Article publié le 21 juillet sur In Defence of Marxism.
Un massacre a eu lieu lundi 20 juillet, à Suruç, district du sud de la Turquie : une énorme explosion en plein milieu d’un rassemblement de la Fédération des Associations des Jeunes Socialistes (SGDF), réunis au Centre Culturel d’Amara. Au moins 300 jeunes militants auraient été présents au moment de la déflagration, et les premiers bilans font état d’au moins 30 morts et d’une centaine de blessés. Ces chiffres pourraient être revus à la hausse dans les jours qui viennent.
Suruç est une ville et un district du sud de la Turquie, à quelques kilomètres à peine de la ville frontalière de Kobané, au nord de la Syrie. Elle est gouvernée par le parti de gauche HDP qui a toujours soutenu le combat des Kurdes en Syrie et s’est opposé au soutien des groupes islamistes par la Turquie.
Cette petite ville, peuplée majoritairement de Kurdes, a joué un rôle important en soutenant les civils et combattants de kobané dans leur combat contre l’El (Etat islamique). Des jeunes d’origines turques et kurdes s’étaient réunis pour organiser un voyage à Kobané afin d’aider à la reconstruction de la ville lorsqu’ils ont été la cible de ce qui semblerait être un attentat suicide attribué à l’El. Il n’est pas très difficile d’imaginer pourquoi l’El, une organisation affiliée ou l’un de ses sympathisants aurait voulu prendre sa revanche et terroriser cette paisible ville et sa courageuse jeunesse : ces six derniers mois, les forces kurdes du nord de la Syrie ont remporté d’importantes victoires contre l’El, leur reprenant des villes importantes et des zones frontalières stratégiques, et protégeant ainsi Racca, qui devient de fait la capitale.
Les dirigeants turcs ont officiellement condamné l’attaque et promis de combattre le terrorisme. Ils ont déclaré que l’El prenait sa revanche sur le gouvernement Turque pour avoir intensifié sa lutte anti-El ces dernières semaines. Cette affirmation semble cependant totalement inepte, au regard de la profonde opposition du gouvernement turc lui-même aux victoires des Kurdes contre l’El en Syrie. Durant ces deux dernières années, ce gouvernement a laissé ouvertes les voies de ravitaillement de l’El tout en bloquant les renforts de combattant kurdes tentant de rejoindre la Syrie. Il s’est particulièrement opposé au Parti de l’Union Démocratique (PYD) qui, avec sa branche armée — les Unités de Protection du Peuple (YPG) —, a mis en place des structures hautement démocratiques et construit une milice populaire dans le nord de la Syrie. Après que ces combattants aient arraché l’importante ville frontalière de Tall Abyad des mains de l’El, le gouvernement Erdogan a immédiatement commencé les préparatifs d’une incursion en Syrie visant à créer une « zone tampon ». En réalité, il s’agissait d’attaquer le mouvement kurde en Syrie, de peur que ce dernier ne renforce les Kurdes de Turquie. Dans la semaine qui suivit la bataille de Tall Abyad, l’El organisa une attaque extrêmement meurtrière sur la ville de Kobané. Cependant, cette attaque était en partie orchestrée depuis l’intérieur de la Turquie, dévoilant une nouvelle fois le rôle du gouvernement Erdogan, qui a toujours été de soutenir ouvertement les groupes djihadistes et extrémistes en général, tout en tolérant et même soutenant – secrètement – l’El en particulier.
Le coprésident de l’HDP, Selahattin Demirtaş, a déclaré que l’attentat de Suruç n’avait pas pu être organisé sans le soutien de l’Etat turc. Il a également déclaré que le gouvernement de transition était directement responsable de cette attaque, et que l’AKP devait clarifier sa position – pour ou contre l’El. Il a également signalé que les activités de renseignement étaient très importantes à Suruç et que l’Etat contrôlait l’identité de toute personne en entrant ou en sortant. En particulier, le convoi qui a été attaqué n’avait récemment pas été autorisé à entrer dans Suruç. Il a ajouté qu’à la lumière de l’extension de la surveillance d’Etat dans cette ville, nul ne pouvait arguer qu’une personne seule aurait pu s’y infiltrer et orchestrer cette attaque suicide sans soutien au sein de l’Etat.
Quoiqu’il en soit des circonstances exactes, il est évident que l’attaque d’hier est une conséquence directe des aspirations impérialistes d’Erdogan. C’est également un crime à mettre au compte tout autant des monarchies arabes que des misérables dirigeants de l’impérialisme occidental, tous ayant été des soutiens du fondamentalisme islamique et de la réaction, d’une manière ou d’une autre.
Nous voudrions exprimer nos plus sincères condoléances aux familles, amis et camarades des victimes tombées lors de ce misérable acte de barbarie. Nous voudrions aussi exprimer notre plus sincère soutien aux jeunesses socialistes qui affrontent cette tragédie. C’est seulement grâce au plus sérieux et au plus déterminé des combats que la jeunesse socialiste de Turquie, et du monde, pourra empêcher de telles tragédies de se reproduire. La seule voie réaliste qui s’ouvre à nous est de renverser le régime pourrissant et réactionnaire d’Erdogan qui a constamment violé et attaqué les droits des travailleurs et de la jeunesse et qui, avec l’impérialisme US, a transformé le Moyen-Orient en une boucherie sans nom. Mais le régime Erdogan, tout comme l’impérialisme mondial, n’est que le produit de la chair flétrie du système capitaliste mondial. Il n’a jamais été plus urgent de travailler de concert au renversement du capitalisme en Turquie, au Moyen Orient et dans le monde entier.
A bas le fondamentalisme islamique !
A bas le régime Erdogan !
A bas l’impérialisme !
Mettons fin au capitalisme, pour une fédération socialiste du Moyen-Orient et au-delà !