À la mi-août, les travailleurs de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et de Loto-Québec sont entrés en grève. Ces travailleurs, affiliés au Syndicat des professionnels et professionnelles du gouvernement du Québec (SPGQ), n’avaient plus le choix après des années de négociations infructueuses avec leurs patrons. Sur les 225 employés de la BAnQ, 97% ont voté en faveur d’un mandat de grève de cinq jours le 6 juin dernier. Également en juin, 99,4% des 450 employés de Loto-Québec ont voté en faveur d’un mandat de 20 jours de grève. Les travailleurs utiliseront deux jours de grève cette fin de semaine, cette fois en même temps. Les travailleurs de la BAnQ et de Loto-Québec sont sans convention collective depuis 2015 et 2014 respectivement.

La grève à la BAnQ

Les travailleurs de la BAnQ ont fait la grève pendant une journée une première fois en juillet afin de protester contre leurs conditions de travail. Ils faisaient remarquer, en particulier, un écart salarial de 14% avec les emplois similaires dans le secteur privé. De plus, le syndicat fait remarquer qu’il existe un manque d’équité salarial entre, par exemple, les agents de gestion financière à Hydro-Québec (majoritairement des hommes) et les travailleurs de la BAnQ, du Musée de la civilisation et du Musée des Beaux-Arts (majoritairement des femmes). Ce n’est donc pas une surprise que l’un des slogans lors de la manifestation tenue par les travailleurs le 14 août était « Travail égal, salaire égal! »

Les travailleurs revendiquent également davantage d’investissement gouvernemental dans la culture. Depuis 2009, les travailleurs de la BAnQ ont subi des réductions budgétaires de 15 millions de dollars. Celles-ci ont mené à des pertes d’emplois au fil des ans. La dernière vague de licenciements a eu lieu en 2017 quand 40 postes ont été abolis. De telles coupes sont devenues monnaie courante pour beaucoup de travailleurs du Québec.

Dans une tentative vicieuse de nuire à la lutte des travailleurs, la BAnQ a embauché des briseurs de grève au début des négociations en 2015. Suite à une plainte du SPGQ au début du mois d’août, le Tribunal administratif du Travail a ordonné à la direction de la BAnQ de se conformer immédiatement aux dispositions anti-briseurs de grève de l’article 109.1 du Code du travail.

Le mardi 14 août, les travailleurs de la BAnQ sont entrés en grève d’un jour pour une deuxième fois. Pour l’occasion, environ 100 travailleurs ont manifesté devant la Grande bibliothèque. Des militants de La Riposte syndicale étaient présents en solidarité. On pouvait sentir la volonté des travailleurs de se battre ainsi que leur dégoût envers les agissements des patrons. Cependant, beaucoup de travailleurs se demandaient pourquoi aucune action commune avec les employés de Loto-Québec n’avait été organisée, alors que ceux-ci sont aussi membres du SPGQ et sont dotés d’un mandat de grève. La grève à Loto-Québec a été déclenchée seulement deux jours après celle de la BAnQ.

La grève à Loto-Québec

Les travailleurs de Loto-Québec sont entrés en grève une première fois du 20 au 23 juillet en réponse aux augmentations salariales inacceptables de 0,3% par année sur cinq ans proposées par l’employeur. Ils se battent aussi contre les tentatives des patrons de rendre les mises à pied plus faciles et contre le recours à la sous-traitance. Un mois plus tard, les patrons refusent toujours de satisfaire aux revendications des travailleurs pour de meilleures conditions de travail, des salaires plus élevés et une sécurité d’emploi. C’est ce qui a mené à une seconde grève, du 16 au 19 août.

Le 14 août, les patrons de Loto-Québec affirmaient qu’ils ne pouvaient se permettre de donner des augmentations de salaire de plus de 0,7% par année sur cinq ans, affirmant qu’ils avaient l’obligation de remettre des redevances au gouvernement. La réponse de David Bernans, 4e vice-président du SPGQ, « Dans ce cas, pourquoi offrir des bonis si généreux à ses hauts dirigeants? La sournoiserie et la tromperie de Loto-Québec semblent sans borne. » Bernans a raison. Loto-Québec a engrangé 1,33 milliard de dollars en profits l’an dernier (une augmentation de 8,5%), et les patrons ont vu leur salaire augmenter de 21% entre 2011 et 2016. Plus encore, les cinq plus hauts dirigeants ont reçu des bonis totalisant près de 350 000 dollars, soit environ 25% de leur salaire!

Il s’agit d’une claque au visage pour les travailleurs de Loto-Québec. L’hypocrisie des dirigeants de Loto-Québec est sans borne et fait monter la frustration des travailleurs. Des militants de La Riposte syndicale les ont rejoints devant le Casino de Montréal le 17 août pour une manifestation, et ce sentiment était palpable. Lorsque nous leur avons demandé jusqu’où ils étaient prêts à aller, on nous a répondu « je suis 100% là » ou encore « aussi loin qu’il le faudra ». L’un des grévistes nous a dit : « Personnellement, je suis pour une grève générale. »

Les mandats de grève adoptés à une écrasante majorité témoignent de la volonté de lutter des travailleurs. Une nouvelle grève aura lieu cette fin de semaine, et il semble qu’elle sera le fait des travailleurs de la BAnQ et de Loto-Québec en même temps cette fois, contrairement aux autres grèves jusqu’à présent. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Cependant, la direction syndicale indique que le but est simplement « d’incommoder l’employeur », alors que les services à la population seront assurés. De plus, cette grève reste une grève ponctuelle, soi-disant pour des raisons « stratégiques ». Or, les grèves ponctuelles sont tout sauf stratégiques. Elles ne font que laisser la colère des travailleurs s’exprimer sans appliquer de véritable pression sur les patrons. Le but ne devrait pas être de simplement « incommoder » les patrons, mais de les forcer à reculer. La seule façon d’utiliser ces jours de grève de manière « stratégique » est de les utiliser d’un seul coup, en même temps, et de lier la grève à la perspective d’un mouvement plus large de grève générale illimitée.

Ces grèves à la BAnQ et à Loto-Québec s’ajoutent aux conflits de travail à la SAQ et à la STM. Les employés de celles-ci ont adopté des mandats de grève de quelques jours plus tôt cette année et ont des revendications similaires, soit des salaires décents et la sécurité d’emploi. Cette situation nous offre une excellente occasion de faire sortir chacune de ces luttes de l’isolement et de faire une véritable démonstration de force en frappant tous en même temps. Une grève combinée des travailleurs de la BAnQ, de Loto-Québec, de la SAQ et de la STM serait beaucoup plus menaçante que si chaque groupe restait de son côté. Il s’agirait d’un exemple inspirant pour le mouvement ouvrier dans son ensemble. Il faut saisir cette occasion!