Après des années devant les tribunaux, la Cour supérieure a jugé inconstitutionnelle la loi de retour au travail utilisée par le gouvernement libéral Couillard pour briser la grève des travailleurs de la construction en 2017. Toutefois, nous ne devrions pas nous faire d’illusion : le mal est fait, et la grève de 2017 a été vaincue. Pour combattre les lois de retour au travail, il faut cesser de se fier sur les tribunaux et être prêts à défier ces lois antidémocratiques.
En mai 2017, ce sont quelque 175 000 travailleurs du secteur de la construction qui entraient en grève générale illimitée. À l’époque, les patrons voulaient faire commencer la journée de travail plus tôt et la faire finir plus tard, tout en offrant une augmentation salariale méprisante (1,6% par année pendant quatre ans). Les travailleurs organisés par l’Alliance syndicale s’étaient munis de mandats de grève très forts, allant de 93% à 99% dépendamment de la région.
Avant même le début de la grève, le gouvernement Couillard avait menacé les travailleurs d’une loi spéciale de retour au travail. Puis, après seulement cinq jours de grève, l’Assemblée nationale adoptait la loi et leur enlevait le droit de grève. Ces lois sont des attaques claires envers un droit démocratique fondamental des travailleurs. C’est d’ailleurs ce qu’a affirmé le juge Frédéric Péladeau : « Cette entrave substantielle à la négociation collective ne se justifie pas dans une société libre et démocratique. » Voilà pourquoi nous avions appelé à l’époque à la désobéissance.
Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement au pouvoir retire aux travailleurs le droit de faire la grève à l’aide d’une loi spéciale. Et à chaque fois, c’est la même histoire. Le gouvernement affirme que la grève serait trop dommageable pour l’économie, et qu’il faut donc forcer les ouvriers à revenir travailler. Quelques années plus tard, la loi est invalidée en cour.
Les patrons et le gouvernement savent très bien que les lois spéciales seront déclarées illégales des années plus tard, mais continuent de les utiliser, car ils savent que cela permet de briser l’élan d’une grève et gagner une victoire immédiate. Les patrons n’ont donc aucun intérêt à négocier pour vrai, puisqu’ils savent qu’une loi spéciale viendra à leur rescousse, et ne se préoccupent pas qu’un tribunal vienne taper sur les doigts du gouvernement des années plus tard.
La FTQ-construction a déclaré que ce jugement était une victoire. Pourtant, on ne peut pas revenir en arrière : la grève elle-même a quand même été cassée par cette loi illégale. Se plier à la loi et compter sur les tribunaux pour rendre justice plus tard ne fonctionne pas.
Si on veut que ces lois antidémocratiques arrêtent de briser nos grèves, alors il faut que nos directions syndicales soient prêtes à les défier sur le moment.
Nous avons récemment eu un bon exemple de comment défier ces lois. En novembre dernier, le gouvernement de Doug Ford en Ontario a imposé une loi spéciale aux travailleurs et travailleuses du secteur de l’éducation. Ces derniers ont répliqué en défiant la loi avec une grève de deux jours. Les syndicats ontariens l’ont menacé d’une grève générale, et sous cette pression, le gouvernement ontarien de Doug Ford a été obligé de reculer et de retirer la loi. Cela montre l’immense pouvoir de la classe ouvrière, qui une fois mobilisée, rend ces lois inapplicables.
Le mouvement ouvrier québécois devrait s’inspirer de ses camarades ontariens, car tant que ces lois ne seront pas défiées, les patrons continueront de les utiliser.