Avec le projet de méga-usine de Northvolt sur la Rive-Sud de Montréal, François Legault souhaitait faire du Québec « un leader mondial de l’économie verte ». La multinationale suédoise produisant des cellules de batteries de voitures électriques vient cependant de recevoir une douche froide. En réalité, c’est toute cette industrie qui a du plomb dans l’aile.

Legault déroule le tapis rouge

Legault et Trudeau ont promis 7,3 milliards de dollars pour attirer l’entreprise, le premier ayant déjà prêté 240 millions pour l’achat du terrain. « Northvolt, c’est le projet privé le plus important de l’histoire du Québec », affirmait l’ex-ministre caquiste Pierre Fitzgibbon. Le plan était de créer 3000 emplois, alors que la compagnie en emploie plus de 5000 dans le monde.

Pour le gouvernement québécois, tous les moyens étaient bons pour assurer que le projet aille de l’avant. Non seulement Legault a sorti le chéquier pour leur offrir des milliards en fonds publics, il a permis au projet d’aller de l’avant sans enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) – malgré des études démontrant l’impact négatif des usines de Northvolt sur la santé et l’environnement. 

De même, il a récemment été révélé que dans une rencontre entre Northvolt et un représentant d’Investissement Québec, celui-ci vantait les bas salaires du Québec pour attirer la compagnie. 

Nous avons ici un cas clair du gouvernement qui se fend en quatre pour plaire à des patrons du privé. Tel est le vrai rapport entre l’État et les capitalistes.

La balloune dégonfle

En juin, au moment même où commençait la construction du premier bâtiment de l’usine Northvolt au Québec, BMW a annulé une commande de trois milliards de dollars, en réponse aux retards de production de l’entreprise. Celle-ci a alors annoncé qu’elle réduira ses activités locales et internationales, annulera un projet d’usine en Suède et vendera le site, et supprimera 1600 emplois. Elle retardera son projet au Québec de plus de 18 mois.

En réalité, Northvolt a de graves problèmes financiers. Ses dépenses dépassent largement ses revenus. Elle n’est pas rentable, et ne le sera pas avant 2026, selon son directeur général. Elle a enregistré une perte nette de 1,2 milliard de dollars l’année dernière, quatre fois plus qu’en 2022.

La raison de cette débâcle? La compagnie suédoise a promis trop de projets pour ce qu’elle peut livrer. Sa capacité de production est cinq fois inférieure à ce qu’elle devrait être. La compagnie est encore petite et n’a pas une capacité de production aussi élevée que ses compétiteurs asiatiques. 

Northvolt a tenté de compenser sa faiblesse en faisant beaucoup de promesses, qui lui ont rapporté un énorme afflux de capitaux. Mais elle n’a pas pu tenir ses promesses. L’expansion a été « un peu trop agressive », reconnaissait le cofondateur de l’entreprise. Autrement dit, ils ont eu les yeux plus grands que la panse. Maintenant confrontée à la réalité, Northvolt doit couper drastiquement ses dépenses.

Une industrie qui en arrache

Northvolt n’est pourtant pas la seule entreprise de batterie électrique en mauvaise posture. Le géant sud-coréen SK On a annoncé en juillet un état de « gestion d’urgence » et LG Energy Solution, sud-coréenne aussi, a interrompu ses travaux dans une partie de son usine en Arizona.

Les capitalistes rêvaient de s’enrichir sur la « transition écologique ». Ils envisageaient une croissance considérable de la demande en véhicules électriques, et ont investi 520 milliards de dollars dans la filière batterie depuis 2018.

Mais cette croissance s’essouffle, et elle a stagné cette année. Et pour une raison évidente : une voiture électrique bas de gamme coûte entre 40 000 et 50 000 dollars, ce qui demeure inaccessible pour une grande partie des travailleurs. Et ce dans un contexte où les prix des voitures ont fortement augmenté depuis la pandémie, pendant que le pouvoir d’achat a diminué à cause de l’inflation. 

Pour cette raison, leurs projections de croissance ont été « trop roses », « trop optimistes », rapportait The Economist

Tout cela vient leur éclater au visage. « L’industrie est confrontée à une récession sans jamais avoir vraiment connu de boom », affirme le magazine britannique. D’abord chez les manufacturiers de véhicules électriques : Volkswagen envisage de fermer des usines, Volvo et Mercedes-Benz repoussent leurs objectifs de ne vendre que des voitures électriques; puis chez les producteurs de batteries qui vendent aux premiers.

Une agonie systémique 

Le cas de la filière batterie en général et le fiasco Northvolt en particulier représentent un parfait exemple du parasitisme des capitalistes. Northvolt s’est fait promettre 7,3 milliards de fonds publics canadiens. L’administration Biden-Harris, quant à elle, investira trois milliards dans son industrie des batteries électriques. Le gouvernement ontarien payera le tiers des incitatifs à la production de Volkswagen et Stellantis, et donnera 500 millions de dollars à celle-ci pour construire son usine. Mais même avec toutes ces subventions étatiques, l’industrie agonise.

La dépendance des entreprises envers l’État n’est cependant pas limitée à cette industrie. 32% des entreprises canadiennes peuvent être considérées comme des entreprises zombies, qui dépendent de l’État pour survivre. Une étude montre même que dans 14 économies avancées, ces zombies représentaient en moyenne 2% des entreprises en 1980 pour s’élever à 12% en 2016.

Ces données expriment une tendance générale du capitalisme : plus le système s’enlise dans la crise, plus les capitalistes sont frileux à investir dans la production, même quand ils reçoivent des milliards des États. Cette tendance est symptomatique d’un système en déclin.

Et pour ce qui est de la transition écologique, manifestement les entreprises privées et les gouvernements capitalistes sont incapables de la réaliser. La classe dirigeante qui détruit l’environnement cherche à profiter de la transition écologique, ce qui mène à une impasse. Ce n’est qu’en mettant en commun toutes les ressources de la société que l’on pourra empêcher la catastrophe climatique.