Blaise Compaoré a été poussé à la démission par une explosion révolutionnaire du peuple burkinabé. Après 27 ans de pouvoir, le président déchu du Burkina Faso voulait modifier la Constitution pour briguer un cinquième mandat. Telle fut la cause immédiate du soulèvement des masses, qui, par leur nombre et leur détermination, ont fait très clairement comprendre à Compaoré qu’il devait démissionner sans tarder. Mais il y avait des causes plus profondes à cette magnifique irruption de la jeunesse, des travailleurs et des pauvres : une misère endémique, l’enrichissement d’une minuscule élite sur le dos d’un peuple au dénuement effroyable, la corruption généralisée, la domination du pays par les impérialistes français et américains – sans oublier les grandes traditions révolutionnaires de ce peuple.
Le lieutenant-colonel Isaac Zida, numéro 2 de la garde présidentielle, vient de s’autoproclamer chef de l’Etat. Il a apparemment le soutien du chef d’Etat-major des armées, Nabéré Traore, qui pourtant revendiquait pour lui-même ce titre quelques heures plus tôt… Un autre nom circule, celui du général à la retraite Kouamé Lougué. Ce qui est clair, c’est qu’en l’absence d’une direction révolutionnaire des masses, les forces armées vont assumer le pouvoir et s’efforcer de consolider le régime.
A Ouagadougou, place de la Nation – rebaptisée Place de la Révolution – un correspondant du Monde rapporte le propos très significatif d’un manifestant, après la déclaration d’Isaac Zida : « Tout le monde est déçu, on ne comprend pas, déplore Désiré… C’est le même système qu’ils veulent maintenir et là nous on en a marre, toute la jeunesse en a marre. C’est pas seulement le départ du président qu’on veut, mais aussi de tout son système. »
C’est le cœur de la question. L’armée annonce un rapide « retour à l’ordre constitutionnel », c’est-à-dire au pillage du pays par une classe dirigeante corrompue et soumise aux intérêts des impérialistes français et américains. S’ils prennent le pouvoir, les partis bourgeois d’opposition à Compaoré ne changeront rien à cette situation. Ils se serviront au passage : voilà tout. Ce n’est pas ce que veut le peuple burkinabé. Il ne doit pas laisser le pouvoir lui échapper. Tout le pouvoir au peuple insurgé ! La mobilisation ne doit pas cesser. Des comités d’action doivent être organisés et coordonnés au niveau local, régional et national, pour transférer le pouvoir effectif au peuple révolutionnaire.
L’héritage de Thomas Sankara
Les masses du Burkina Faso ont de grandes traditions révolutionnaires. Le nom de Thomas Sankara est dans tous les esprits. Arrivé au pouvoir en 1983 sur la base d’un coup d’Etat de gauche, ce dirigeant exceptionnel a mis en œuvre le programme le plus radical de toute l’histoire du continent africain.
Le gouvernement de Sankara nationalisa toutes les terres et ressources minérales du pays. Il engagea une profonde réforme agraire qui permit au pays d’accroître rapidement sa production agricole et d’en finir avec sa dépendance alimentaire. Il coupa les liens avec le FMI et la Banque Mondiale, qui écrasaient – et écrasent encore – les pays d’Afrique sous le mécanisme infernal de la dette. Il investit massivement dans l’éducation et la santé publiques. Il améliora le sort des femmes, interdit l’excision et les mariages forcés. Il déclarait : « La révolution et la libération des femmes vont de pair. L’émancipation des femmes n’est pas pour nous une question de charité ou de compassion. C’est une nécessité fondamentale pour le triomphe de la révolution ».
Thomas Sankara fut assassiné en 1987 lors du coup d’Etat qui porta Blaise Compaoré au pouvoir, avec le soutien direct de l’impérialisme français. Au fil des années, Compaoré liquida tous les acquis de la révolution burkinabé, renoua avec le FMI et la Banque Mondiale, privatisa tout ce qui pouvait l’être et devint l’un des « médiateurs » privilégiés des impérialistes dans les affaires de la région.
Le peuple burkinabé n’a pas oublié la révolution de 1983-87. Ses aspirations anti-capitalistes et anti-impérialistes sont toujours vivantes. Le Burkina Faso est l’un de pays les plus pauvres du continent. Depuis la crise mondiale de 2008, la chute du prix du coton et d’autres matières premières a eu un impact sévère sur son économie déjà très fragile. Sur la base du capitalisme et sous la domination des impérialistes, les masses du Burkina sont condamnées au chômage et à la misère. Si elles parviennent à renverser le capitalisme et chasser les impérialistes, elles provoqueront toute une série de révolutions dans le continent africain.
Vive la révolution burkinabé ! Vive le « printemps noir » !
Jérôme Métellus