De nombreux travailleurs américains sont profondément frustrés par le statu quo. Ils sont amers envers les politiciens. Les emplois traditionnels disparaissent, les usines ferment et les salaires réels sont en forte baisse. Nombreux sont ceux qui vivent d’un chèque de paie à l’autre.

Le rêve américain a tourné au vinaigre. Et la déception s’est transformée en colère et en rage. Trump a su exploiter cet état d’esprit.

En réponse aux pertes d’emplois, Trump a été le premier à réclamer des tarifs douaniers contre les concurrents des États-Unis, notamment la Chine. 

Trump a également pris ses distances avec les démocrates en matière de politique étrangère. Il est plus isolationniste : il s’oppose à l’octroi d’aide américaine supplémentaire à l’Ukraine, critique l’OTAN et s’oppose à la participation de l’armée américaine dans des conflits à l’étranger, à moins que cela ne soit absolument nécessaire.

Pour la classe dirigeante américaine, cette rhétorique présente de graves dangers. Toutes les attaques de Trump contre l’establishment, Wall Street et les grandes entreprises ne font qu’enflammer encore plus sa base.

Trump est-il un « fasciste »?

La principale attaque de Biden contre Trump était qu’il représentait une menace pour la démocratie. Mais de tels arguments n’ont plus beaucoup d’effet aujourd’hui.

Beaucoup de gens sont tellement las et en colère qu’ils veulent voir Trump à la Maison-Blanche précisément pour bousculer et menacer le système.

S’attaquer simplement à Trump en le qualifiant de « fasciste » n’ébranlera pas ses appuis. En fait, c’est même contre-productif. Trump n’est pas un fasciste visant à détruire le mouvement syndical américain ou à instaurer une dictature impitoyable.

Certes, Trump possède un noyau de partisans réactionnaires irréductibles, y compris quelques petits groupes fascistes, mais il est avant tout d’un démagogue réactionnaire, qui défend un programme de droite, isolationniste et axé sur l’« Amérique d’abord ». Cependant, il y mêle délibérément des attaques virulentes à l’encontre de Wall Street et de l’establishment à Washington.

C’est cela qui résonne avec la base ouvrière de Trump, qui est très différente des petites bandes fascistes qui le soutiennent également.

Pour eux, Trump est quelqu’un de courageux, prêt à s’opposer à la vieille garde, à l’élite privilégiée et aux menteurs dans les médias.

Les commentateurs libéraux sont incapables de comprendre comment un tel réactionnaire, misogyne et raciste peut jouir d’autant d’appuis.

C’est précisément l’échec des libéraux et du libéralisme qui a préparé la montée de Trump. Les libéraux sont indissociables du capitalisme et de l’élite de Wall Street. Ils ont laissé le niveau de vie se dégrader, tandis que les riches se sont enrichis toujours plus.

Leçons pour la gauche

La question mérite d’être posée : la gauche a-t-elle quelque chose à apprendre de Trump?

Cette question peut en déranger beaucoup qui le considèrent comme l’antéchrist. Mais il ne sert à rien de fermer les yeux sur ce qui se passe.

Trump possède des qualités qui attirent ceux qui se sentent délaissés. Il passe pour un dur à cuire, sur qui toutes les attaques passent comme de l’eau sur le dos d’un canard. Il méprise totalement les « conventions » politiques. Il s’adresse sans honte à la classe ouvrière, et se présente comme son combattant acharné.

Les démocrates et les libéraux n’ont pas de réponse à cela.

Aujourd’hui, Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez et les autres démocrates de « gauche » donnent leur appui à Kamala Harris. En conséquence, ils sont vus comme faisant partie de l’establishment.

C’est là que mène la ruineuse politique du « moindre mal ». En fin de compte, cela reflète la faiblesse de leur politique réformiste.

S’il y a une chose que nous pouvons apprendre de Trump, c’est bien celle-ci : bien qu’il soit un réactionnaire pur et dur, il reste ferme et refuse de faire des compromis ou de plier face à ses adversaires.

La gauche gagnerait énormément à adopter une telle détermination. Il faut combattre le feu par le feu. Autrement dit, la gauche doit se faire pousser une colonne vertébrale. Cela nécessite une perspective et un programme révolutionnaires, un ingrédient qui fait tristement défaut aux dirigeants réformistes. 

Ni Trump ni Harris ne pourront résoudre les problèmes de la classe ouvrière. Au contraire, la crise du capitalisme américain et mondial – intensifiée par le nationalisme économique de Trump – se traduira par une augmentation de l’austérité et des attaques. Cela poussera des couches de ses partisans issus de la classe ouvrière à chercher une nouvelle issue révolutionnaire.