Cinq femmes ont été assassinées dans des cas de violence conjugale jusqu’à présent cette année au Québec. Le féminicide – le meurtre de femmes pour le simple fait d’être des femmes – est l’expression la plus atroce de l’oppression continue des femmes aujourd’hui. L’effet disproportionné de la pandémie sur les femmes a exacerbé cette oppression. Les mesures de confinement et le chômage ont poussé de nombreuses femmes à rester à la maison, où beaucoup sont piégées avec un conjoint violent, sans aucun répit. Cette situation a mis en lumière la pandémie continue de violence conjugale sous le capitalisme.
La plupart des victimes de féminicide sont tuées par un membre de la famille, un partenaire intime ou une connaissance. Dans le cas le plus récent survenu au Québec cette année, l’ex-conjoint de Myriam Dallaire l’a sauvagement tuée, elle et sa mère, dans leur maison. Dans un autre cas, une femme a appelé le 911 pour signaler les menaces de mort qu’elle avait reçues de l’ex de sa copine. La police n’a pas donné suite à la plainte – qui n’a jamais été officiellement enregistrée. Deux jours après l’appel, cet ex jaloux la tuait. Cette situation est malheureusement monnaie courante, mais le confinement n’a fait que rendre plus difficile l’accès à de l’aide pour les femmes exposées à la violence.
Selon un article de la CBC, les organisations qui soutiennent les femmes ont constaté une augmentation des violences familiales et de la violence fondée sur le genre de 20 à 30% dans certaines régions du pays depuis le début du mois de mars 2020. Entre mars et décembre 2020, l’organisme ontarien Assaulted Women’s Helpline a enregistré 71 000 appels à l’aide, soit près du double de la moyenne annuelle de 40 000. Statistique Canada a également constaté une augmentation de 12% des signalements de troubles domestiques.
Yvonne Harding, de la Assaulted Women’s Helpline, signale une augmentation de la gravité des comportements violents. « Là où les choses se situaient peut-être au niveau de la violence psychologique et verbale, elles ont franchi la ligne de la violence physique. Là où les choses étaient déjà physiques, elles ont franchi une autre ligne, celle des menaces et de la peur pour leur sécurité et leur vie », dit-elle. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi cela se produit. Les couples qui ont déjà une relation violente, contrôlante ou autrement malsaine passent plus de temps ensemble, sous une plus grande pression, notamment financière. Cela signifie que les possibilités d’escalade de la violence sont plus nombreuses.
Le confinement et les quarantaines ont laissé beaucoup de femmes isolées de la pire des façons. Il est beaucoup plus difficile de demander de l’aide lorsque votre agresseur est à vos côtés toute la journée. La pandémie a également rendu plus difficile pour les femmes d’interagir avec leurs amies ou même de faire un tour au magasin, des activités qui pouvaient apporter un certain soulagement par le passé.
Malgré plusieurs rapports nationaux et internationaux sur l’augmentation des cas de violence familiale, les ressources restent insuffisantes. L’année dernière, 10 000 femmes ont été refusées dans les refuges pour femmes en raison de leur surcharge. Depuis le début de la pandémie, 71% des refuges pour femmes et des maisons temporaires ont dû réduire leur capacité d’accueil pour répondre aux normes sanitaires. Nombre d’entre eux ont réduit leur capacité jusqu’à 50%. La contradiction ne pourrait être plus évidente. D’une part, les femmes sont enfermées avec leur conjoint violent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et d’autre part, les femmes dans cette situation ont moins de refuges vers lesquels se tourner.
Malgré cette situation, il manque totalement de nouveaux fonds pour les maisons d’hébergement pour femmes. L’année dernière, le gouvernement du Québec s’est engagé à verser 120 millions de dollars au réseau des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence. Mais jusqu’à présent, seuls 5,5 millions de dollars ont été distribués. Tout au long de la pandémie, le gouvernement a refusé d’investir dans les services importants pour le travailleur moyen, comme le dépistage et la recherche de contacts, les établissements de soins de longue durée, les écoles et les refuges pour femmes. Une telle hésitation n’existe pas lorsqu’il s’agit de donner de l’argent aux entreprises.
Au début de la pandémie, le Québec s’est engagé à débloquer 2,5 milliards de dollars pour les entreprises touchées par le COVID. Un mois plus tard, 150 millions de dollars supplémentaires ont été accordés au secteur privé. Et pas plus tard qu’en février de cette année, le gouvernement de la CAQ a promis d’indemniser les cinémas qui ont rouvert leurs portes pour la perte des ventes de nourriture. La réalité est que l’argent existe, il est juste entre les mains des entreprises privées et des capitalistes individuels.
Mais même si le gouvernement finançait ces refuges, nous ne devons pas oublier que les femmes ne s’y tournent qu’en dernier recours. Ces installations sont un pansement sur un problème beaucoup, beaucoup plus grand.
Comme illustré ci-dessus, la violence domestique est une réalité pour de nombreuses femmes à travers le Canada et elle touche de manière disproportionnée les femmes pauvres et les travailleuses. Les femmes sont surreprésentées dans les emplois au salaire minimum. Les femmes canadiennes gagnent également 0,69 dollar pour chaque dollar gagné par les hommes. La situation déjà précaire de nombreuses femmes a été aggravée par la pandémie. Par exemple, les femmes représentaient 63% de toutes les pertes d’emploi en 2020, alors qu’elles ne constituent que 47% de l’ensemble des travailleurs. En outre, les femmes dominent le secteur des services, qui a été le plus durement touché par la crise. Cela signifie que même lorsqu’elles n’ont pas perdu leur emploi, elles sont susceptibles d’avoir subi une réduction de leurs heures de travail et une précarisation accrue.
Dans une grande proportion des cas, mille et une ficelles financières lient les femmes à leur conjoint violent. Elles sont dépendantes de leur agresseur pour les nécessités de base comme la nourriture et le logement. Cela ne tient même pas compte des liens psychologiques créés par les attentes sociales d’avoir une famille et une bonne vie de famille qui peuvent empêcher une femme de quitter une relation violente. Le choix auquel un nombre croissant de femmes sont confrontées est donc le suivant : mourir de faim, mourir de la COVID, ou mourir tuée par son conjoint.
Voilà la réalité qu’un système où la production est axée sur le profit offre aux femmes. D’une part, la capacité des femmes à satisfaire leurs besoins les plus élémentaires dépend de leur capacité à les payer. D’autre part, la recherche constante du profit par le capitalisme signifie que le système profite en réalité de l’oppression des femmes. Le fait qu’une couche de la population soit moins bien payée permet aux capitalistes d’en extraire davantage de plus-value. Et la baisse des salaires d’une partie des travailleurs exerce une pression à la baisse sur les salaires de tous les travailleurs, ce qui permet aux capitalistes d’empocher davantage de profits au bout du compte.
Même lorsque le confinement prendra fin, aucune solution n’est offerte aux travailleuses et aux femmes pauvres prises dans une relation violente sous le capitalisme. C’est pourquoi les marxistes luttent pour la transformation socialiste de la société. Une société où la production est destinée aux besoins humains et non à la cupidité privée garantirait la satisfaction des besoins les plus fondamentaux de chacun et chacune. Cela réduirait considérablement la dépendance financière des femmes vis-à-vis des hommes. Une telle société élèverait la position des femmes pour qu’elles soient égales aux hommes, non seulement en paroles mais aussi en actes. Cette société jetterait les bases d’une nouvelle relation entre les hommes et les femmes, libre de toute pression financière et sociale. Ce n’est que sous le socialisme que la femme sera libérée de l’homme, et tous deux libérés du Capital.