De très nombreux syndicalistes et militants se sont battus, pendant des décennies, pour la mise en place d’un service de santé public et universel. Nombre d’entre eux se sont fortement impliqués dans la campagne présidentielle en vue d’envoyer Barrack Obama à la Maison Blanche. Aujourd’hui, ils se sentent frustrés et trahis.
Le projet du Sénat, comme celui de la Chambre des Représentants, ne fait qu’augmenter le pouvoir déjà colossal des grandes compagnies d’assurance privées. Ces entreprises, qui ne s’intéressent qu’au profit, ont largement financé à la fois la campagne d’Obama et celle du républicain McCain. Ce sont elles, aussi, qui sont derrière le lobby réactionnaire et hystérique connu sous le nom de Tea Party Movement, et qui caractérise tout engagement de l’Etat dans le domaine de la santé comme la manifestation d’une politique « communiste ». Ainsi, avec l’appui des puissantes entreprises de l’industrie audiovisuelle, les assurances privées jouent sur tous les tableaux, et s’apprêtent aujourd’hui à en récolter les bénéfices.
Pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, le projet des sénateurs démocrates obligera chaque individu à souscrire à une assurance payante, avec de fortes amendes à la clé en cas de non-paiement. Pour les Américains aux revenus les plus faibles, le projet prévoit que l’Etat payera à leur place : c’est là le seul élément de ce projet qui aura des conséquences positives, pour certains travailleurs. Mais il s’agit en même temps d’une véritable aubaine pour les assurances privées. Par ailleurs, le projet reprend à son compte des éléments de l’amendement « Stupak », qui interdit l’utilisation de fonds publics pour financer les avortements. Enfin, le projet inclut l’introduction d’une taxe sur ce que les sénateurs appellent des assurances « Cadillac », qui sont les assurances – généralement de bonne qualité – qui concernent certaines catégories de travailleurs et qui ont été obtenues au prix de luttes et de mobilisations syndicales importantes. Les taxes qui frapperont ces travailleurs « privilégiés » contribueront aux fonds gouvernementaux qui seront versés dans les coffres des assurances privées pour « financer » la réforme. Dans le domaine de la santé comme dans tous les autres domaines, l’alliance entre les capitalistes et le gouvernement est flagrante.
La version définitive du projet sera sans doute un compromis entre celle du Sénat et celle de la Chambre des Représentants. Quoi qu’il en soit, entre l’obligation légale de souscrire à une assurance privée et les 800 milliards de dollars que l’Etat versera aux capitalistes de ce secteur pour compenser les contrats « à risque » – c’est-à-dire des pauvres –, les dispositions du projet signifieront une augmentation massive des profits de ces marchands de santé. Ce sont les mêmes compagnies qui, depuis des décennies, se sont enrichies sur le dos de la population, sans parler des dizaines de milliers de personnes qui, n’ayant pas les moyens de payer, ont été condamnées à mort. Et même le fait d’avoir souscrit une assurance n’est pas une garantie de couverture. Chaque jour, aux Etats-Unis, 60 personnes meurent en conséquence d’un refus de couverture, de la part des assureurs. Bien des familles n’ont pu sauver la vie d’un des leurs qu’en plongeant dans le surendettement et la misère.
Le projet exclut d’office 20 millions de personnes, principalement les travailleurs sans-papiers. Pour les autres, le fait d’avoir souscrit à une assurance ne signifie pas que l’on puisse toujours se faire soigner correctement, comme le savent tous les Américains. Cela ne signifie pas non plus la gratuité. Même avec une assurance, le coût des soins est exorbitant, et restera donc hors de portée d’une partie importante de la population américaine.
A noter, enfin, que ce projet de réforme va de pair avec la privatisation progressive des assurances publiques que sont Medicare et Medicaid. Cette année, Medicare a subi une réduction budgétaire de 400 milliards de dollars.