation et son orientation politique nettement anticapitaliste sont une expression de la profonde radicalisation de la jeunesse.
La jeunesse et le capitalisme
En Espagne comme ailleurs dans le monde, les jeunes travailleurs sont parmi les premières victimes de la crise du capitalisme. Ils représentent près de 60% des contrats précaires, dans le pays. Cette précarité et les bas salaires qui l’accompagnent rendent la jeunesse particulièrement vulnérable aux conséquences de la crise économique et de l’inflation : hausse du prix de l’électricité, des transports, des logements, etc. Un chiffre est révélateur de cet état de fait : la précarité de la jeunesse et les loyers élevés sont tels que les jeunes quittent le domicile familial à l’âge de 30 ans, en moyenne. C’est le chiffre le plus élevé d’Europe.
Par ailleurs, alors que le taux de chômage dans la population générale se situe autour de 8%, en Espagne, il s’élève à 20,9% au Pays basque et à 24,7% en Navarre.
Une telle situation a forcément des conséquences politiques. Depuis la récession mondiale de 2008-2009, une génération entière a élaboré sa conscience politique en n’ayant connu que la crise économique et environnementale. En Espagne, il y a eu aussi des attaques très dures contre les droits démocratiques, notamment lors de la répression policière et judiciaire du référendum catalan de 2017, ou plus récemment avec la condamnation à 24 ans de prison d’une militante basque, Iratxe Sorzabal, sur la base d’aveux obtenus sous la torture.
Tout cela a eu un impact très important sur la conscience de millions de jeunes et a provoqué une nette radicalisation politique d’une partie d’entre eux.
Mugimentu Sozialista
C’est de ce terreau qu’est issue la GKS. À l’origine, ses militants étaient membres d’un syndicat étudiant lié à Bildu, la coalition électorale de la gauche nationaliste basque. En 2019, ils ont rompu avec le mouvement nationaliste. Ils s’opposent à la politique de Bildu, qui passe une grande partie de son temps à tenter de conclure des compromis parlementaires avec les partis de la bourgeoisie basque, et soutient le gouvernement du PSOE au Parlement de Madrid, alors même que ce gouvernement a poursuivi la répression des Catalans.
Ces jeunes militants ont tiré la conclusion correcte que la lutte pour les droits démocratiques du peuple basque est indissociable de la lutte contre le système capitaliste. Ce sont ces idées que défend le Mugimentu Sozialista (« Mouvement socialiste ») au sein duquel les militants de la GKS se sont organisés de façon indépendante.
Ceci leur a valu une ferme hostilité de la part des dirigeants de Bildu et de la droite nationaliste, qui se livrent à une campagne de harcèlement contre la GKS, en agressant des militants, en utilisant leurs positions dans les institutions pour les faire expulser de centres associatifs, ou encore en leur interdisant de récolter des fonds lors d’événements publics. Nos camarades de Lucha de Clases, la section espagnole de la TMI, ont apporté leur soutien à la GKS face à ces attaques inacceptables.
La naissance de la GKS représente un pas en avant très important dans l’évolution politique de la jeunesse du Pays basque, car elle marque la volonté de construire une organisation de masse se revendiquant du communisme. Nous apportons tout notre soutien à leur travail. Un représentant de Lucha de Clases et deux autres membres de la TMI ont d’ailleurs été invités à intervenir lors de la convention de la GKS qui a regroupé près de 2000 personnes, en août 2022. Nos camarades ont pu y exposer leurs idées marxistes et discuter avec de nombreux militants.
Le développement de la GKS et du Mugimentu Sozialista n’est pas un processus isolé. En Catalogne, une partie de l’organisation de jeunesse indépendantiste Arran a suivi le même chemin : elle a rompu avec la stratégie de soutien à la bourgeoisie catalane et créé une nouvelle organisation, Horitzó Socialista (Horizon socialiste). La GKS affirme à juste titre qu’il faut unir les luttes menées par les différents mouvements de jeunesse socialistes. Ils ont un ennemi commun, le système capitaliste et la bourgeoisie, qui utilisent à leur profit les divisions nationales et ne peuvent être combattus que par une politique de classe internationaliste.
Le succès des manifestations du 28 janvier, comme celui de chacun des événements publics organisés par la GKS, montre que cette perspective rencontre un écho dans la jeunesse du Pays basque. Nos camarades de la TMI feront tout ce qui est en leur pouvoir pour aider les militants de la GKS à construire une organisation communiste de masse indépendante et capable d’étendre cette lutte en dehors du Pays basque.