Une idée reçue veut que fédéralistes et nationalistes soient comme chats et chiens. Mais quand vient le temps d’enlever le droit de grève aux travailleurs, les politiciens et faiseurs d’opinions des deux camps s’entendent comme des vieux chums.
Depuis que la menace d’une grève des débardeurs du Port de Montréal s’est profilée à l’horizon il y a quelques semaines, le jupon pro-patronal de la quasi-totalité de l’univers politico-médiatique s’est mis à sérieusement dépasser. Les journaux ont publié chronique après chronique sur la « nécessité » d’enlever aux débardeurs leur droit de grève. Sans le moindre scrupule, comme on discute de la nécessité de changer un pneu, une horde de journalistes a appelé à brimer un droit fondamental censé être protégé par la constitution. Imaginez le tollé soulevé si c’étaient des droits linguistiques qu’on demandait de piétiner!
Legault, grand nationaliste, champion des Québécois, pourfendeur de burqas, est ensuite allé cogner à la porte du fédéral pour demander à Papa Trudeau de bien vouloir lui donner une loi spéciale. Entre les patrons américains et canadiens de l’Association des employeurs maritimes et les débardeurs québécois, il préfère les premiers. Cela rappelle lorsqu’il s’était rangé derrière les capitalistes (américains) d’Alcoa qui avaient mis en lock-out les métallos (québécois) de l’Aluminerie de Bécancour.
Les libéraux fédéraux de Trudeau aiment se donner un air d’amis des travailleurs (avec l’aide éhontée de certains dirigeants syndicaux). Mais ils n’ont pas hésité une seconde à adopter une loi pour obliger les débardeurs à retourner au travail.
Les fédéralistes tiennent presque la Charte canadienne des droits et libertés pour un texte sacré. Mais chaque fois que le droit de grève qu’elle est supposée protéger vient nuire aux profits de la classe capitaliste, ils font semblant qu’elle n’existe plus. Les débardeurs partagent ici le sort de leurs confrères et consoeurs de classe les postiers, qui eux aussi s’étaient fait imposer une loi de retour au travail par Trudeau.
Sans surprise, les conservateurs ont appuyé la loi, et le NPD s’y est opposé. À son honneur, le Bloc québécois a voté contre, mais cela ne signifie pas grand-chose. Comme ses votes n’allaient rien changer au résultat, il pouvait voter contre par pur opportunisme. Parions que si ses votes avaient été suffisants pour faire pencher la balance, il aurait plié sous la pression des patrons québécois.
Le Parti québécois, un autre grand champion des Québécois, a été complètement silencieux devant cette attaque du fédéral sur des travailleurs québécois. Étrangement, ces nationalistes qui pestent constamment contre le fédéral et demandent le rapatriement des compétences respectent maintenant scrupuleusement le champ de compétence fédéral sur les ports!
Silence radio aussi chez les chroniqueurs nationalistes de Québecor. Ces preux chevaliers en croisade contre le fédéral crient au meurtre au moindre pet de Justin Trudeau, mais ne daignent pas lever le petit doigt lorsqu’il enfonce une loi spéciale dans la gorge des débardeurs. Ces nationaleux n’ont aucun problème à ce que des travailleurs québécois se fassent fourrer, tant que c’est en français et sans signe religieux.
Cette unité des partis capitalistes fédéralistes et nationalistes derrière les patrons du Port de Montréal montre bien que pour eux, la question de classe passe toujours devant la question nationale. Ils aiment faire des beaux discours sur la nation canadienne ou sur la nation québécoise, mais méprisent les millions de travailleurs de « leur » nation.
Les débardeurs et la classe ouvrière en général ne peuvent compter sur les partis patronaux, fédéralistes comme nationalistes. Contre l’unité de classe des patrons canadiens et québécois, il nous faut l’unité de classe des travailleurs de toutes origines.