Québec solidaire est en crise. Avec la démission de la co-porte-parole Émilise Lessard-Therrien, ce que beaucoup d’entre nous voyions se produire en coulisses est maintenant révélé au grand jour. Une petite clique de bureaucrates autour de Gabriel Nadeau-Dubois est en train de transformer Québec solidaire en un parti social-démocrate comme les autres.
Cette crise a pour toile de fond la stagnation de QS. Celle-ci se produit malgré des circonstances extrêmement favorables, avec l’effondrement de l’appui au gouvernement de la CAQ. Avec leur opportunisme constant, Gabriel Nadeau-Dubois et sa clique se sont assurés que QS ne devienne pas un pôle d’attraction pour la colère ambiante. Les réunions du parti affichent un faible taux de participation, les finances sont en difficulté et il a fallu supprimer des postes.
Comme l’explique Lessard-Therrien dans la publication sur Facebook annonçant sa démission : « Je voulais qu’il [QS] ne se laisse pas effacer par les habituels compromis, les calculs d’image et les indicateurs de votes. Je voulais qu’on se remette à éveiller l’enthousiasme pour ce projet, plutôt que de se mettre à la remorque de ce qui est “gagnable” à court terme. »
En réponse, Gabriel Nadeau Dubois s’est montré plus transparent que jamais dans les médias, déclarant qu’il ne s’agissait pas d’un conflit de personnalités mais d’un « conflit politique ». Pour expliquer cela, il a opposé sa vision à celle de nombreux autres membres du parti en expliquant que : « Je crois que Québec solidaire doit devenir un parti de gouvernement. »
La contradiction fait surface
Québec solidaire a été créé en 2006 « pour faire de la politique autrement », comme le dit Lessard-Therrien. Le parti était en fait un rassemblement de la gauche québécoise, comprenant entre autres plusieurs groupes communistes. Dans son manifeste de 2009, le parti affirme que « Ceux qui veulent “refonder le capitalisme” passent à côté des vraies questions. Nous croyons qu’il faut plutôt le dépasser ». En outre, le programme du parti contient de nombreuses propositions radicales telles que la nationalisation de certains secteurs de l’économie, y compris les institutions financières.
Lorsque QS a été fondé, la « troisième voie » de Tony Blair, dont le gouvernement travailliste a soutenu la guerre en Irak et appliqué des mesures d’austérité à l’encontre des travailleurs et des jeunes en Grande-Bretagne, suscitait une saine répulsion. De façon semblable, le souvenir des trahisons du gouvernement néo-démocrate de Bob Rae en Ontario dans les années 1990 était frais dans les esprits. QS a été fondé en opposition à ces partis discrédités.
Ironiquement, l’argument de Nadeau-Dubois qui veut faire de QS un « parti de gouvernement » est presque mot pour mot l’argument que Blair a utilisé contre la gauche du parti travailliste lorsqu’il a dit « Le pouvoir sans principes est stérile, mais les principes sans pouvoir sont futiles. Notre parti est un parti de gouvernement, et je le dirigerai comme un parti de gouvernement ». Cela a signifié l’abandon du programme du parti et l’exécution loyale et « réaliste » des diktats du capital.
Cependant, dès la naissance du parti, il existait une contradiction entre l’impulsion initiale qui a donné naissance à QS et les pressions de la société capitaliste, auxquelles les dirigeants se plient constamment. Ce conflit devait éclater tôt ou tard. Au fil des ans, et en particulier avec l’arrivée de GND comme leader, l’aile ouvertement réformiste a clairement pris le dessus. Le lent processus d’élimination des racines anticapitalistes du parti est maintenant apparu au grand jour.
Il suffit de regarder qui défend GND pour comprendre ce qui se passe. Richard Martineau, animateur et chroniqueur réactionnaire, est allé jusqu’à dire qu’il s’agissait d’une bataille entre les « réalistes » et les « utopistes » et « je pensais jamais dire ça, mais je suis du côté de Gabriel Nadeau-Dubois ».
L’ancien chef péquiste Jean-François Lisée a également déclaré qu’il signerait volontiers le nouveau document programmatique de la direction de QS (la « Déclaration de Saguenay »), tandis que l’ancienne députée libérale Marie Montpetit a déclaré que ce document pourrait très bien avoir été rédigé par le Parti libéral. Qu’il est loin le temps où Lisée accusait QS d’être « ancré dans le marxisme »!
