La Riposte socialiste a souligné en grand le centenaire de la révolution russe, le 7 novembre dernier. Pour les marxistes, la révolution russe représente l’événement le plus important de l’histoire de l’humanité. En effet, exception faite de l’épisode bref mais héroïque de la Commune de Paris de 1871, pour la première fois dans l’histoire, la classe ouvrière réussissait à prendre le pouvoir, à le garder, et à commencer les tâches de la construction socialiste de la société. Afin de célébrer cet anniversaire, La Riposte socialiste a organisé des événements à Toronto, Montréal et Edmonton, où plus de 250 personnes se sont présentées au total. Cela démontre sans l’ombre d’un doute que 100 ans plus tard, la révolution d’Octobre demeure une source d’inspiration pour ceux et celles qui cherchent à lutter contre le capitalisme!
Célébrations du centenaire à Montréal
Plus de 110 personnes ont participé aux célébrations du centenaire de la révolution d’Octobre organisées par la Tendance marxiste internationale à Montréal. Près de 60 personnes étaient présentes à notre discussion en anglais, et environ 50 personnes se sont déplacées pour la discussion en français.
Joel Bergman, de la rédaction de Fightback, a introduit la discussion en anglais, tandis que Julien Arseneau, de la rédaction de La Riposte socialiste, a donné la présentation en français. Tous deux ont commencé en posant la question de savoir pourquoi il y a, encore aujourd’hui, tant de mensonges et de calomnies à propos de la révolution d’Octobre. L’objectif est de convaincre les gens qui voient leurs conditions de vie se détériorer sous le capitalisme qu’il n’y a pas d’autre système possible, et de leur faire accepter les conditions actuelles plutôt que de les voir s’organiser pour riposter.
Bergman et Arseneau ont expliqué le contexte historique de la révolution. Le régime tsariste était l’un des plus brutaux de toute l’Europe, et écrasait tout mouvement de la classe ouvrière, qui avait rapidement augmenté en taille et en poids social. Nous l’avions vu lors de la révolution de 1905, avec des grèves de masses de la classe ouvrière à travers tout l’Empire russe. Bien que cette révolution fut noyée dans le sang par le tsar Nicholas II, aucune répression ne pouvait tenir les travailleurs en échec éternellement.
En pleine guerre mondiale, alors que les travailleurs des différents pays s’entretuaient sur le front, les travailleuses et les travailleurs de Russie se soulevèrent en février 1917, ce qui mena au renversement du tsar. Cependant, bien que le régime tsariste eut été renversé, les travailleurs, menés par les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, laissèrent le pouvoir leur échapper des mains au profit de la bourgeoisie libérale. Cela témoigne de l’importance vitale des idées dans la lutte puisque les idées de ces deux partis, soit de soutenir le gouvernement provisoire bourgeois, avaient complètement désarmé les travailleurs, tandis que seuls les idées et le programme des bolcheviks pouvaient mener les travailleurs à la victoire. Les bolcheviks, une petite minorité dans les soviets apparus à l’époque, ont travaillé patiemment pour exposer les erreurs des autres partis et promouvoir l’idée d’un gouvernement des travailleurs, paysans et soldats. Cette méthode rapporta ses fruits plus tard cette année-là, alors que les travailleurs, paysans et soldats ont majoritairement donné leur appui aux bolcheviks, qui les menèrent à la prise du pouvoir.
Les gains de la révolution d’Octobre furent immédiatement visibles. Des décrets sur la paix, la réforme agraire, le droit des nations opprimées à l’autodétermination et l’égalité complète des femmes et des groupes opprimés devant la loi furent promulgués – plusieurs choses qu’on ne trouve pas même dans certains pays « démocratiques » aujourd’hui!
Les deux présentations se sont terminées sur un appel aux participants à rejoindre la lutte pour construire une organisation révolutionnaire en suivant le modèle du parti bolchevique, et de lutter pour la révolution socialiste ici et maintenant.
