Hier avait lieu dans plusieurs villes du monde la marche mondiale pour le climat, qui a notamment attiré plus de 100 000 personnes à New York et 1500 à Montréal Aussi, dès demain débutera le Sommet de l’ONU sur le climat également dans la ville américaine. Pour l’occasion, nous publions un article sur la question environnementale et la perspective socialiste qu’il importe d’adopter.
La question environnementale est maintenant un enjeu de premier plan aux yeux des travailleurs, des travailleuses et de la jeunesse. Le réchauffement climatique provoqué par l’activité humaine est une évidence. La grande presse relaye fréquemment de nouvelles études scientifiques indiquant que nous fonçons droit dans un mur si le statu quo persiste. La destruction croissante de notre environnement n’est pas qu’un enjeu parmi d’autres : c’est l’existence même de l’humanité qui est mise en péril. Malgré un consensus général selon lequel quelque chose doit être fait, la situation environnementale ne fait que se dégrader d’année en année. Mais il y a une raison à cela. Dans un système basé sur la production pour le profit privé, toutes les autres considérations sont laissées de côté. Mais est-ce que cela signifie qu’il n’y a rien à faire ?
Les chiffrent parlent : un échec lamentable du système à gérer la crise
Même si les preuves d’une crise écologique sans précédent sont nombreuses et étayées, il convient ici de faire un bref portrait de la situation actuelle. Dans le rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publié le 9 septembre dernier, il est indiqué que la concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère a atteint un sommet en 2013 (1). Le dioxyde de carbone est le gaz à effet de serre tenu responsable du réchauffement climatique, et il est en grande partie produit par la consommation d’énergies fossiles.
Le rapport ajoute également que l’acidification des océans, survenant lorsque ceux-ci absorbent davantage de carbone, semble sans précédent depuis au moins 300 millions d’années, et les conséquences de ce fait sont très graves pour la biodiversité.
Également, le 19 août dernier, l’ONG américaine Global Footprint Network révélait que la Terre avait atteint la date théorique où la consommation de ressources naturelles excède la capacité annuelle de la planète à les renouveler. (2)
Enfin, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a publié récemment un rapport sombre sur la question du réchauffement climatique (3). Le GIEC prévenait qu’il faudrait impérativement réduire de manière radicale les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter la « tragédie climatique », faisant référence à l’augmentation de la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère qui est en voie d’entraîner une hausse de la température moyenne de la Terre qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur l’agriculture et la disponibilité de l’eau potable, en plus de faire augmenter le nombre d’événements météorologiques meurtriers. (4) Et il s’agit là de prévisions optimistes, considérant que d’autres scientifiques avancent même la possibilité d’une extinction de la vie humaine d’ici un siècle.
Ces chiffres et ces rapports devraient être suffisants pour démontrer le retentissant échec des capitalistes à gérer la crise dont ils sont grandement responsables. Le protocole de Kyoto, ratifié en 1998, en est un criant exemple, cet accord que notre Premier ministre Stephen Harper a autrefois élégamment qualifié de « complot socialiste. » Dès le départ, Kyoto n’a pas pu inclure l’un des plus gros pollueurs de la planète, les États-Unis. Depuis, le Canada, la Russie et la Japon s’en sont retiré, si bien que les pays signataires ne représentent plus que 15% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. (5) Les grandes nations capitalistes de ce monde sont dans l’incapacité totale de gérer leurs émissions de gaz à effet de serre. Les chiffres démontrent indubitablement ce fait.
Capitalisme et respect de l’environnement sont incompatibles
Mais pourquoi les pays avancés sont-ils si incapables de faire face à l’évidence d’une crise environnementale sans précédent qui se dresse devant l’espèce humaine ?
Une vision petite-bourgeoise en vogue est qu’il suffirait d’une « volonté politique » pour s’attaquer véritablement aux problèmes environnementaux. Les Harper, Couillard, Obama et Cie n’auraient qu’à être remplacés par des dirigeants qui auraient véritablement l’environnement à cœur et il serait enfin possible de faire face à ces enjeux. Pris dans les chaînes du système capitaliste, il s’agit là d’une criante utopie.
Dans la mesure où les dirigeants ne rompent pas avec le système capitaliste, ceux-ci n’auront d’autre choix que de se plier à sa logique. Or, la logique capitaliste implique la recherche du profit coûte que coûte. La compétition entre les pays, particulièrement depuis la crise de 2008, les force à diminuer les restrictions environnementales qui s’avèrent être un frein important pour un investisseur avide de profits immédiats. En effet, pourquoi un investisseur perdrait-il du temps à se plier à des contraintes environnementales alors que, chez le pays voisin, les contraintes sont moindres ? C’est ainsi que s’opère un nivellement vers le bas en matière de protection de l’environnement à l’échelle du globe. C’est l’anarchie du marché qui explique que la terre est sur le point d’atteindre un point de non retour au niveau environnemental – et non la « surconsommation », nous y reviendrons plus loin.
