Cet article est en deux parties.
Le 11 février 1969, la police de Montréal réprime violemment l’une des plus importantes occupations étudiantes de l’histoire du Canada. Pendant deux semaines, 300 étudiants ont occupé pacifiquement le centre informatique de l’université Sir George Williams pour protester contre la façon dont un professeur raciste traitait les étudiants noirs et contre la complicité de l’administration qui le défendait. Cependant, lorsque la police est arrivée sur les lieux de l’occupation, une émeute a éclaté. Les étudiants ont brisé des fenêtres et jeté des milliers de cartes perforées dans les rues en contrebas, ils ont détruit des ordinateurs avec des haches à feu et, dans la confusion, quelqu’un a déclenché un incendie qui a failli embraser tout le neuvième étage du bâtiment.
L’occupation a pris fin avec la répression violente de l’État, et pendant des mois, une cascade de calomnies s’est déversée de toutes les bouches des médias bourgeois sur les malheureux étudiants qui avaient osé se battre contre leur oppression. Ce n’est que récemment, après plus de 50 ans de silence, que l’Université Concordia (dont l’université Sir George Williams est l’ancêtre) a présenté des excuses dans l’espoir de se laver de cette histoire déplaisante, mais c’est bien trop peu et bien trop tard.
L’héritage de l’affaire Sir George Williams n’appartient pas à l’Université Concordia et à son administration, mais aux travailleurs et étudiants révolutionnaires qui, aujourd’hui encore, luttent contre le racisme et toutes les autres formes de discrimination et d’oppression. Il s’agit d’une lutte inspirante dont les répercussions ont été ressenties à l’échelle internationale. À Trinité-et-Tobago, l’affaire a servi d’étincelle à une série de manifestations de masse contre l’impérialisme britannique et canadien et à la révolution Black Power de 1970. Nous devons tirer les leçons nécessaires de ses succès et de sa défaite finale.
Une époque révolutionnaire
Pour comprendre l’affaire Sir George Williams, il faut d’abord comprendre le contexte historique dans lequel elle s’est déroulée. Très souvent, ce sont les jeunes qui sont les plus sensibles aux grands changements sociaux qui se produisent dans la société qui les entoure. Les étudiants de Sir George Williams en 1968-1969 ne faisaient pas exception à la règle.
La fin des années 1960 a été une période de grande ferveur révolutionnaire. La stabilité relative de l’après-guerre s’était transformée en une vague de luttes révolutionnaires dans le monde entier. Des manifestations massives de travailleurs et de jeunes ont balayé l’Italie, l’Allemagne de l’Ouest, le Brésil et le Mexique, entre autres pays. Pendant ce temps, une grève générale en France déposait le pouvoir aux pieds de la classe ouvrière française, forçant le président de l’époque, Charles de Gaulle, à fuir le pays. Partout dans le monde, la fin des années 1960 et le début des années 1970 ont été marqués par une violente lutte des classes. Un épisode important de cette lutte va se dérouler au Québec.
Le Québec était dominé par l’impérialisme étranger depuis le XVIIIe siècle, d’abord par les Britanniques, puis par les capitalistes américains et anglo-canadiens. Une série de grèves combatives dans les années 1950 ont été les signes avant-coureurs d’une remise en question de cette domination étrangère. Elles inaugurent la Révolution tranquille et marquent le début du mouvement moderne de libération nationale au Québec. En 1960, le Parti libéral du Québec remporte une victoire électorale historique, mettant fin à la « Grande Noirceur », une période de 15 ans de domination du régime conservateur de l’Union nationale. Grâce à une série de réformes – la nationalisation de l’hydroélectricité sous le slogan « Maîtres chez nous », la création de sociétés d’État comme la Société générale de financement, entre autres – le terrain est dégagé pour le développement d’une bourgeoisie nationale québécoise. Mais aucune de ces réformes ne s’attaque fondamentalement aux problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs et les jeunes du Québec.