L’enthousiasme palpable lors de ces deux conférences se transporta au bar Brutopia où nous avons tenu un party de la révolution russe, avec plus de 70 personnes présentes. Des discussions informelles autour d’un verre se sont déroulées jusque tard dans la soirée. Le nombre impressionnant de participants pour ces activités nous montre que de plus en plus de personnes souhaitent tirer les leçons des événements du passé, afin de préparer la lutte qui vient.
École d’un jour à Toronto
À Toronto, Fightback a organisé une École d’un jour à l’Université de Toronto portant sur les leçons de la révolution russe. Environ 80 personnes ont assisté aux discussions durant la journée et plus de 120 personnes sont venues pour notre plénière en soirée, démontrant clairement qu’il existe une grande soif d’idées révolutionnaires!
La journée débuta avec une discussion introduite par Alex Grant, rédacteur du journal Fightback, qui s’attaqua aux mensonges et aux calomnies à propos de la révolution russe. Comme il l’a expliqué dans sa présentation, aucun autre événement de l’histoire n’a été le sujet d’autant de mensonges que la révolution menée par le parti bolchevique.
Alex prit donc le temps de déboulonner les mensonges les plus communs à propos de la révolution. L’un d’entre eux est cette idée que la révolution d’Octobre était un coup d’État violent mené par une bande de bolcheviks fanatiques. Ce mythe ne tient tout simplement pas la route. Bien que de petits groupes de fanatiques soient capables de prendre le pouvoir politique, ce qui est arrivé plusieurs fois dans l’histoire, il serait impossible pour un tel groupe d’introduire une transformation économique, et sociale et politique complète sans l’appui d’une majorité de la population. Alex expliqua le rôle joué par les masses et les soviets lors de la révolution, et parla de l’appui de la population donné aux bolcheviks, ce que nous avons pu voir à travers la progression des bolcheviks aux élections dans les soviets au cours de l’année 1917.
Alex s’attaqua ensuite à d’autres mensonges, comme l’idée que la Russie serait devenue une démocratie libérale si les bolcheviks et Lénine n’avaient pas été là, le mythe entourant l’assassinat des Romanov, l’idée fausse selon laquelle le bolchevisme mène inévitablement au stalinisme, ou encore le mythe scandaleux selon lequel « le communisme a tué 100 millions de personnes ».
Cette discussion fut suivie par le lancement d’un nouveau documentaire sur la vie de Léon Trotsky, l’un des principaux leaders de la révolution d’Octobre. Le film passe en revue la vie de Trotsky, de sa jeunesse à son rôle dirigeant dans le Soviet de Petrograd lors de la révolution de 1905, en passant par son rôle unique dans la guerre civile russe, jusqu’à son exil et son éventuel assassinat aux mains d’un agent de Joseph Staline. Le film met en vedette Esteban Volkov, le petit-fils de Trotsky, qui parle en long et en large de la vie de son grand-père et de sa mort tragique à Coyoacan, au Mexique.
Puis, en après-midi, nous avons tenu une discussion sur les leçons de la révolution russe introduite par Farshad Azadian, militant et organisateur pour Fightback. Il commença en abordant le contexte de la révolution, soit la Première Guerre mondiale et la crise dans le mouvement ouvrier.
Il expliqua ensuite les principales étapes de la révolution, partant des grèves massives entamées par les travailleuses du textile lors de la Journée internationale des femmes en février 1917 qui menèrent à la formation de soviets, touchant ensuite aux Journées de Juillet, à l’affaire Kornilov et enfin à la prise du pouvoir par les soviets en octobre. À chaque étape, le rôle, la créativité et l’énergie révolutionnaire des masses étaient le facteur déterminant de la révolution. La création des soviets, ou conseils ouvriers, soit des organes populaires de démocratie révolutionnaire, en était la plus importante démonstration.
