Le Québec est la seule province au Canada où les travailleurs n’ont pas de parti politique représentant leurs intérêts. Pendant des décennies, la lutte contre l’oppression nationale a été dominée par les bourgeois du Parti québécois (PQ). Depuis les années 70, le PQ a réussi a influencer les principales bureaucraties syndicales afin d’étouffer les tentatives des travailleurs de former leur propre parti politique. Le PQ a été capable de faire cela grâce à l’échec de ces tentatives de la part du mouvement syndical de former un parti des travailleurs. Un tel parti pourrait mener l’énorme lutte industrielle sur le terrain politique et aiderait à conquérir le pouvoir politique pour la classe travailleuse. En ce moment, au Québec, nous avons la chance de nous redresser de cet échec historique, pour former un parti fondé sur les syndicats. Ce dernier est nécessaire pour donner aux travailleurs un vrai véhicule de lutte en vue de contester l’hégémonie politique de la bourgeoisie au cours de cette période de crise et d’austérité.
À la conférence de la fin de semaine du 13 mars, l’exécutif national du PQ a expulsé un club politique au sein du parti connu sous le nom de Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ-Libre). Cette action a envoyé une petite onde de choc à travers le mouvement syndical québécois.
Toutefois, la signification de cet incident est plus grande qu’elle ne semble, puisque la bourgeoisie et son gouvernement préparent leur attaque contre les travailleurs. Face à un déficit record et un endettement massif, le PQ est désormais contraint à l’abandon du prétexte d’être un parti ami des travailleurs afin de prouver aux capitalistes qu’il mettra en place des mesures d’austérité et qu’il ne s’inclinera pas à la volonté des syndicats.
L’origine du conflit
SPQ-Libre est un club comprenant environ 400 membres, composé de dirigeants et de militants syndicaux, formé à l’intérieur du PQ en 2005. Le club a été formé principalement pour bloquer un éventuel soutien syndical envers le nouveau parti de gauche Québec solidaire. En d’autre termes, le PQ voulait interdire la création d’un parti des travailleurs au Québec. À ce moment-là, le PQ espérait maintenir un air amical avec les travailleurs pour gagner la victoire aux prochaines élections contre les libéraux. La situation a désormais complètement changé.
Depuis sa formation, SPQ-Libre a été une voix critique aux politiques du PQ qu’il considérait non-favorables aux travailleurs. Pendant cinq ans, la présence de SPQ-Libre a été tolérée, mais avec un déficit de 4,7 milliards et une dette de 285,6 milliards, tout cela n’est plus possible. Le PQ ne peut même plus maintenir ses liens extrêmement fragiles avec le mouvement syndical. Ses dirigeants sont forcés de renoncer à leur couvert gauchiste afin de prouver que c’est le parti qui pourra et effectuera des attaques brutales contre la classe travailleuse. L’exclusion de SPQ-Libre était aussi directement liée à leur critique face à l’opposition de Pauline Marois, dirigeante du PQ, aux demandes du Front Commun, unissant 475 000 travailleurs du secteur public.
Lors de la conférence dans laquelle SPQ-Libre à été mis à la porte, Marois a dit que les membres de la base du parti étaient fatigués de SPQ-Libre et ont décidé de rompre tous leurs liens avec le club. Ce qu’elle veut dire par là, c’est que la bourgeoisie ne peut plus tolérer que des syndicalistes dans le parti pleurnichent à propos de la lutte du parti en faveur des intérêts de la bourgeoisie dans la lutte des classes.
Ce n’est pas par hasard que la décision d’expulser SPQ-Libre coïncide avec un colloque de fin de semaine dont le thème est de réorienter le Québec vers « l’enrichissement individuel au lieu de l’enrichissement collectif ». Dans ce climat politique, le PQ affiche ses vrais couleurs. Ce colloque est en lien avec le récent appel du Ministre des Finances, Raymond Bachand, pour une « révolution culturelle » et le « pacte universitaire » de Lucien Bouchard, qui propose l’augmentation des frais de scolarité. Toutes ces choses étaient des préparations idéologiques pour les attaques à venir sur la classe travailleuse, qui se sont concrétisées avec le dépôt du budget 2010-2011.
Qu’est-ce que cela signifie pour Québec solidaire?