Au milieu des années soixante, la Révolution tranquille est dans l’impasse. L’inflation et le chômage augmentent et, par conséquent, la lutte des classes revient sur le devant de la scène. Dans toute la province, des milliers de travailleurs se mettent en grève pour obtenir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. En 1968, les étudiants se joignent à la lutte et des dizaines de milliers d’entre eux descendent dans la rue pour protester contre le sous-financement et la mauvaise gestion des CÉGEP qui ont été créés seulement l’année précédente. Cette marée montante de la lutte des classes culminera finalement avec la grève du Front commun de 1972, lorsque les travailleurs du Québec mettront à genoux le capitalisme dans la province.
C’est dans cet environnement que les événements de Sir George Williams allaient se dérouler, et c’est un élément essentiel pour comprendre l’affaire Sir George Williams. L’historien Dennis Forsythe, écrivant en 1971, a expliqué :
« Le Québec, et plus particulièrement Montréal, est comme une machine qui grince, comme en témoignent les frustrations et les ressentiments croissants exprimés par presque tous les segments de la société. Au cours des trois dernières années, les policiers, les enseignants, les chauffeurs de taxi, les postiers, les groupes de lutte contre la pauvreté, les étudiants et les femmes ont tous participé à la « longue marche » ici au Québec […] On pourrait placer l’affaire Sir George Williams dans cette longue lignée de protestations, en tant qu’expression des griefs et des frustrations refoulés des Noirs. »
Pendant ce temps, alors que des manifestations de masse et des révolutions se déroulaient dans le monde entier, les États-Unis, cœur de l’impérialisme mondial, étaient aux prises avec leur propre lutte révolutionnaire. Le mouvement de lutte pour la libération des Noirs, qui avait commencé avec le mouvement des droits civiques dans les années 1950, était en train de tirer des conclusions révolutionnaires. Au cours du « long et chaud été » de 1967, 159 émeutes raciales ont balayé les États-Unis en l’espace de quelques mois seulement. Des leaders noirs comme Malcolm X et Martin Luther King ont été assassinés, et dans leur sillage ont suivi des organisations combatives comme les Black Panthers, dirigées par des révolutionnaires comme Huey Newton, Bobby Seale et Fred Hampton.
Inspirés par les révolutions coloniales des années 1950 et 1960, les Black Panthers ont organisé une résistance armée et révolutionnaire à l’oppression violente des Noirs par la police, devenant ainsi une source d’inspiration pour les travailleurs et les jeunes du monde entier, notamment au Québec.
Le racisme au Canada
Au Canada, la classe dirigeante s’efforce depuis longtemps de se donner une image progressiste, l’image d’un pays où tout le monde a les mêmes chances de réussir. Cette illusion réconfortante d’un Canada « humanitaire » est toutefois ébranlée par les faits réels de l’histoire du Canada : les charniers d’enfants autochtones dans les pensionnats, l’internement des Canadiens d’origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, le déplacement forcé des Canadiens noirs de la communauté d’Africville, sur la côte est, et la démolition de leurs maisons pour faire place au développement industriel, pour ne citer que quelques exemples parmi de nombreux autres. Alors que les manuels d’histoire du Canada ont tendance à aborder la question du racisme anti-Noirs comme un phénomène qui ne concerne que nos voisins du Sud, cela ne fait qu’embellir le visage hideux du racisme au Canada.
Pendant une bonne partie du XXe siècle, les gouvernements provinciaux et fédéral refusaient d’embaucher des Noirs, et il en allait de même pour des pans entiers de l’industrie privée. Les universités rejetaient régulièrement les candidatures d’étudiants noirs sur la base de leur race, et les travailleurs noirs étaient massivement contraints d’occuper des emplois subalternes de domestiques, d’ouvriers, de concierges, de serveurs et de porteurs de bagages dans l’industrie ferroviaire, avec des salaires nettement inférieurs à ceux du reste de la main-d’œuvre canadienne. Les communautés noires se sont souvent installées dans des quartiers distincts, comme Africville à l’extérieur d’Halifax et la Petite Bourgogne à Montréal, où elles organisaient fréquemment des groupes communautaires basés sur le soutien mutuel pour les aider à supporter collectivement le poids de leur grave exploitation.
