Article publié dans la nouvelle édition du journal de la section marocaine de la TMI du mois de juillet 2017. Il aborde l’avenir du soulèvement populaire dans le Rif.
Après plus de sept longs mois de luttes héroïques, malgré la répression et le blocus, le mouvement est entré dans une phase décisive. Il est arrivé à un stade critique de son développement qui peut se résumer par l’absence d’un programme, d’une direction et d’une organisation révolutionnaires.
Ces lacunes ont certes accompagné le mouvement depuis sa création ; mais elles ont été initialement (et temporairement) comblées par la présence de dirigeants honnêtes, courageux et très combatifs, des dirigeants de terrain, clairement hostiles au régime dictatorial. Ces dirigeants ont refusé toute concession sur les revendications du mouvement et se sont méfiés avec raison des faux amis, en particulier des partis bourgeois ou « des boutiques ».
L’État a essayé durant des mois de briser ces dirigeants par la répression et le harcèlement et a également cherché à les acheter. Mais ils ont opposé à ces tentatives une fermeté révolutionnaire héroïque et une honnêteté impressionnantes.
Pour ces qualités, les masses populaires leur ont fait confiance, les ont aimés et se sont regroupées autour d’eux, permettant au mouvement de continuer à se développer malgré ses propres faiblesses, surpassant également la répression et le blocus.
Le régime l’a bien compris ; il a donc attendu le bon moment pour bondir sur les dirigeants avec une vague d’arrestations rapides et brutales (en utilisant raids nocturnes, enlèvements, tortures, etc.). Aujourd’hui, le nombre de détenus s’élève à plus de 140 personnes.
Nous avions prévu cette évolution dans un article de novembre 2016, quand le mouvement était encore au plus haut de sa puissance ; nous avions averti nos jeunes camarades révolutionnaires et les masses par ces mots :
« Le plan du régime est clair : son objectif stratégique consiste à enterrer le mouvement, mais il sait que pour atteindre cet objectif, il devra suivre plusieurs étapes tactiques :
[…] – isoler le mouvement à Al Hoceima des régions avoisinantes.
– Tracer des lignes rouges pour le mouvement, et passer à l’étape suivante dès qu’elles sont « franchies »
– Préparer la répression contre les manifestants et en particulier contre les dirigeants du mouvement ».
Nous avions également noté : « […] Dès qu’il en aura l’opportunité, [le gouvernement] va attaquer les dirigeants et se venger d’eux et, à travers eux, des masses qui ont « osé » lever la tête et contester son pouvoir ».
Nous avions signalé que : « il ne va pas se limiter à l’utilisation des forces de répression, mais aussi recourir à des bandes de voyous et de mercenaires, à la jeunesse des partis officiels et à des ONG pour saboter le mouvement. Le PAM (Parti Authenticité et Modernité) et le PJD (Parti de la Justice et du Développement) vont se mettre en action, ainsi que tout le reste des chiens du pouvoir, soit en essayant de séduire soit en attaquant, avec le but de miner le mouvement de l’intérieur et de l’éliminer complètement ».
Et nous avions conclu que : « Nous sonnons l’alarme, nous ne devrions avoir confiance que dans nos propres forces, nous ne devrions avoir confiance que dans les jeunes et les combattants de la liberté qui ont prouvé leurs mérites sur le terrain et dans les dirigeants que nous élisons démocratiquement.
Tous les efforts seront déployés par le régime pour isoler le mouvement à Al Hoceima du reste du Maroc, en le présentant comme un mouvement de certains « séparatistes » « racistes » qui sont intéressés uniquement par la division du pays.
Pour mettre en place cette tactique, le régime passera par des associations qui utiliseront un discours raciste séparatiste, qui pourront attirer une certaine jeunesse marginalisée et défavorisée. Nous comprenons les sentiments de colère, de frustration et de rancœur ressentis par ces jeunes, mais en même temps nous leur recommandons de ne pas faire confiance à ces demandes fourbes d’isoler leurs luttes des luttes de la classe ouvrière et de tout le reste des travailleurs marocains dans l’ensemble des villes et villages du Maroc ».
