Un millier de membres de la section locale 113 du Syndicat uni du transport (SUT) se sont rassemblés le 19 mars dernier pour la première assemblée générale des membres depuis la crise de désaffiliation qui a éclaté il y a un mois et demi. Ayant vu leur voix systématiquement étouffée par la bureaucratie syndicale jusqu’à maintenant, les travailleur-euses de la base de la section locale 113 ont démontré leur colère en grand nombre et ont blâmé sans équivoque la direction élue. Ceci représente une transformation fondamentale dans la situation au sein du syndicat qui aura certainement des effets dans les mois et les années à venir.

Deux jours avant la rencontre, un tournant intéressant s’est produit alors que l’exécutif de la section locale a soudainement annoncé devant les médias la démission de son président Bob Kinnear. Ayant été l’instigateur de toute cette crise, la démission de Kinnear a pu laisser croire certains que l’affaire était résolue. Mais, dans les faits, c’était plutôt le contraire! Bien que l’échec de la tentative de désaffiliation de Kinnear représente une victoire pour les travailleur-euses, la manière dont cela a été réalisé a provoqué leur colère. Essentiellement, c’est aux membres, à travers les structures de sa démocratie syndicale, que revient la tâche de vaincre le syndicalisme d’affaires de droite, tel que représenté dans la tentative de désaffiliation. Mais cette tâche a été niée par la direction du SUT international, soit la centrale syndicale, qui est intervenue en mettant la section locale sous tutelle, à peine une journée après que le complot de Kinnear eut éclaté au grand jour début février. Cela a eu comme effet la suspension des fonctions de la démocratie de notre section locale, et toute l’affaire a été réglée de manière bureaucratique, sans la participation des membres.

Un important tournant dans la situation est survenu à la fin février alors que fut divulgué un enregistrement d’une conversation téléphonique entre deux membres de l’exécutif. Dans cette conversation, Tony Barbosa (ayant démissionné depuis) explique de manière crue à John DiNino le plan de Kinnear pour entamer un processus de désaffiliation et livrer la section locale à Unifor, le géant syndicat canadien du secteur privé – un plan qui avait apparemment été tramé des mois avant la mise en tutelle de la section locale. Les aspects les plus scandaleux de cette conversation furent (a) la manière générale de présenter les membres de la section locale comme du bétail à être déplacé d’un syndicat à un autre et (b) la suggestion explicite qui fut faite, en nommant des noms dans plusieurs cas, à l’effet qu’une majorité de l’exécutif aurait secrètement été convaincue du plan de Kinnear, possiblement contre la promesse de postes lucratifs offerts en échange. Toutefois, lorsque la mise sous tutelle fut clairement officialisée le 3 février, le peu de soutien dont ait pu profiter Kinnear s’est évaporé, alors que 14 des 17 membres de l’exécutif se sont publiquement opposés à lui. Cet apparent changement d’avis de plusieurs membres de l’exécutif laisse penser qu’ultimement, ceux-ci étaient d’abord préoccupés par la sauvegarde de leurs emplois plutôt que d’adopter une position ferme d’un côté comme de l’autre. Pas un seul membre de l’exécutif n’a pris la seule position correcte de défendre des intérêts de la démocratie ouvrière à la fois contre la désaffiliation et contre la tutelle.

Tout ceci a servi à durcir l’opinion des membres du syndicat. Les travailleur-euses, les uns après les autres, sont venus au micro demander une motion de censure et exiger la démission de l’exécutif en entier. Ces demandes furent accueillies tout au long de la rencontre par des applaudissements retentissants de la part du millier de membres qui s’étaient rassemblés, et contrastaient avec le silence complet de l’exécutif au-devant de la salle. Les membres voulaient de nouvelles élections au cours desquelles de nouveaux candidats pourraient se présenter, dans l’optique de donner au syndicat une nouvelle direction qui ne soit pas teintée par le passé. Il est important de souligner ici qu’il s’agit d’un moment historique pour notre syndicat. Par le passé, aussi peu que cinquante, parfois cent personnes prenaient part aux habituelles rencontres des membres, sur un total de 11 000 membres de la section locale, et la participation des membres demeurait très minimale. C’était là le résultat d’un manque systématique d’efforts de la part de la direction, au fil des années, à mobiliser les membres et à encourager la formation d’une saine culture de militantisme des membres dans leur syndicat. Toutefois, comme les événements nous le montrent, la situation s’est soudainement transformée et les membres ont agi et se sont exprimés avec force.

Cependant, il reste plusieurs barrières à surmonter. Malgré l’énorme manque de confiance qui fut exprimé lors de la rencontre du 19 mars envers la direction, l’exécutif en place refuse de démissionner et semble déterminé à demeurer en poste jusqu’à la fin de son mandat. L’exécutif a laissé les membres évacuer librement leur colère et leur frustration lors de la rencontre, présidant celle-ci de manière souple et acceptant de suspendre le cours normal des choses durant un peu plus de trois heures. Selon toute vraisemblance, la direction espère que cela n’aura été qu’un moment de défoulement pour les membres, après lequel on retournerait au statu quo. Cela fut clairement démontré par le fait que, à l’amorce de la quatrième heure de la rencontre, l’assistance avait significativement diminué et qu’il ne restait que quelques centaines de membres. Le niveau d’énergie avait également significativement baissé, permettant ainsi au cours normal des choses de reprendre. Il s’agit là d’une illustration du fait général que les travailleur-euses sont des gens pragmatiques n’ayant pas de temps à perdre, d’autant plus qu’il était clair que dans ce contexte, l’exécutif n’allait pas obéir à la volonté de la majorité et que la situation n’allait pas être résolue. Dès lors, les membres ont fait leur déclaration et ont quitté la rencontre, pour reprendre la lutte un autre jour.

En regard de toute cette affaire, une question évidente se pose : quelle est la prochaine étape? L’exécutif se protège actuellement par le fait que le droit démocratique de révoquer les représentants élus n’existe ni dans les statuts de notre section locale ni dans la Constitution générale du SUT. Un officier peut évidemment démissionner volontairement ou, dans des cas extrêmes des accusations de déloyauté, malfaisance ou corruption peuvent être déposées contre un dirigeant. Par contre, le droit élémentaire de révoquer un dirigeant qui ne répond pas aux attentes n’est pas prévu par les règlements. Il faut que ça change! Ces documents ne sont pas écrits pour demeurer inchangés pour l’éternité.

Les membres ont le droit démocratique de changer les statuts de notre section locale avec un vote à majorité des deux tiers. Dans le contexte de la présente crise où s’exprime un désir des membres pour le changement, amender les statuts est la prochaine étape logique pour faire avancer la lutte actuelle. Les statuts devraient être amendés pour y inclure le droit de révocation. Les membres doivent être en mesure de remplacer un membre de l’exécutif en qui ils n’ont plus confiance.

Les membres de la section locale doivent s’organiser pour mettre de l’avant une perspective démocratique militante afin de construire un syndicat sain basé sur un contrôle démocratique par les travailleur-euses. Dans l’ensemble, le fait que les voix des membres aient finalement été entendues comme ce fut le cas le 19 mars constitue un énorme pas en avant. Maintenant, il est temps de passer de la parole aux actes.

Pour un droit démocratique de révocation! L’exécutif doit rendre des comptes pour son incapacité à défendre la démocratie ouvrière!

Pour l’élection d’un nouvel exécutif qui soit basé sur une lutte des classes militante! Transformons le syndicat de haut en bas!

Il est maintenant temps pour les membres de la base de s’organiser!