Pendant la majeure partie du XXe siècle, le gouvernement canadien a conservé le droit d’interdire aux « immigrants non assimilables » (c’est-à-dire aux immigrants non européens) d’entrer au Canada. Cette situation n’a commencé à changer qu’avec le « programme de recrutement de domestiques antillaises », un programme qui permettait aux femmes des Caraïbes de demander la résidence temporaire ou permanente si elles passaient un an à travailler comme domestiques. Le Canada ouvrait ses portes aux migrants des Caraïbes, mais à condition qu’ils acceptent les emplois les plus pénibles et les plus mal payés. En 1962, le Canada a finalement supprimé la race de ses critères d’immigration, ce qui a entraîné un afflux de travailleurs et d’étudiants antillais dans les grandes villes canadiennes. Par exemple, la population noire de Montréal est passée de 7000 à 50 000 personnes entre 1961 et 1968.
Un problème presque omniprésent pour les Caribéens arrivant à Montréal était celui de la recherche d’un logement et d’un emploi. Par exemple, un étudiant, arrivant de Trinité-et-Tobago, s’est vu répondre par un propriétaire montréalais : « Je ne loue pas aux n****s ». C’était la première fois de sa vie qu’il se faisait traiter de ce mot. Il en allait de même pour la recherche d’un emploi. Les travailleurs noirs, en particulier ceux qui étaient nés à l’étranger, étaient systématiquement exclus des emplois pour lesquels ils étaient qualifiés et étaient traités comme des produits jetables dans les industries qui les embauchaient.
Ceux qui sont arrivés ont immédiatement subi le fardeau de la discrimination et du racisme. Le travail, la vie et l’école sont devenus, pour beaucoup, un exercice quotidien de dégradation. Tout le monde ne pouvait pas endurer pour toujours cette dégradation en silence, en serrant les dents. À un certain stade, il était inévitable que le calme apparent du statu quo éclate et provoque des éruptions de colère et de résistance. Tôt ou tard, des explosions sociales étaient inévitables. Il ne manquait plus que l’étincelle.
L’affaire Anderson et l’université Sir George Williams
Le premier choix de la plupart des étudiants anglophones de Montréal était l’université McGill, l’une des institutions les plus anciennes et les plus prestigieuses du Canada. Cependant, en plus d’exiger des notes exceptionnelles, les conditions d’admission à l’université reflétaient souvent les préjugés des hautes sphères de la société canadienne. Par exemple, jusque dans les années 1930, l’université a maintenu un quota sur le nombre d’étudiants juifs qu’elle acceptait et décourageait activement l’embauche de professeurs juifs. Dans les années 1960, si une poignée d’étudiants originaires des Caraïbes ont été admis, l’écrasante majorité d’entre eux ont été rejetés. Leur autre option, l’université Sir George Williams, a connu une histoire très différente. Débutant en 1926 par une série de cours pour adultes organisés par le YMCA local, elle s’est finalement transformée en une université accréditée et s’est installée sur son campus du centre-ville en 1966. Pour un grand nombre d’étudiants, Sir George Williams représentait leur seule chance d’accéder à l’éducation supérieure. Mais même cette université « métropolitaine » n’était pas à l’abri des préjugés du capitalisme canadien.
Au département de biologie de Sir George Williams, un professeur assistant nommé Perry Anderson enseignait un cours préalable à l’entrée à l’école de médecine. Tous ceux qui, à Sir George Williams, avaient l’intention de devenir médecin devaient d’abord franchir la porte de la classe de Perry Anderson. Malheureusement, de nombreux étudiants ont trouvé dans son cours un obstacle insurmontable : la discrimination à l’encontre des étudiants noirs.
Au cours de l’année universitaire 1968, la plupart des étudiants noirs qui suivent les cours d’Anderson échouent régulièrement à ses devoirs. Ils s’accordent à dire qu’Anderson n’a jamais donné à un étudiant noir une note supérieure à « C », quelle que soit la qualité de son travail. Par ailleurs, s’il appelle la plupart de ses élèves par leur prénom, il refuse d’utiliser le prénom des élèves noirs de sa classe. À la place, il les appelle toujours « M. Ballantyne », « M. Frederick », etc. Lors d’un incident révélateur, Terrence Ballantyne, un étudiant trinidadien, laisse deux autres étudiants non noirs copier mot pour mot son rapport de laboratoire. Les trois rapports se retrouvent sur le bureau d’Anderson et, à leur retour, les deux étudiants qui ayant copié le travail de Ballantyne reçoivent des notes parfaites. Ballantyne obtient 70%. Les étudiants finissent par en avoir assez.
