C’est hier, le 22 octobre, qu’environ 50 000 postiers et postières du Canada ont commencé une grève rotative. Après des années d’augmentation de la charge de travail et des heures supplémentaires obligatoires, les postiers en ont assez et ripostent face à la direction de Postes Canada.
Des emplois dangereux
Le rapport sur la responsabilité sociale de Postes Canada note que depuis 2015, les blessures au travail ont augmenté de 46%. De ces 30 774 blessures, environ la moitié, soit 14 751, étaient des blessures invalidantes.
L’entreprise n’assume pas la responsabilité pour les conditions de travail offertes à ses employés, se contentant de dire qu’il « faut en faire plus ». Mais les travailleurs voient ce qui se cache derrière ces déclarations. L’augmentation du volume d’envois signifie que les employés doivent transporter davantage de colis et travailler plus fort et plus vite au détriment de leur sécurité.
Heures supplémentaires involontaires
Quand ce ne sont pas les colis lourds qui entraînent des blessures, ce sont les heures supplémentaires involontaires et obligatoires qui fait augmenter le taux de blessures.
Mike Keefe, employés de Postes Canada, a affirmé au Chronicle Herald que « si vous avez un emploi à huit heures par jour, votre journée de travail devrait être de huit heures, pas dix, onze ou douze, comme il arrive souvent, et pas juste à Noël, désormais, car les trajets ont été surchargés. » Keefe explique que par exemple, à cause de l’augmentation des volumes et des programmes de restructuration, les besoins d’un trajet moyen dans sa zone sont passés de 600 points de remise à 1600.
Le problème découle du fait que la direction tente de couper dans les coûts en mettant la pression sur leurs employés actuels, sans égard à la charge de travail. Jim Gallant, l’agent régional de griefs pour les provinces de l’Atlantique, a déclaré à CBC News : « Il y a beaucoup de gens qui sont forcés de faire des heures supplémentaires plutôt qu’il y ait [une augmentation] des effectifs… À Saint John’s par exemple, cela signifie probablement beaucoup d’heures supplémentaires au lieu d’embaucher dix nouveaux employés. »
Les travailleurs paient pour les « économies de coût » de la direction
De plus, le bulletin syndical du 9 octobre explique que « pendant que nous discutions de la revendication exigeant que l’employeur assume la responsabilité pour la suppléance des absences, l’un des représentants de la Société a déclaré : “Ça coûterait beaucoup trop cher de nous engager dans cette direction”. » Le plus récent bulletin, celui du 20 octobre, montre que la direction refuse de bouger en ce qui concerne la surcharge de travail pour ses employés. « Quand il est question de choisir entre les profits et la santé des travailleuses et des travailleurs, l’employeur choisit les profits », est-il écrit.
Un autre travailleur a écrit sur sa page Facebook : « Lors de ma dernière année à Postes Canada, une femme au comptoir de triage à côté du mien s’est mise à sangloter. Elle était dans la mi-quarantaine et courait des ultramarathons, elle avait été dans l’armée et elle respirait la santé. Elle s’est effondrée en sanglots à son comptoir et a commencé à murmurer qu’elle était une « ratée » (« a fuck up »). Elle ne pouvait pas terminer sa marche à temps et devait faire des heures supplémentaire pour y arriver. Sa marche avait presque doublé comparée à son ancienne marche. Elle respirait la santé. J’étais assez en forme à l’époque, moi qui courait des 5-7 kilomètres quelques fois par semaine lorsque je travaillais pour le syndicat. Je m’entraînais essentiellement pour rester assez en forme pour faire mon travail. Cette femme était une vraie athlète et ne pouvait pas faire son travail. Ils le savent, ils font en sorte que ce soit comme ça. C’est comme ça qu’ils s’assurent que personne ne puisse cumuler une pension ou recevoir les avantages sociaux qui viennent avec l’ancienneté. Ils ne font que blesser les gens en rendant le travail impossible. »
La charge de travail augmente, pas les indemnités
Sans surprise, cette augmentation de la charge de travail n’a pas été accompagnée d’indemnisations significatives.
C’est particulièrement le cas pour les factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS), un métier davantage occupé par des femmes. Un FFRS sur huit a subi une blessure depuis 2015, même si les indemnités ont été environ 30% plus basses que pour les autres travailleurs. Aussi, la direction s’est battue bec et ongles pour que les choses demeurent ainsi. Ces travailleurs et travailleuses sont payés selon la longueur de leurs trajets plutôt qu’à l’heure alors que leur charge de travail s’alourdit. Lorsque le syndicat a demandé que tous ses membres (ruraux, urbains et de banlieue) soient payés à l’heure, la direction a refusé.
La réponse combative
Le mécontentement accumulé s’est exprimé au début du mois de septembre lorsque les résultats du vote de grève ont été annoncés. 93,8% des travailleurs de l’exploitation postale urbaine et 95,9% des FFRS ont voté pour une grève si aucune entente ne survenait.
Sans attendre, des médias de droite ont entamé leur hymne habituel sur la nécessité de contrer la grève en « modernisant » les services postaux de manière à les rendre moins dépendants des travailleurs syndiqués.
Par ailleurs, les porte-parole de la classe dirigeante antisyndicale ont jusqu’à présent gardé le silence sur la grève. Seul un petit magazine, Canadian Underwriter, a affirmé dans un article intitulé « Comment les courtiers doivent se préparer à la grève chez Postes Canada » qu’il avait « contacté le bureau de la ministre fédérale du Travail, Patty Hajdu, pour savoir si une loi de retour au travail est dans les plans ou si le gouvernement compte imposer l’arbitrage obligatoire. Aucune réponse n’avait été donnée en date de mercredi. »
La lutte jusqu’au bout!
Nous ne pouvons entretenir l’illusion que l’entreprise ou les libéraux respecteront passivement le droit des travailleurs à s’organiser et à lutter pour de meilleurs salaires et conditions de travail. Par exemple, le syndicat note dans son bulletin du 21 octobre : « Postes Canada a la mauvaise habitude de tenter de congédier ou d’imposer des mesures disciplinaires aux personnes qui refusent de franchir une ligne de piquetage. »
Le combat pour des salaires justes et des conditions de travail décentes à Postes Canada débute avec une humeur combative. Nous espérons que cela pourra venir à bout de la direction avant qu’elle puisse venir à bout de ses travailleurs. Mais pour y arriver, il nous faut une direction syndicale prête à se battre jusqu’à la victoire en repoussant tous les obstacles que les patrons mettront dans le chemin des travailleurs en lutte pour leurs droits. Il nous faut également l’appui des autres travailleurs et de la jeunesse militante.
Pour rejoindre le contingent de La Riposte syndicale lorsque la grève se transportera à Montréal, suivez la page Facebook ici.
Solidarité avec les postiers et postières! La grève jusqu’à la victoire!