Azadian expliqua l’importance des idées et de la théorie révolutionnaires. Il contrasta le rôle joué par les organisations réformistes qui appuyaient la bourgeoisie et éventuellement la contre-révolution, avec le rôle des bolcheviks, qui avaient pris sur eux « d’expliquer patiemment » leur programme révolutionnaire à la population, un programme parfaitement résumé dans leurs slogans « Tout le pouvoir aux soviets! » et « La paix, le pain, la terre! ». Avec leur travail constant et patient, les bolcheviks ont été en mesure de convaincre et de gagner à eux la majorité de la population. La discussion qui a suivi la présentation a permis de réitérer l’importance d’un parti révolutionnaire fort, ainsi que l’impact international de la révolution russe.
Après cette séance, les participants ont eu droit au lancement du livre Russia: From Revolution to Counter-Revolution, écrit par Ted Grant et réédité cette année par la Tendance marxiste internationale. Ted Grant était un théoricien de renom au sein du mouvement marxiste international. Il a été actif au sein du mouvement trotskyste des années 1930 jusqu’à sa mort en 2006. La présentation du livre fut donnée par Rob Lyon, rédacteur pour Fightback et militant de l’organisation.
Le livre, publié une première fois en 1997, détaille l’histoire de la Russie à partir de la révolution d’Octobre jusqu’à la chute de l’Union soviétique. Cette nouvelle édition contient une postface écrite par Alan Woods, militant et théoricien de la Tendance marxiste internationale, qui couvre la période allant de la chute de l’Union soviétique jusqu’à nos jours.
La dernière séance de cette journée à Toronto fut une plénière tenue en soirée, mettant en vedette quatre présentateurs du mouvement ouvrier et socialiste : Alex Grant, John Clarke, de la Ontario Coalition Against Poverty (OCAP), Mike Palecek, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) et Marissa Olanick, militante de La Riposte socialiste étudiante / Socialist Fightback Students (RSÉ). Plus de 120 personnes ont assisté à la plénière.
C’est Alex Grant qui ouvrit la discussion en réitérant la signification historique de la révolution russe. Il expliqua comment elle est entrée dans la mémoire de ses amis comme de ses ennemis comme étant la première fois de l’histoire où les travailleurs et les paysans se soulevèrent et prouvèrent qu’ils pouvaient diriger la société. Il mentionna l’importance de de lire les ouvrages de Lénine et Trotsky et de tirer les leçons de cet événement afin de pouvoir les appliquer aujourd’hui.
Grant a expliqué que deux idées fondamentales avaient permis la victoire de la révolution. La première était l’idée de la révolution permanente avancée par Léon Trotsky. Cette théorie explique que dans un pays semi-féodal, comme la Russie d’avant 1917, les tâches de la révolution démocratique bourgeoise, qui auraient été réalisées par la bourgeoisie par le passé, tombent sur les épaules de la classe ouvrière. La classe ouvrière, cependant, ne s’arrête pas aux tâches démocratiques-bourgeoises, mais passe inévitablement aux tâches socialistes. Le slogan « Tout le pouvoir aux soviets! » était l’application concrète de cette idée.
La deuxième idée était celle de la nécessité d’un parti révolutionnaire, avancée par Lénine. Les idées révolutionnaires auront beau être les meilleures au monde, sans un véhicule pour transmettre ces idées aux masses, aucune révolution ne pourra réussir. La défaite des révolutions arabes de 2011, où cette direction révolutionnaire était absente, en est une autre preuve. Grant a conclu avec un autre appel à rejoindre la Tendance marxiste internationale, qui tente de construire cette direction révolutionnaire comme les bolcheviks l’ont fait avant 1917.
John Clarke de l’OCAP fut le deuxième à prendre la parole. Clarke a parlé du fait que la révolution russe était vue par les bolcheviks non comme une fin en soi, mais comme le point de départ de la révolution socialiste mondiale. Il a aussi souligné le fait que cette révolution demeure l’exemple type des masses qui se soulèvent pour réaliser leur émancipation.