Au Canada, nous avons un exemple frappant du fait que les intérêts privés des capitalistes l’emportent aisément sur les considérations environnementales. La création d’emplois au pays est le fait de l’Alberta : au cours des douze derniers mois, il s’agit de la province ayant eu le plus grand taux de croissance de l’emploi. Or, c’est précisément dû à l’exploitation des sables bitumineux qui s’effectue dans cette province seulement. Dans ce contexte, renoncer aux sables bitumineux sans sortir des chaînes du capitalisme serait catastrophique pour l’économie capitaliste, car la création d’emplois au pays tomberait presque à plat. Le capitalisme canadien repose dans une importante partie sur l’exploitation de cette ressource hautement polluante. Les considérations environnementales sont donc largement écartées. Il est également important de comprendre que les sables bitumineux albertains sont exploités à fond de train, mais que la province compte sur l’exportation pour rentabiliser l’exploitation. Or, il y a maintenant surproduction de pétrole quand on considère la capacité à l’exporter : la firme Ernst & Young envisage même une vente massive des actifs pétroliers. (6) Le Calgary Herald rapportait quant à lui que si les projets d’oléoducs Northern Gateway, Énergie Est et XL Keystone n’étaient pas menés à terme, cela signifierait pour le Canada le renoncement à 1,3 billions de dollars de PIB et 276 milliards en impôts au cours des deux prochaines décennies. (7) L’exportation insuffisante du pétrole albertain est donc une menace sérieuse pour les intérêts économiques du pays, ce pourquoi les projets d’oléoducs susmentionnés sont activement soutenus par les gouvernements fédéral et provincial des provinces concernées, bien que les conséquences environnementales de ces projets soient évidentes.
Évidemment, la subordination des considérations environnementales aux intérêts privés n’est pas le fait du Canada uniquement. Les mêmes logiques se dessinent un peu partout sur le globe. Par exemple, en Inde, le nouveau premier ministre Narenda Modi a décidé d’assouplir les règles de protection de l’environnement afin de relancer les investissements et favoriser la croissance. En effet, les 12 et 13 août dernier, près de 140 projets ont été approuvés par le Conseil national de la faune et de la flore, comme la construction d’un barrage hydroélectrique et d’un oléoduc. Il s’agit d’un nombre jamais vu de projets approuvés en un laps de temps si court. (8) Il s’agit là d’une autre démonstration du fait que lorsque les intérêts capitalistes sont en jeu, les considérations environnementales n’ont plus d’importance.
Changer de style de vie : est-ce là une vraie solution ?
En conséquence de la prépondérance relativement nouvelle des enjeux environnementaux, et devant l’inaction des gouvernements concernant ces enjeux, plusieurs ont proposé comme solution des changements dans le mode de vie individuel. Et ce n’est pas là que le fait d’un ensemble d’individus isolés. On est en mesure de parler ici d’un véritable mouvement : dès leur jeune âge les enfants sont sensibilisés à la « consommation responsable » dans les écoles, et les médias jouent aussi un rôle dans cette éducation. Une panoplie de livres, de sites web, de blogs, d’articles de revue, d’émissions de télé recensent tous les moyens de diminuer son impact individuel sur l’environnement. « Acheter, c’est voter » et « Chaque petit geste compte », pour ne nommer que ceux-là, sont des leitmotivs à la mode depuis un bon moment. On essaye ainsi de nous faire croire qu’il suffirait que chacun de nous modifie légèrement ses habitudes de vie pour que tout revienne à la normale. Mais est-ce qu’une agrégation de choix individuels peut vraiment représenter une solution à une crise environnementale majeure à l’échelle planétaire?
Bien sûr, diminuer sa consommation personnelle, lorsque l’on est en position de faire ce sacrifice, n’est pas une mauvaise chose en soi. L’idée d’avoir en sa possession deux téléphones intelligents paraît pour le moins absurde. Effectuer de manière adéquate son tri est un acte qui a une certaine importance. De plus, cela montre une honnête volonté de changer les choses, ici et maintenant. Mais il n’en demeure pas moins que ces actes isolés et anonymes n’ont pas une portée significative, et que ce n’est pas aux travailleurs et aux travailleuses exploités de porter le fardeau de la crise par des changements dans leur style de vie. Les personnes qui prônent cette approche oublient que par exemple aux États-Unis, l’un des pays les plus pollueurs de la planète, une personne sur six vit dans la pauvreté. (9) La possibilité de diminuer sa consommation personnelle n’est pas à la portée de tout le monde.
Plus encore, le problème de l’environnement est beaucoup trop grave pour avoir pour seule solution de tels changements individuels. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une solution collective. Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que considérant la population immense de notre planète, le fait de ne pas avoir une économie planifiée rationnellement, et de plutôt confier l’économie à l’anarchie du marché conduit à un désastre environnemental complet. Si l’on prend pour exemple le domaine des transports, l’on constate sans surprise que le transport en commun est beaucoup plus respectueux de l’environnement que le « chacun sa voiture ». Pourtant, la construction de voitures se poursuit à un rythme effréné, si bien que l’on se trouve avec de gigantesques parcs contenant des dizaines, voire des centaines de milliers de voitures neuves non vendues un peu partout dans le monde. (10) Un gaspillage si éhonté serait intolérable dans une économie planifiée.