Après l’expulsion de SPQ-Libre, le nouveau parti de gauche, Québec solidaire (QS) a immédiatement publié une déclaration. Dans la déclaration, QS a exposé la faillite du Parti québécois et a invité les membres du SPQ-Libre à se joindre au parti. Amir Khadir, porte-parole de QS, a lié l’expulsion de SPQ-Libre avec le thème du symposium, ainsi qu’avec sa position vis à vis les négociations du Front Commun. Il a dit, « le symbole est fort : Madame Marois organise un colloque pour célébrer les vertus de l’enrichissement personnel et en profite pour expulser des syndicalistes progressistes qui ne demandaient rien de plus que le PQ reste fidèle à des principes de justice sociale. »
Ensuite, il a continué en disant, « défendre les syndiqués du secteur public, insister pour qu’on reconnaisse le travail du personnel de la santé et qu’on cesse de les appauvrir risquerait de déplaire à notre élite économique. Le PQ manque cruellement du courage politique nécessaire pour tenir tête à ces puissants intérêts ». Pour être plus exact, d’après le point de vue du PQ, – avec son point de vue bourgeois – il a démontré son courage politique en opposant les demandes des 475 000 travailleurs du secteur public et en expulsant SPQ-Libre pour aérer ses rangs. Le PQ essaye de prouver qu’il a tout le courage politique pour s’opposer à la classe travailleuse.
La réponse du chef de SPQ-Libre, Marc Laviolette, à l’invitation de QS n’a pas été positive. Il a rejeté l’idée de se joindre à QS sous prétexte que ce parti est trop petit. Laviolette a dit qu’il faut être dans un parti de masse, où se trouvent toutes les idées, pour avoir plus d’influence.
Cet argument ne tient pas debout. Une phase importante de la lutte de classe se prépare dans la société québécoise. Que le PQ soit un parti de masse ou non n’a pas d’importance, car c’est un parti pour les capitalistes du Québec. Lier les syndicats au PQ serai suicidaire. Le PQ n’a jamais été un authentique parti des travailleurs. Tel que mentionné, cela a eu pour effet de conduire les bureaucraties syndicales dans la mauvaise direction afin d’empêcher la formation d’un vrai parti des travailleurs.
QS a déjà récolté des victoires. L’élection d’Amir Khadir à l’Assemblée Nationale a été une victoire historique. Pourtant, si le parti ne réussi pas a gagner l’affiliation des syndicats, il ne deviendrait jamais une vraie force et serait condamné à sombrer dans l’oubli. La même chose se serait passée avec le minuscule parti socialiste, la Fédération du commonwealth coopératif, si celui-ci ne s’était pas fusionné avec le Congrès du travail du Canada en 1961 pour former le Nouveau Parti démocratique (NPD). Depuis cette époque, le NPD a formé des gouvernements dans une demi douzaine de provinces et, grâce au NPD, les travailleurs ont pu gagner plusieurs gains sociaux, tels que des soins de santé gratuits.
La question de SPQ-Libre est loin d’être résolue. SPQ-Libre se trouve dans une impasse. Leurs dernières déclarations sont contradictoires. Ils ont clairement confirmé leurs intentions de rester actifs au sein du PQ en tant qu’individus. Dans une autre déclaration, SPQ-Libre s’est annoncé ouvert aux groupes qui font appel « aux indépendantistes, aux progressistes et aux syndicalistes, qu’ils soient péquistes, de Québec solidaire ou sans-parti… à joindre nos rangs ».
QS doit continuer à ouvrir ses bras à SPQ-Libre, et aux syndicats qui y sont impliqués et aux mouvement des travailleurs en général. Il y aura sans doute des différences politiques. Cela est inévitable. Tout doit être ouvert à la discussion. Ce n’est que par des discussions approfondies à propos de toutes les différences politiques peut-on atteindre un accord ou non. À date, il est clair que ces deux groupes sont les seules forces politiques 100% en faveur des demandes du Front Commun et s’opposant au nouveau budget des Libéraux. Ceci est plus qu’assez pour entamer de longues discussions sur une éventuelle fusion et vers la création d’un vrai parti des travailleurs au Québec. Ceci n’est pas quelque chose a mettre de côté pour de petites querelles. Il s’agit d’une question urgente. Laisser les travailleurs sans défense à ce moment-ci serait un crime.
Au cours des dernières années, d’importants évènements politiques ont eu lieu au Québec. La formation de QS, l’ascension et la chute de l’Action démocratique du Québec, la formation du Front Commun, la déclaration de la lutte des classes par les capitalistes et, maintenant, l’expulsion du SPQ-Libre du PQ. Ces évènements pointent tous vers la même direction. Les capitalistes s’attaqueront à la classes travailleuses et les travailleurs sont à la recherche d’une alternative. Les syndicalistes et militants honnêtes, qui désirent combattre le budget draconien des Libéraux et qui désirent se battre pour les demandes du Front Commun doivent lutter ensemble. Ils doivent se battre pour un parti politique lié aux syndicats du Québec afin de mener la lutte industrielle sur le terrain politique.
Si SPQ-Libre veut sérieusement défendre les travailleurs des assauts à venir, ils ont clairement besoin de se détacher du PQ. Ils doivent entrer en négociations sérieuses avec Québec solidaire dans le but de former un véritable parti des travailleurs. Pour la première fois dans l’histoire du Québec, les travailleurs pourraient avoir une voix politique pour le mouvement de masse afin de contrer les attaques du gouvernement.