50 000 membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) sont en grève rotative depuis le 22 octobre. Le gouvernement libéral de Trudeau a répliqué en imposant une loi spéciale de retour au travail qui aura pour effet de rendre ce débrayage illégal. De plus en plus, le droit de grève au Canada est un droit qui existe sur papier seulement. En effet, dès qu’une grève est efficace, elle est aussitôt déclarée illégale. Cependant, les postiers sont en colère et il y a une réelle possibilité qu’ils défieront la loi spéciale. Il est plus que jamais nécessaire de manifester notre solidarité envers les travailleurs du STTP pour leur montrer qu’ils ne sont pas seuls et que la classe ouvrière canadienne et internationale les soutient dans leur lutte.  

Les enjeux principaux de cette grève sont l’équité salariale pour les facteurs sous-payés dans les régions (majoritairement des femmes), et la crise des blessures causées par la surcharge de travail et les heures supplémentaires obligatoires. Postes Canada est en réalité l’employeur avec le taux de blessures le plus élevé dans ce secteur, avec un employé sur quatre se blessant chaque année. Les travailleurs sont frustrés et fatigués que la direction ignore ces problèmes, et ont décidé de mettre le poing sur la table afin de trouver une solution une fois pour toute lors du présent cycle de négociations.

L’ampleur du manque de main-d’œuvre est révélé par le fait que même la grève rotative et le refus de faire des heures supplémentaires, des actions qui ont une portée limitée, ont provoqué des engorgements dans les centres de tri et fait perdre des centaines de millions de dollars à Postes Canada.

Postes Canada est une société d’État théoriquement indépendante, mais en réalité elle est fortement influencée par le gouvernement. Les lobbys du milieu des affaires ont donc exigé de ce dernier qu’il agisse en prévision de la fin de semaine du « Black Friday » et du temps des Fêtes. La grève a provoqué une baisse significative des ventes en ligne d’Amazon et d’autres détaillants qui dépendent du service d’expédition de colis de Postes Canada. En réponse, les libéraux de Trudeau ont assené un coup de marteau sur les travailleurs, ce qui montre qu’ils se soumettent aux diktats de leurs commanditaires capitalistes. Le Parti libéral agit de la sorte malgré la prétendue sympathie que Trudeau manifeste envers les travailleurs, et malgré qu’il s’était opposé à la loi spéciale adoptée par les conservateurs de Stephen Harper contre le STTP en 2011.

Ironiquement, un jour avant que les libéraux ne déclarent que les coffres sont vides pour les postiers, ils ont annoncé 16 milliards de dollars en allègements fiscaux pour les grandes entreprises. Ce flagrant contraste devrait envoyer un message retentissant à tous ceux dans le mouvement syndical qui ont donné leur soutien aux libéraux ces dernières années.

Les lois spéciales de retour au travail sont un fléau qui sévit de plus en plus contre la négociation collective au Canada. En effet, les patrons dans le secteur public n’ont aucun intérêt à négocier quand ils peuvent tout simplement s’assoir et attendre que le gouvernement déclare la grève illégale. Ce gourdin est aussi utilisé pour écraser les travailleurs dans le secteur privé quand une grève est jugée avoir un impact « trop important ». En réalité, ces lois n’ont pas pour effet de réduire la durée des grèves. L’usage de ces lois antidémocratiques a plutôt pour conséquence d’accroître la colère des travailleurs. Des votes de grève de 80%, 90% et même 100% sont désormais monnaie courante, ce qui montre que les problèmes des travailleurs ne sont pas réglés. Le STTP dispose d’un mandat de grève voté à 95% dans le conflit actuel et aucune loi ne pourra dissiper ce mécontentement. Si aucune solution n’est présentée pour résoudre les problèmes soulevés par les travailleurs, la situation ne fera qu’empirer, ce qui mènera inévitablement à une nouvelle explosion de colère dans quelques années.

Malheureusement, les directions des syndicats canadiens ont jusqu’à maintenant laissé tomber leurs membres. Malgré la colère qui gronde parmi les membres, les dirigeants syndicaux n’ont pas eu le courage de mener le combat pour défier les lois spéciales. C’est ce qui a mené à la situation présente dans laquelle le droit de grève est bafoué sur une base régulière. Les conditions de travail ne cessent de se détériorer tandis que les patrons imposent leur volonté aux travailleurs. Cette situation se poursuivra jusqu’à ce qu’un syndicat ait le courage de tenir tête à l’État et de défier les lois spéciales. Mais les bureaucrates au sommet prétendent toujours que ce n’est pas le moment opportun ou que les travailleurs ne sont pas prêts. Ils dissimulent ainsi leur propre lâcheté en jetant le blâme sur leurs membres. Mais dans le cas de la grève des postiers, tout témoigne d’une sincère volonté de combattre au sein de la base. Des occupations spontanées des lieux de travail et des débrayages non autorisés ont eu lieu lors de la grève. Désormais, la question se pose : « Si ce n’est pas maintenant, alors quand? Si ce n’est pas le STTP, alors qui? ». Nous avons ici la grève qui permettra de dire « c’est assez! » et de se lever pour défendre le droit des travailleurs à suspendre leur travail. Cette grève est l’occasion dire haut et fort qu’il ne sera plus toléré que les travailleuses soient moins rémunérées que leurs collègues masculins lorsqu’elles accomplissent le même travail. Cette grève est l’occasion de dire haut et fort que la classe ouvrière ne tolèrera plus de sacrifier sa santé physique sur l’autel du profit des grandes entreprises.

