À peine élu, le nouveau gouvernement de la CAQ commence déjà à s’attaquer aux minorités religieuses du Québec. Quelques jours seulement après avoir obtenu un gouvernement majoritaire, François Legault et son parti ont indiqué qu’ils seraient plus durs que jamais à l’endroit des gens qui portent des signes religieux dans le secteur public.
Le 2 octobre, le lendemain de sa victoire, Legault a immédiatement fait savoir ses intentions. Il a affirmé qu’il interdirait le port de signes religieux pour tous les employés du secteur public en position d’autorité, y compris les enseignants. Empruntant une méthode de son homologue ontarien Doug Ford, Legault a affirmé : « Si on doit utiliser la clause nonobstant pour appliquer ce que veulent la majorité des Québécois, nous allons le faire. » Le recours à la clause nonobstant permet à l’Assemblée nationale d’adopter une loi qui déroge à certains articles de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment ceux qui protègent le droit à l’égalité et la liberté de religion.
Puis, le 3 octobre, la députée de la CAQ Geneviève Guilbault a affirmé que les employés du secteur public en position d’autorité, notamment les enseignants, seraient forcés de retirer tout signe religieux, sans quoi ils seraient congédiés ou relocalisés. « Ils vont faire le choix de ne plus occuper leur emploi s’ils souhaitent maintenir le port du signe religieux », a-t-elle expliqué. La CAQ annonce donc sans ambiguïté ses couleurs.
Encore une fois, sous prétexte de défendre la « laïcité », le gouvernement s’attaque aux minorités religieuses. Bien sûr, les partisans de ces mesures, ces grands défenseurs de la laïcité, n’expliquent jamais en quoi l’interdiction des signes religieux permettra d’atteindre un État plus laïque. Ils ne présentent jamais non plus d’exemple de « manque de laïcité » de l’État. Si réellement il existe un problème d’employés de l’État fanatiques qui ne respectent pas la neutralité religieuse, ce n’est pas l’interdiction des signes religieux qui mettra fin à cette situation. Mais la réalité est que ce « problème » constitue une pure invention.
En fait, les mesures caquistes n’ont rien à voir avec la laïcité de l’État. Le parti instrumentalise le sentiment laïque des Québécois, issu de la lutte des années 60 contre l’emprise de l’Église catholique sur la société québécoise, afin de diviser les travailleurs sur des lignes religieuses. D’ailleurs, Legault avait affirmé avant la campagne que le crucifix catholique demeurerait à l’Assemblée nationale. « Beaucoup de nos valeurs viennent de la religion catholique et protestante. Le crucifix à l’Assemblée nationale, ça fait partie de notre histoire et de notre patrimoine. On va le laisser là, » avait-il affirmé.
Ces mesures ont d’ailleurs suscité l’enthousiasme de plusieurs groupes et personnalités d’extrême droite. En plus du groupe La Meute qui disait s’inspirer de la CAQ, le parti s’est mérité les félicitations de la candidate d’extrême droite à la mairie de Toronto, Faith Goldy, qui a déclaré sur Twitter : « Le Québec est là où notre nation a commencé. […] J’ai fort espoir que sous la gouverne de la CAQ, le Québec sera la servante de notre délivrance de l’emprise des globalistes partisans des frontières ouvertes, qui cherchent à détruire notre nation. » Goldy est une nationaliste blanche qui s’est fait connaître lorsqu’elle est allée couvrir la manifestation fasciste de Charlottesville en août 2017 pour Rebel Media, un site web d’extrême droite canadien. Également, la victoire de la CAQ a été soulignée par la figure d’extrême droite française Marine Le Pen, candidate du Front national (devenu depuis le Rassemblement national) lors de la présidentielle française de 2017. Elle a écrit sur Twitter : « Contrairement à ce que serinaient les libéraux immigrationnistes béats, les Québécois ont voté pour moins d’immigration. »
Les mesures annoncées par la CAQ ne peuvent que diviser la classe ouvrière et mener à une recrudescence de la haine envers les musulmanes en particulier, elles qui sont habituellement le bouc émissaire par excellence. Bouchera Chelbi, enseignante au primaire à Montréal, affirme que « chaque fois qu’ils commencent à parler des femmes musulmanes dans les médias, nous avons des problèmes dans la rue. » Nous devons nous opposer fermement aux mesures proposées par la CAQ.
Mais les lois s’attaquant aux droits des minorités religieuses ne pourront être combattues que par le mouvement ouvrier, en dehors de l’Assemblée nationale. Heureusement, une opposition se fait déjà entendre chez les travailleurs. Sylvain Mallette, le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), un syndicat qui rassemble 38000 enseignants, a fait savoir qu’il s’opposait fermement aux mesures annoncées par la CAQ. « C’est l’institution qui doit être laïque, la laïcité ne doit pas reposer sur les épaules des gens qui y travaillent. Non à l’interdiction du port de signes religieux! » Il ajoute que l’idée que les enseignants essayent de convertir leurs élèves est fausse, que c’est « un problème qui n’existe pas ».
Les employés du secteur public possèdent une riche tradition de lutte combative. Les lois qui viendront de la CAQ pour s’attaquer aux minorités religieuses ne seront qu’un bout de papier insignifiant si les travailleurs et travailleuses du secteur public décident de ne pas les appliquer. L’opposition aux mesures de la CAQ doit être traduite en acte. Les syndicats doivent être prêts à utiliser la désobéissance civile contre ces mesures. Si le gouvernement tente de congédier des travailleurs pour le port de signes religieux, les syndicats doivent venir à leur défense par des grèves et des manifestations pour protéger les emplois de leurs collègues attaqués. La direction syndicale a la responsabilité de se préparer à de telles actions. Il n’y a pas de temps à perdre!
Nous avons l’occasion d’une première démonstration de force ce dimanche. Une grande manifestation contre le racisme se tient le 7 octobre prochain au parc Émilie-Gamelin, à Montréal, à 15h. La Riposte socialiste organise un contingent socialiste pour l’occasion. Montrons à François Legault que ses politiques racistes ne passeront pas!