Cet article est l’éditorial du numéro 7 de Révolution communiste. Maintenant imprimé en papier journal depuis peu, le nouveau Révolution communiste a plus d’espace pour les nouvelles, les analyses, la théorie et les contributions de nos lecteurs! Abonnez-vous ici!
« Puissiez-vous vivre une époque intéressante » : cette expression supposément tirée d’une vieille malédiction chinoise résume bien notre époque. Quiconque s’imaginait pouvoir vivre une vie simple et tranquille risque d’être déçu.
Le rythme de l’histoire s’accélère. Les événements se précipitent, se fracassent et s’empilent comme des voitures s’emboutant les unes dans les autres.
La bourgeoisie d’occident traverse une crise historique de ses partis et institutions. Les élections qui ont lieu dans un nombre record de pays cette année agissent comme catalyseur d’une crise politique qui se prépare depuis longtemps – l’expression sur le plan politique de la crise existentielle du capitalisme.
Au Royaume-Uni, le Parti conservateur, ce pilier du système capitaliste, fondé en 1834, a subi sa pire défaite de tous les temps.
En France, l’extrême droite est passée à un cheveux d’une majorité parlementaire, et l’assemblée législative est complètement bloquée, sans solution en vue.
Aux États-Unis, les événements ont pris une tournure dramatique avec la tentative d’assassinat sur Trump. Sa victoire le 4 novembre est maintenant virtuellement assurée. C’est la panique dans la classe dirigeante. Joe Biden a été contraint de se retirer de la course après sa prestation désastreuse lors du débat des candidats à la présidentielle. Les démocrates se rallient maintenant à contrecœur derrière Kamala Harris comme candidate, mais personne ne semble avoir confiance en elle.
Le discours victimaire de Trump apparaît confirmé : il est le pourfendeur de l’ordre établi, contre qui les ennemis du peuple américain sont prêts à tout, de poursuites en justice jusqu’à une tentative d’assassinat. L’extrême droite sera renforcée et se sentira légitime de passer à l’offensive.
Trump au pouvoir mènera des attaques graves sur les travailleurs, les femmes et les minorités, et le mouvement ouvrier aura le devoir de se mobiliser massivement pour les bloquer. Mais ce n’est pas cela qui fait peur à la classe dirigeante.
Le danger pour elle est que la présidence de Trump accélérera massivement la radicalisation des masses américaines. Il est complètement imprévisible et ne respecte aucune des institutions traditionnelles de l’État bourgeois, et les travailleurs cesseront en masse eux aussi de les respecter. Il est un pyromane qui jette de l’huile sur le feu de la révolution.
Le Canada n’est pas isolé de ce processus de radicalisation. La frontière entre les deux pays est extrêmement poreuse.
La crise n’est pas aussi avancée au Canada, mais il ne manque déjà pas de matériaux combustibles.
La crise du logement en particulier pèse lourdement sur la conscience de millions de familles ouvrières. Pas étonnant que Pierre Poilievre, cette version canadienne cheapo de Trump, martelle cet enjeu. Mais ni ses propositions libertariennes débiles ni les mesurettes libérales ne règleront la crise. Personne dans la classe dirigeante canadienne ne veut vraiment s’y attaquer.
La tuerie en Palestine aussi, qui continue avec une persistance horrifiante, fait bouillir de rage des millions de jeunes et de travailleurs. Ils voient bien la complicité de notre classe dirigeante et de ses partis, qui continuent de soutenir Israël, et qui répriment ceux qui osent s’opposer à ce crime monumental.
La classe dirigeante a obtenu ce qu’elle souhaitait avec la fin du mouvement des campements sur les campus. Alors que plusieurs campements ont choisi par eux-mêmes de décamper, les campements ont reçu le coup de grâce avec la descente scandaleuse de la police et de la sécurité privée à l’Université McGill, là où tout a commencé. Si nous devons tirer une leçon de cette phase, c’est la nécessité d’un véritable mouvement de masse, et non de petites actions menées par de petites cliques d’activistes.
Maintenant, la prochaine étape du mouvement pour la Palestine se présente clairement : cet automne à la rentrée, une grève étudiante contre le génocide doit être organisée. Voilà l’idée que les communistes se préparent à défendre.
Génocide, montée de l’extrême droite, « violence politique », répression, conditions de vie qui continuent de décliner : devant ces symptômes d’un système en chute libre, la gauche sombre dans la démoralisation.
La seule façon de garder sa tête est de voir le revers de la médaille : la crise profonde de la société présente aussi d’immenses occasions pour les révolutionnaires. La classe dirigeante peine à défendre la légitimité de son système. Ces événements détruisent les illusions qu’ont des millions de gens envers les institutions du capitalisme.
Si de plus en plus de gens se tournent vers des démagogues, c’est parce qu’ils savent que la situation ne peut pas continuer comme ça. Les défenseurs du statu quo ont l’air encore plus fous que Trump.
Ce qu’il manque c’est que les communistes s’organisent et montrent le chemin hors de ce système pourrissant. Il nous faut expliquer sans relâche que la cause profonde des problèmes des gens se trouve dans le capitalisme en crise.
Pour paraphraser Marx, sous la surface, dans la conscience de millions de gens, la vieille taupe de la révolution creuse, creuse, creuse, sapant les fondations idéologiques du système. Mais l’histoire s’accélère. Nous devons avoir un sentiment d’urgence. Les révolutions surviennent avec autant de certitude que l’enchainement des saisons. Il nous appartient toutefois d’être prêts pour mener la prochaine à la victoire.