C’est ce qui est arrivé. Ces derniers temps, le régime dictatorial a accéléré le rythme de la répression, pas seulement à Al Hoceima, mais partout au Maroc, même contre les manifestations de solidarité pacifiques ayant eu lieu dans d’autres villes. Ces manifestations ont souffert d’une répression sauvage, où le régime a utilisé, de pair avec la police, des voyous criminels, des délinquants et des vendeurs de drogue, ainsi que toutes sortes de petits voleurs et leurs semblables, unis sous le slogan menteur : « non au désordre! »
Il a également essayé de faire émerger de nouveaux « chefs » du mouvement, choisis parmi les éléments les plus enclins aux concessions, les plus arriérés, que les médias ont transformés, du jour au lendemain, en des « leaders », des « dirigeants » et des « symboles » du mouvement. Ces « leaders » choisis par le régime ne ratent aucune occasion de mettre l’accent sur « leur loyauté envers le roi », réclament son intervention pour résoudre les problèmes et répondre aux demandes!
On a vu aussi l’apparition de personnages pourris, de symboles du régime oppresseur : par exemple Zyan, ancien ministre dans les gouvernements de Hassan II et avocat du gouvernement contre l’opposition et les dirigeants syndicaux pendant les années 1990, ennemi féroce du mouvement 20 février, et organisateur des voyous contre le mouvement il y a quelques années seulement ; ou encore Hassan Ourid, ancien porte-parole du palais royal, ancien gouverneur de Meknès et ami du roi, ainsi que des journalistes, des avocats, etc. Le régime tire avantage du vide résultant de l’arrestation des dirigeants combatifs ainsi que du choc de la répression et des vagues d’arrestations sur les masses.
En pleine connaissance de cause, ces nouveaux « leaders » sont tous occupés à courtiser le mouvement et à considérer ses revendications comme légitimes. Mais s’ils se sont imposés comme porte-paroles des manifestants, des prisonniers et du mouvement, c’est pour faciliter son détournement et lui arracher griffes et dents, en vue de son élimination finale.
Bien avant le déclenchement de la mobilisation actuelle, directement après le ralentissement du 20 février, beaucoup de gens de gauche prônaient la réanimation du mouvement ou professaient, désespérés, qu’il n’y avait aucun espoir.
Nous, les marxistes, avons écrit de nombreux articles qui analysent les limites du mouvement du 20 février et les raisons de sa défaite. Les événements actuels confirment notre analyse : la lutte des classes va vraiment reprendre.
Nous avons également alerté la jeunesse révolutionnaire sur la nécessité de se préparer, en développant une conscience de classe et en s’organisant. Dans notre article intitulé « Nos Perspectives pour le mouvement du 20 février », écrit en 2013, nous déclarions ainsi :
Nous considérons que le mouvement du 20 février demeurera une lueur d’espoir dans l’histoire de notre peuple, mais nous considérons qu’elle est dépassée […] Il s’agit de la loi de la lutte des classes, négation de la négation. Notre position est une invitation aux autres courants de gauche à se préparer aux mouvements révolutionnaires qui vont éclater, plutôt que de s’enliser dans des conflits marginaux au sein de réunions de sectes, qui ne font que drainer les énergies ».
Et dans notre article « Le Mouvement du 20 février, quatre ans après son commencement », écrit en février 2015, nous expliquions :
« Le matérialisme dialectique nous a appris que tout ce qui existe est condamné à l’extinction, dans un processus de négation sans fin. Ce serait donc une grave erreur de transformer le mouvement [du 20 février] en un objet de culte. La jeunesse révolutionnaire et les militants de gauche doivent regarder l’arbre vert de la vie […]
La réalité nous promet des luttes et des batailles héroïques des ouvriers, des jeunes et des masses ; nous devrions nous y engager et les fertiliser par la conscience révolutionnaire. Il ne faut pas s’isoler sous prétexte de réanimer un mouvement qui n’est en fin de compte qu’un épisode de la longue série de la lutte de classe ».