Clarke expliqua également que la colère qui existe dans la société aujourd’hui, résultat
de l’austérité, de la guerre et de la pauvreté, rend les conditions pour la révolution aussi favorables aujourd’hui qu’elles l’étaient en 1917. Il mit en garde contre le pessimisme et fit remarquer que la révolution russe elle-même était décrite comme la « révolution impossible ». Si quelqu’un doit être pessimiste aujourd’hui, c’est la classe dirigeante, et non les travailleurs, a-t-il dit.
Puis, ce fut au tour de Mike Palecek du STTP. Palecek expliqua que l’une des principales caractéristiques de la période précédant la révolution russe était la trahison totale des leaders du mouvement ouvrier tout autour du globe. Avant 1914, presque tous les dirigeants socialistes et du mouvement ouvrier en général avaient juré qu’il y aurait des grèves générales révolutionnaires pour empêcher le déclenchement de la guerre. Cela ne s’est pas produit.
Palecek a également parlé du fait que la Russie, après la révolution d’Octobre, passa d’un pays arriéré et semi-féodal à une superpuissance mondiale. La chute de l’Union soviétique, ayant entraîné une crise économique et sociale sans précédent dans le pays, a également prouvé la supériorité de l’économie planifiée sur l’économie de marché. Il a terminé en disant que la révolution russe représente la répétition générale de la révolution mondiale qui vient.
La dernière panéliste à prendre la parole fut Marissa Olanick, de la RSÉ. Olanick a parlé du rôle de la question nationale dans la révolution russe. Avant 1917, la Russie était ce que Lénine appelait une « prison des nations ». Si les bolcheviks n’avaient pas réussi à gagner l’appui des minorités nationales russes, la révolution d’Octobre n’aurait jamais été possible.
Olanick a également abordé les horreurs vécues par les minorités nationales sous la Russie tsariste, notamment les pogromes, l’absence de libertés civiques et l’absence de justice. Pour cette raison, Lénine était en faveur du droit des nations à l’autodétermination. Olanick a expliqué comment ce droit conserve toute son importance aujourd’hui, comme nous pouvons le voir avec la lutte des Kurdes et des Catalans pour l’indépendance nationale.
Après la discussion, les panélistes ont chacun eu droit à leur mot de la fin. Alex Grant fut le dernier à s’adresser à l’auditoire. Grant souligna qu’il y a de cela 10 ans, Fightback était le plus petit groupe de gauche à Toronto. Au cours des deux dernières années, notre organisation a doublé ses forces, faisant de Fightback/La Riposte socialiste la plus grosse organisation de la gauche torontoise (et canadienne). Nous avons d’ailleurs maintenant une base à Edmonton, où nous avons également organisé un événement intitulé « Cent ans après Octobre : avons-nous besoin d’une révolution? » qui a attiré plus d’une douzaine de personnes à l’Université de l’Alberta.
Grant a expliqué que les succès récents de Fightback/La Riposte socialiste ont été obtenus grâce à l’application des méthodes du parti bolchevique. Cela signifie mettre l’accent sur la nécessité d’une direction révolutionnaire, tout en ayant une flexibilité dans les tactiques. Il a terminé en disant que, qu’on le veuille ou non, la révolution est à l’ordre du jour. En tant qu’individu, nous ne pouvons rien faire. Cependant, en s’organisant et en tirant les leçons du passé, nous pouvons changer le cours de l’histoire.
La classe ouvrière de Russie a tenté d’ouvrir la voie à une révolution mondiale il y a de cela 100 ans. Il est maintenant temps de finir le travail. Les événements que nous avons tenus le 7 novembre dernier témoignent de l’intérêt grandissant pour les idées marxistes au Canada. La Tendance marxiste internationale grossit rapidement, et nous avons besoin de votre aide pour finir ce que les bolcheviks ont commencé il y a 100 ans!