De plus, la crise environnementale n’est pas imputable à une prétendue surconsommation, mais bien au système capitaliste qui produit aveuglément et sans considérations environnementales aucunes. Ce fait est démontré par une recherche publiée dans le journal Climatic Change, étude qui révèle que 90 compagnies sont responsables à elles seules de 63% des émissions de gaz à effet de serre générées depuis le début de l’ère industrielle. (11) Ce que nous voyons ici, c’est qu’une faible part de la pollution atmosphérique est imputable à la consommation individuelle. Ce n’est pas aux travailleurs et aux travailleuses, déjà les principales victimes des calamités du système capitaliste, d’opérer des changements mineurs dans leur mode de vie individuel pour sauver la planète.
Le socialisme : la seule véritable solution
La question de la protection de l’environnement devrait en principe toucher l’ensemble des habitants de la Terre, qu’ils soient prolétaires, paysans, bourgeois, etc. Mais, cela ne veut pas dire que la question environnementale transcende la lutte des classes, loin de là. L’apparente impuissance face aux problèmes environnementaux est intimement liée à la lutte des classes et au système capitaliste, comme nous l’avons montré précédemment. Et la seule conclusion qui s’impose est que le socialisme est l’unique solution possible pour faire face aux défis écologiques.
« Oui, diront certains, mais Marx était pour l’accentuation de la productivité et ne posait pas de question à propos de l’écologie. » Il s’agit là d’une lecture erronée et malhonnête de l’œuvre de Karl Marx. En effet, il est absurde de reprocher à Marx de ne pas avoir répondu à des considérations qui, à l’époque, n’existaient pas. À l’époque de Marx, le système capitaliste n’avait pas encore exploité aveuglément les ressources au point d’amener l’espèce humaine au bord du précipice.
Quoi qu’il en soit, on détecte malgré tout chez Marx des traces évidentes de prise en considération de la question environnementale. Effectivement, il affirme, dans le tome I du Capital : « la production capitaliste ne développe la technique […] qu’en minant en même temps les sources qui font jaillir toute richesse : la terre et le travailleur ». Et dans la Critique du programme de Gotha : « il n’est pas vrai que le travail soit la source de toute richesse, il en est seulement le père, la nature en est la mère ». On saisit ici l’importance que Marx accorde à la nature, lui qui voit que la production capitaliste mine tant le travailleur que la terre.
Une économie planifiée rationnellement s’avère donc être la réelle solution à la crise environnementale qui ne fait que s’aggraver. L’expropriation des capitalistes et la nationalisation des grandes entreprises seraient un énorme pas dans la bonne direction. La gestion des entreprises pour les besoins des populations, par opposition à l’intérêt des actionnaires, pourrait par exemple permettre d’effectuer la transition vers des énergies renouvelables. Au Canada, l’on ne peut penser sortir complètement de l’exploitation du pétrole en un claquement de doigts. Mais la propriété collective de la ressource en permettrait la gestion véritablement responsable, et pourrait à terme mener à la fin complète de son exploitation.
Dans d’autres sphères de la production, une économie socialiste serait bien évidemment débarrassée de l’obsolescence programmée, une invention abjecte du système capitaliste et rendue caduque dans une économie planifiée et socialiste. Nous avons la capacité de produire de la marchandise de haute qualité, durable et accessible à tous et à toutes. Nous avons également les moyens matériels d’offrir un large système de transport en commun, de qualité et gratuit. Mais cela ne peut se produire sous l’emprise des intérêts égoïstes d’une poignée de capitalistes.
Il est important de rajouter en terminant qu’en aucun cas, la question environnementale ne peut être la seule justification pour le passage au socialisme. Elle n’est qu’une raison de plus de s’opposer vigoureusement au destructeur système capitaliste. Abstraction faite de la crise environnementale, il s’agit tout de même d’un système basé sur l’exploitation et créateur de monstrueuses inégalités.
Le système capitaliste retient l’humanité en arrière, et détruit en plus l’environnement dans lequel l’humanité se meut. Marx disait que « la nature est le corps inorganique de l’homme », et le capitalisme est en train détruire ce corps. Les scientifiques envisagent un sombre avenir pour la vie humaine à court terme si nous ne modifions pas drastiquement notre mode de vie. La lutte pour le socialisme n’est maintenant rien de moins qu’une lutte pour la survie d’humanité. Nous sommes en faveur d’une révolution qui permettrait de réorganiser la société et l’économie en fonction des besoins de la population, et ainsi jeter les bases d’une société réellement respectueuse de l’environnement.
3 – http://www.notre-planete.info/actualites/actu_2447_extinction_espece_humaine.php
6 – http://www.huffingtonpost.ca/2013/02/10/ernst–young-oil-patch-selloff_n_2657766.html
7 – http://www2.canada.com/story.html?id=7774292
9 – http://www.democracynow.org/2011/9/14/us_census_reports_reveals_one_in
10 – http://www.zerohedge.com/news/2014-05-16/where-worlds-unsold-cars-go-die