Six d’entre eux accusent alors officiellement Perry Anderson de racisme. Une réunion privée est organisée entre les élèves, Anderson et des membres de l’administration. Les administrateurs, supposément, doivent agir en tant qu’arbitres neutres entre les étudiants et Anderson, et sont les seuls à juger des mesures à prendre par la suite. Les étudiants exposent leurs griefs à l’encontre d’Anderson et fournissent leurs preuves, mais à leur grande surprise, ils constatent que chaque fois qu’Anderson n’arrive pas à se défendre, les administrateurs le défendent. Personne ne prend de procès-verbal, ne consigne les preuves, ni même prend note des préoccupations des élèves. À huis clos, Anderson est absous de toute faute et « l’affaire Anderson » est enterrée.
L’affaire reste enfouie pendant plusieurs mois. La colère reste intacte, mais les étudiants apprennent qu’il est impossible d’aborder la question du racisme sur le campus par les voies bureaucratiques de l’administration. Ils décident de s’adresser à leurs camarades de classe. Il ne faut pas longtemps à un conseiller de Sir George Williams pour remarquer un changement. Soudain, tous les étudiants caribéens qui franchissent la porte de son bureau soulèvent le grave problème du racisme sur le campus – le nom d’Anderson devient secondaire. Le vrai problème esthea l’administration dans son ensemble.
La bataille du comité d’audience
En octobre 1968, une conférence internationale est organisée à Montréal. Le Black Writers Congress y réunit des révolutionnaires des Caraïbes et des Amériques pour discuter de la question de la libération des Noirs à l’échelle internationale. Des centaines de personnes y participent, dont Kennedy Frederick et Roosevelt « Rosie » Douglas, deux étudiants de Sir George Williams et de McGill respectivement. Douglas avait été l’un des principaux organisateurs du congrès, tandis que Frederick avait été l’un des étudiants à suivre le cours d’Anderson et à participer à la réunion avec l’administration. C’est là qu’ils se rencontrent et commencent à travailler ensemble. L’inspiration du congrès et leur nouveau lien avec des révolutionnaires comme Douglas donnent aux étudiants caribéens de Sir George Williams une nouvelle orientation. Désormais, ils se méfieront de l’administration et ne compteront que sur leurs propres forces.
Vers la fin de l’année 1968, Frederick conduit un groupe d’étudiants dans le bureau du directeur pour lui demander de rouvrir le dossier contre Perry Anderson. L’affaire est rouverte à contrecœur et l’université est contrainte de formaliser sa procédure de traitement des plaintes des étudiants. Les affaires ne seront plus réglées à huis clos lors de réunions privées. Au lieu de cela, un comité d’audience, composé de membres du corps enseignant acceptés par les deux parties, doit entendre les preuves de l’affaire et rendre un verdict lors d’une audience publique. Ce comité est composé de cinq professeurs : deux Noirs, deux Blancs et un originaire d’Asie du Sud. Les étudiants et Anderson sont d’accord sur sa composition, mais au sein de l’administration et de certaines couches du corps professoral, il y a un profond sentiment de malaise.
Le comité d’audience est perçu comme une menace pour l’administration. Si l’on autorise la réouverture du dossier contre Anderson et qu’il est reconnu coupable de discrimination à l’égard de ses étudiants, cela révélerait la manière tout à fait inappropriée dont l’administration a traité l’affaire quelques mois auparavant, ainsi que son mépris à l’égard des cas de discrimination en général. De même, certains craignent que si Anderson est reconnu coupable et se voit imposer des sanctions disciplinaires (et il aurait à être sanctionné), cela créerait un précédent pour le reste de l’administration et du corps professoral. Toute une série de nouvelles accusations pourraient facilement suivre de près.
Les membres de l’administration commencent à planifier une réunion « ouverte » avec l’intention d’annuler et de dissoudre complètement le comité d’audience. Ils envoient des invitations au personnel et aux étudiants, mais par un hasard remarquable, aucun des plaignants initiaux ne reçoit d’invitation – en fait, aucun étudiant noir de l’université n’est invité!