Et nous ajoutions : « la lutte révolutionnaire est une question sérieuse […]. Nous devons travailler à en construire les outils et à la préparer sérieusement pour la prochaine phase qui va inéluctablement se produire, et qui portera avec elle la promesse d’une victoire et d’un changement ».
Notre compréhension du mouvement du 20 février nous a permis de prévoir le dernier soulèvement. Il était certain qu’il se produirait, et que la classe ouvrière ainsi que la jeunesse révolutionnaire et tous les opprimés se battraient à nouveau. Et nous savons qu’ils se soulèveront encore et encore, pour lutter contre l’exploitation et contre la dictature.
Cette conviction découle de notre compréhension de la nature de notre époque : elle est la phase la plus turbulente de l’histoire, au niveau international et national, comme nous l’avons expliqué dans le document de Perspectives pour le Maroc d’avril 2016 :
« La nouvelle phase dans laquelle nous sommes entrés, aussi bien à l’échelle mondiale, régionale que nationale, est d’une part la phase de la faillite totale du capitalisme et des attaques à coup austérité et d’exploitation et, d’autre part, la phase de la montée des luttes, de la radicalisation et des soulèvements massifs des travailleurs, étudiants, jeunes, chômeurs, et des pauvres en général, contre la dictature, le capitalisme, l’austérité, l’exploitation et la marginalisation.
[…] Le sentiment de ras-le-bol s’accumule partout au sein des masses ; certains ont déjà commencé à se battre et d’autres le feront inévitablement au cours de la prochaine période. Le système capitaliste n’a rien à leur offrir, sauf la répression. »
Nous avons affirmé que : « les masses se soulèveront à plusieurs reprises pour se battre pour de multiples revendications économiques et politiques, testant les partis les uns après les autres et faisant pression sur les syndicats, ce qui provoquera le déclenchement de luttes à l’extérieur des organisations. »
Nous avons également dit que « cela ne signifie pas que le mouvement révolutionnaire rencontrera une route pavée de triomphes d’un bout à l’autre. Bien au contraire : en l’absence d’une direction révolutionnaire, les grandes victoires iront main dans la main avec de sévères défaites, pendant une longue et pénible période ».
Au cours de cette période turbulente, dans les moments où le reflux des mouvements est une réalité et où tout le monde semble désespéré, notre tâche est de tirer les conclusions nécessaires à la poursuite de la lutte, d’inviter les jeunes à restaurer l’espoir et de nous préparer pour l’inévitable soulèvement suivant. Lorsque le soulèvement devient une réalité, notre rôle est de mettre en avant les slogans appropriés, pour que ce soulèvement se développe sur les plans politique, organisationnel et programmatique, tout en expliquant les dangers, les lacunes et les complots du régime et des ennemis.
Notre mission, à nous les marxistes, c’est d’expliquer les perspectives, de clarifier les risques qui menacent le mouvement et de proposer une alternative aux jeunes engagés dans la lutte ; il ne s’agit pas de se contenter d’encenser les avancées du mouvement, à l’instar de tous ceux qu’une fascination naïve empêche de voir les risques ou les faux amis qui courtisent le mouvement pour pouvoir tromper plus facilement les masses.
Par conséquent, nous disons clairement que le mouvement actuel a atteint le maximum permis par les formes d’organisation et les slogans utilisés jusqu’à maintenant. Le régime a déjà commencé à reprendre la main avec une campagne de répression dans les rues, couplée aux arrestations de la plupart des dirigeants les plus combatifs, pour les éloigner du mouvement (puisque le régime a été incapable de les acheter). Parallèlement, le régime essaye par divers moyens de mettre en avant les nouveaux « dirigeants » dont l’entièreté du programme consiste à appeler à l’intervention du roi et à lui exprimer leur « pleine confiance ». Il les transforme en symboles et les nomme « leaders » pour faciliter leur manipulation et leur collaboration en vue de l’élimination du mouvement.