Les marxistes avaient raison!
La trajectoire de QS ne devrait pas nous surprendre. Comme les marxistes de la Tendance marxiste internationale (bientôt l’Internationale communiste révolutionnaire!) l’ont constamment souligné : « À moins que le parti ne s’engage résolument à rompre avec le système capitaliste, toutes les réformes pour lesquelles le parti se bat ne seront pas du tout “réalistes” ou “pragmatiques”; les capitalistes le forceront à capituler d’une manière ou d’une autre. » Et c’est précisément ce qui s’est passé.
La soi-disant direction « réaliste » et « pragmatique » du parti a capitulé sur toutes les questions. GND et sa clique sont allergiques à tout ce qui peut faire paraître le parti « radical ». En conséquence, QS arrive de moins en moins à se distinguer du PQ, qui a été propulsé en première place dans les sondages.
Parfois, QS est complètement indistinguable des partis de l’establishment. En mars dernier, comme s’il s’agissait d’un parti capitaliste comme les autres, QS a promis des allégements fiscaux aux promoteurs immobiliers pour encourager la construction de logements. L’une de ses premières déclarations sur le campement pro-palestinien à McGill a été faite par le député Alexandre Leduc, qui a affirmé que les étudiants avaient le droit de manifester, mais que McGill aussi avait « le droit d’aller en cour et de demander de l’aide ». Une telle déclaration aurait été impensable il y a une dizaine d’années.
Il est vraiment ironique d’entendre GND parler de sa volonté de gouverner, alors qu’il a présidé à la stagnation et au déclin du parti au cours des six dernières années. Il n’a aucune leçon à donner à qui que ce soit sur ce point.
Il est toutefois possible que tous les partis politiques bourgeois soient tellement discrédités que QS finisse par prendre le pouvoir. Mais les capitalistes québécois forceraient également QS à capituler et à renoncer à toute mesure significative pour améliorer la vie des travailleurs ordinaires. Comme les grandes décisions sont prises dans les salles de conférence des conseils d’administration et non au parlement, le pouvoir économique des grands capitalistes, à moins d’être fondamentalement remis en question, est décisif. Telle est la leçon du gouvernement de Bob Rae en Ontario.
La seule façon de sortir de cette contradiction serait d’adopter un programme socialiste clair qui ne respecte pas les relations de propriété capitalistes. Bien que cela puisse ne pas être « réaliste » pour le parlement bourgeois ou le système capitaliste, c’est le seul moyen réaliste de mettre en œuvre les propositions radicales contenues dans le programme original de QS.
Malheureusement, la gauche à l’intérieur de QS n’a pas compris ce fait. Alors que les marxistes mettaient en garde contre l’opportunisme de la direction, la gauche du parti a fait l’autruche et a systématiquement capitulé sans combattre.
Aujourd’hui, en réponse à la crise, 40 d’entre eux ont publié une lettre ouverte, dans laquelle ils dénoncent à juste titre l’opportunisme de GND et le fait que ce soi-disant pragmatisme est en fait une capitulation devant les limites fixées par les « élites médiatiques et économiques ».
Et pourtant, ils ne se prononcent toujours pas en faveur d’un programme socialiste clair et s’accrochent à de vagues appels à « réinventer du tout au tout notre démocratie en faillite », à une « nouvelle Constitution » et à un « mouvement social ».
Ils ne comprennent toujours pas que la seule façon d’avoir une véritable démocratie est de se débarrasser de la classe dirigeante, de son État et du système capitaliste qu’il défend. Peu importe les réinventions et les réécritures, les travailleurs et les pauvres n’auront jamais vraiment leur mot à dire dans un monde où nous permettons à une poignée de banquiers et de patrons de posséder l’économie.
En fait, aucune des deux ailes de QS ne veut réellement renverser le capitalisme.
Voilà pourquoi nous fondons le PCR : pour organiser le renversement des bandits qui nous maintiennent dans la pauvreté, dans la faim, dans des logements pourris, dans la guerre. À tous les solidaires déçus, à ceux qui votaient ou votent encore QS mais sans grande conviction, à ceux qui n’en peuvent plus des compromis pourris, qui refusent d’accepter toujours moins et de continuer de se plier en quatre devant les riches et les puissants, à ceux qui veulent se battre, nous disons : le PCR est votre parti.