Une entente de principe entre les professionnels du gouvernement du Québec (représentés par le SPGQ), soit 17 500 employés, et le gouvernement du Québec a finalement été atteinte le 28 mars dernier après trois ans de négociations. Les professionnels affiliés au SPGQ incluent des postes variés comme des agents d’informations, des attachés judiciaires, des agronomes, des actuaires, des travailleurs sociaux, des traducteurs, des biologistes et bien d’autres. L’entente a été entérinée par les membres à 86% (avec un taux de participation de 53%) pour finalement être officiellement adoptée le 3 juillet. Le syndicat affirme avoir gagné une augmentation salariale moyenne de 12,5% sur cinq ans, dépendamment de l’échelon de l’employé.  À première vue, cela peut avoir l’air d’une victoire syndicale, mais il faut y jeter un regard plus approfondi.

Dans cette entente, les travailleurs perdent deux jours de congé de maladie, passant de 12 à 10 par année, l’âge de la retraite passe de 60 ans à 61 ans et les pénalités pour les retraites anticipées passent à 6% alors qu’elles étaient auparavant de 4%. En plus, en ce qui concerne les augmentations de salaire, celles-ci ne permettent pas de rattraper l’écart salarial avec les travailleurs qui effectuent le même travail ailleurs au Québec, qui est de 22% selon le syndicat. Il est donc difficile, après trois années de négociation, de qualifier cette nouvelle convention collective de victoire.

Pourtant, il y avait au départ un élan sur lequel on aurait pu s’appuyer pour aller à l’offensive contre le gouvernement libéral. En novembre 2015, des syndiqués au SPGQ avaient souligné par une manifestation le 10e anniversaire de l’adoption de la loi 142, une loi spéciale qui avait imposé unilatéralement des augmentations de salaire de 12,6% sur 6 ans au secteur public en 2005. Une manifestante affirmait lors de cette manifestation : « Nous sommes très mobilisés. Nous n’avons jamais vu un taux de mobilisation aussi fort depuis les années 1970. C’est assez! Depuis des années que nous reculons en termes de salaire et de conditions. Ça augmente partout et nos salaires ne suivent plus. Il faut que ça cesse! »

Malheureusement, ce désir de lutter à la base ne s’est pas reflété par une stratégie offensive de la part de la direction syndicale. La direction syndicale a tendu à canaliser l’énergie des membres vers des moyens de pression futiles qui ne fonctionnent pas. Par exemple, le principal moyen de pression a été une grève des soirs et des fins de semaine, qui n’est qu’une excuse pour prétendre faire la grève sans vraiment la faire. Le président du syndicat, Richard Perron, l’admettait en quelque sorte lorsqu’il affirmait qu’il n’avait pas peur d’une loi spéciale comme celle que les juristes de l’État s’étaient fait imposer après quatre mois de grève parce que les moyens de pression du SPGQ étaient modestes comparés à ceux des juristes. Et selon notre source dans le syndicat, ce moyen de pression a cessé avant même que les membres se prononcent sur l’entente de principe. Cette attitude « modeste » devant une « négociation de façade » par le gouvernement maintes fois dénoncée par le syndicat pouvait difficilement permettre d’arriver à la victoire.

Fait caractéristique de l’attitude de la direction syndicale par rapport à ses membres, ceux-ci ont appris que l’entente de principe avait été signée par le biais des médias! Selon nos sources au sein du syndicat, les documents envoyés aux travailleurs ne contenaient même pas l’entente elle-même, mais seulement quelques détails de celle-ci et une liste des points négociés.

Qu’est-ce qui aurait dû être fait alors? L’employeur ne va jamais plier devant de faibles moyens de pression. Lorsqu’elle ne propose que des grèves partielles, la direction syndicale envoie le message aux patrons qu’elle n’a pas confiance en ses propres forces et peut facilement être forcée à adopter des concessions. La faiblesse invite à l’agression. Il faut adopter les méthodes de luttes qui fonctionnent et qui ont fait leurs preuves. La grève générale, contrairement à la grève partielle, est notre meilleure arme pour forcer les patrons à satisfaire nos demandes.

Le spectre d’une loi de retour au travail hantait sans surprise les négociations. Face à un syndicat combatif, le gouvernement n’aurait pas hésité. C’est ce qu’il a fait avec les travailleurs de la construction en 2017, mais aussi plus récemment avec les juristes de l’État. Dans le cas des ingénieurs de l’État, la menace ouverte a suffi pour forcer une entente. C’est en partie la crainte de se voir imposer le retour au travail qui pousse les dirigeants syndicaux à agir comme des chats dégriffés.

Les dirigeants syndicaux ont la responsabilité d’être honnêtes envers leurs membres et ne pas leur laisser croire que les négociations se font d’égal à égal. L’État capitaliste dictera toujours les règles du jeu en faveur des patrons. Pour être victorieux, les travailleurs doivent dès le départ être prêts à défier une loi de retour au travail. Il faut que la direction syndicale soit prête à mobiliser ses membres contre toute loi spéciale, et ne pas plier devant les menaces ouvertes ou subtiles de l’État. Chaque fois que la menace d’un retour forcé au travail est brandie, il est nécessaire de passer le mot aux autres secteurs de la classe ouvrière et de mobiliser en vue d’un mouvement de solidarité. Il est du devoir de la direction syndicale d’organiser un tel mouvement à l’aide de ses vastes ressources.

L’entente peu satisfaisante obtenue par les professionnels du gouvernement nous montre la nécessité de renouer avec les méthodes combatives du mouvement ouvrier. C’est d’autant plus important que d’autres luttes sont présentement en cours, notamment à Loto-Québec et chez les travailleurs de la Bibliothèque nationale, deux groupes aussi affiliés au SPGQ. Les grutiers nous ont récemment donné un exemple à suivre, en refusant d’attendre la période de négociation légale pour entrer en grève et en refusant d’obtempérer aux appels des patrons à retourner au travail. Ne nous laissons plus marcher sur les pieds. Après des décennies de stagnation des salaires, d’austérité et de recul des conditions de travail, il est temps de passer à l’offensive.