À maintes reprises, les syndicats ont eu gain de cause dans les tribunaux en expliquant que les lois spéciales pour le retour au travail constituent une violation du droit d’association protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit en 2011 quand la loi spéciale contre le STTP avait été contestée. Mais ce n’est toutefois pas une raison pour se soumettre à une telle loi dans l’attente de la décision des tribunaux, bien au contraire. Lorsque les syndicats se soumettent à ces mesures illégales, le mal est déjà fait, et une victoire en cour obtenue des années plus tard ne change rien. Les syndicats agissent en toute légalité lorsqu’ils continuent la grève : c’est le gouvernement qui enfreint la loi en utilisant ces méthodes. Au XIXe siècle, les syndicats étaient illégaux au Canada et leurs membres se faisaient arrêter pour avoir « pris part à un complot pour obtenir l’augmentation des salaires ». Si la classe ouvrière n’avait pas défié de telles lois, les syndicats n’existeraient pas aujourd’hui. La leçon est claire.

Dans notre dernier article portant sur la grève, nous avons rappelé la riche histoire des luttes du STTP :

« Entre 1974 et 1976, le STTP a mené des grèves illégales, dont l’une a permis de gagner des salaires décents pour les femmes occupant des emplois moins bien rémunérés. En 1978, après des mois de négociations infructueuses sous Trudeau père, une autre grève légale avait été entamée et une loi de retour au travail avait été adoptée le même jour. Plutôt que de se soumettre, les travailleurs ont choisi de défier la loi, un acte pour lequel le dirigeant du STTP de l’époque, Jean-Claude Parrot, avait été condamné à trois mois de prison. En 1981, le STTP est à nouveau entré en grève pour gagner les congés de maternité. Craignant la résistance des travailleurs (ceux-ci n’avaient aucunement peur de défier la loi), la direction s’est pliée aux demandes syndicales, faisant du STTP le premier syndicat canadien à gagner les congés de maternité pour ses membres. S’il y a bien un syndicat dont la désobéissance fait partie de l’ADN, c’est le STTP. C’est ce qui explique pourquoi Trudeau est si pressé d’écraser la grève actuelle. Il espère qu’en l’emportant contre l’un des syndicats canadiens les plus combatifs, il pourra dissuader les autres travailleurs de suivre leur exemple. »

 

En plus de cette histoire inspirante et de la volonté des travailleurs de lutter, il est possible que la direction actuelle du syndicat mette fin à la tendance démoralisante dans les syndicats canadiens. Dans sa jeunesse, le président du STTP, Mike Palecek, était un rédacteur régulier pour le journal Fightback, où il a défendu l’idée que les syndicats devraient défier les lois spéciales de retour au travail. Il est vital d’appuyer ceux qui, au sein du STTP, ne veulent pas capituler devant l’attaque antidémocratique du gouvernement Trudeau. L’entièreté de l’exécutif du STTP doit tenir bon et ne pas laisser tomber ses membres. Il est temps de riposter à l’assaut des patrons.

Il est nécessaire que le mouvement ouvrier dans son ensemble ne laisse pas tomber le STTP. Le Congrès du Travail du Canada (CTC) doit remplir son devoir et organiser des manifestations de masse et des grèves de solidarité. Les syndicats qui ont vu leurs droits être violés par le passé devraient être en première ligne. Le gouvernement Trudeau peut être contraint à reculer en face d’un mouvement suffisamment large. Ce gouvernement n’a pas de mandat pour une offensive anti-syndicale et il tente actuellement de conserver hypocritement une façade de gauche en vue de l’année électorale qui arrive. Le CTC doit mettre sur pied un fonds pour aider le STTP avec les inévitables amendes et injonctions qui viendront avec des grèves illégales. Des comités de solidarité devraient être créés dans tous les syndicats locaux afin de soutenir les postiers. Les membres du STTP devraient activement chercher à envoyer des délégations dans différents lieux de travail afin de les entraîner dans la lutte. Une attaque contre un est une attaque contre tous, et le STTP lutte présentement pour le droit de grève de tous les travailleurs.

Il ne s’agit pas ici simplement d’une grève nationale, mais d’un mouvement international. Tout autour du globe, les services postaux subissent des compressions ou sont privatisés. Les travailleurs subissent l’austérité et le droit de grève est attaqué. Si le droit de grève est attaqué dans un pays soi-disant « démocratique » comme le Canada, alors il faut s’attendre à plus d’attaques contre tous les travailleurs. Postes Canada a cessé de recevoir le courrier international à cause de la grève; mais la solidarité internationale, elle, ne doit pas cesser!

 

Nous demandons à tous nos sympathisants d’envoyer des messages de solidarité aux travailleurs et travailleuses de Postes Canada, individuellement ou via votre local syndical, groupe étudiant, votre association de comté, etc.

Dites-leur :

  1. Nous appuyons votre lutte pour un salaire égal pour les travailleuses ainsi que pour mettre fin à la crise des blessures.

  2. Le droit de grève est le plus important droit de la classe ouvrière. Nous sommes en faveur de défier cette loi spéciale de retour au travail complètement antidémocratique.

  3. Vous n’êtes pas seuls! Nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous aider. Comme on dit, « une attaque contre un est une attaque contre tous! »

Envoyez ce message à :

STTP : Feedback@cupw-sttp.org  & commentaires@cupw-sttp.org

Mike Palecek : MPalecek@cupw-sttp.org

La Riposte syndicale : lariposte@marxiste.qc.ca