Lorsque les étudiants ont vent de la réunion, ils arrivent avec leurs partisans. Ils prononcent des discours dénonçant la tentative de l’administration d’agir dans leur dos. La tension monte et une bagarre physique est évitée de justesse. L’administration ne réussit pas à dissoudre le comité, mais réussit à se discréditer aux yeux des étudiants et d’une partie grandissante du personnel. Cela crée pour eux un problème sérieux qui ne va qu’en empirant.
Des membres du corps enseignant expriment leur soutien aux étudiants plaignants. Il devient nécessaire de freiner la propagation de ces sentiments et d’essayer de creuser un fossé entre les étudiants et la faculté. Pour ce faire, le directeur, O’Brien, envoie un mémo à tous les membres du personnel de l’université dans lequel il prévient que les étudiants plaignant sont en train de venir erratiques et qu’ils pourraient bientôt passer à la violence. Son objectif est d’attiser les préjugés et la paranoïa et d’empêcher tout nouveau soutien avant qu’il ne se cristallise.
Frederick et quatre autres étudiants font irruption dans le bureau d’O’Brien et refusent de le laisser partir tant qu’il ne leur aura pas écrit des excuses officielles. O’Brien signe les excuses, mais porte rapidement plainte contre Frederick et les autres étudiants pour enlèvement! La campagne de diffamation de l’administration s’intensifie.
Pendant ce temps, le comité d’audience croule sous son propre poids. Les deux professeurs noirs sont pris entre les intérêts de l’administration et ceux des étudiants, jusqu’à ce qu’ils démissionnent tous les deux du comité. Désireuse d’absoudre Anderson, et par procuration elle-même, de toute faute, l’administration remplit le comité de personnes dont elle sait qu’elles se rangeront du côté d’Anderson. Ce qu’ils ne peuvent pas dissoudre, ils décident de le coopter.
Entre-temps, les étudiants répliquent aux manœuvres bureaucratiques et aux calomnies de l’administration en organisant des rassemblements et des cours sur la mezzanine de l’université. Ils mobilisent des centaines d’étudiants de Sir George Williams et le journal étudiant consacre même un numéro à la défense de leur cause. En mobilisant le soutien de tous les milieux raciaux et en canalisant ce soutien dans des rassemblements et d’autres manifestations, ils réussissent à couper court à toutes les calomnies dont ils font l’objet.
Malgré son autorité supposée, l’administration est impuissante. À la mi-janvier, elle se réfugie à l’hôtel Mont Royal, craignant que ses bureaux ne soient occupés par des étudiants en colère. L’administration a gagné son comité, mais les étudiants s’emparent du campus.
Il faut comprendre qu’à ce moment-là, la bataille sur le campus n’est plus un conflit local, mais devient un événement d’importance nationale. Elle attire la haine de la classe dirigeante raciste. Par exemple, un député conservateur de l’Alberta demande à la Chambre des communes que les étudiants caribéens soient déportés! Elle craint manifestement que la confrontation ne devienne le déclencheur d’une lutte plus large contre le racisme dans tout le pays.
Le 29 janvier, l’audience publique tant attendue commence. La salle est remplie d’étudiants qui, l’un après l’autre, prononcent des discours contre l’administration, demandant la création d’un nouveau comité accepté par les deux parties. Même Rosie Douglas prend la parole, expliquant que quelques jours auparavant, il a vu une pancarte affichée dans la cafétéria de l’université qui disait « n*****s go home ». Après des heures de discours de la part des étudiants, Frederick prend la parole. Il appelle « tous ceux qui veulent défendre leurs droits, défendre la justice » à le suivre et à occuper le centre informatique. Avec 200 autres étudiants, il quitte l’audience en claquant la porte. En partant, certains se lèvent sur des chaises et appellent leurs camarades à les suivre dans l’occupation. L’amphithéâtre se vide.
Alors que les élèves se dirigent vers le centre informatique, l’administration, une fois de plus, absout Anderson et elle-même de toute faute. Seul problème : personne n’est là pour l’entendre. Commence alors l’occupation de 14 jours.