Le régime a également repris l’initiative au niveau national, où il a réussi à interrompre les efforts de développement de nombreux mouvements de solidarité dans d’autres villes du Maroc. Cette solidarité aurait pu permettre de briser le siège sur le mouvement dans le Rif et lui aurait donné un nouveau souffle. Son écrasement témoigne de la volonté d’empêcher que le mouvement rifain ne se transforme en un nouveau printemps marocain. Pour mener cette répression brutale et éliminer toute possibilité de radicalisation du mouvement, le régime a recours à l’armée, aux voyous payés pour attaquer les manifestations pacifiques, et également à l’infiltration des manifestations et des comités de soutien par des agents provocateurs et par les partis royalistes réactionnaires.
Face à cette situation, il ne reste pas d’autre choix au mouvement que de développer ses formes d’organisation, d’avoir des tactiques claires, valables, et une direction démocratiquement élue, que les masses peuvent contrôler et révoquer à tout moment… s’il ne veut pas échouer complètement. Cela ne signifie pas que le mouvement va s’arrêter immédiatement ; nous pensons au contraire qu’il est en mesure de continuer pendant un certain temps grâce aux sacrifices héroïques des jeunes révolutionnaires et des prolétaires.
Mais cette continuité ne serait rien de plus que l’élan résiduel de la phase précédente [1], car les masses ne peuvent pas rester en ébullition en continu, en l’absence d’organisation et d’horizon clair.
Nous attirions déjà l’attention sur cette loi dans le document « Perspectives pour le mouvement du 20 février » : « Celui qui connaît un peu le déroulement des mouvements de masse révolutionnaires sait certainement que la révolution n’est pas un cortège triomphal de victoires en ligne ascendante. C’est un processus complexe avec des hauts et des bas, combinant de brillantes victoires et les défaites les plus sombres, voire des régressions.
Celui qui connaît un peu les mouvements de masse sait que les masses ne peuvent pas rester dans les rues en perpétuelle ébullition lorsqu’aucun horizon clair n’apparaît. Que les masses sont capables des plus grands sacrifices (et elles l’ont déjà montré), mais dans certaines limites et pour certains objectifs. Les masses protestent avec le plus grand sérieux […] par conséquent, elles en attendent des résultats concrets ».
Que faire maintenant?
Puisque nous célébrons cette année la centenaire de la Révolution socialiste d’Octobre 1917, grâce à laquelle la classe ouvrière russe a renversé le régime autoritaire tsariste, il serait très utile d’apprendre de ses riches leçons. Une de ces leçons est que la classe ouvrière russe, quand elle s’est mobilisée contre le régime tsariste, a bâti des conseils démocratiquement élus dans les usines, les universités, les casernes militaires, les quartiers pauvres et les villages.
Ces conseils n’étaient pas le fruit de la créativité de Lénine ou de Trotsky, mais le résultat de l’initiative des travailleurs eux-mêmes. Grâce à ces conseils, la classe ouvrière russe, les paysans pauvres et les soldats révolutionnaires ont réussi à construire l’État qui était, avant son déclin staliniste, l’État le plus démocratique de l’histoire.
Nous avons observé la même chose au cours de la révolution tunisienne, qui, à son tour, a vu l’émergence de comités des quartiers et des provinces, qui ont joué un rôle important dans le développement de la révolution, dans sa continuité et son extension. Ils étaient l’embryon du pouvoir populaire face à l’État bourgeois, finalement trahis par les réformistes (Le Front populaire) qui ont préféré une coopération avec l’ancien régime, en prétextant que « la situation n’était pas mûre » pour la construction des organes du pouvoir ouvrier.
« Des conseils populaires, des conseils des travailleurs, des jeunes révolutionnaires, des femmes pauvres et des paysans, dans les lieux de travail, les écoles et les quartiers populaires, et la coordination de ces conseils par des représentants élus dans des rassemblements publics, contrôlés et révocables à tout moment par ceux qui les ont élus », tel est le slogan que nous devons mettre à l’ordre du jour. Le mouvement doit avoir une direction démocratiquement élue. Ce n’est qu’ainsi que nous serons en mesure d’empêcher le régime et ses agents de pénétrer dans le mouvement et d’y imposer ses soi-disant « leaders ».
Nous ne devons avoir confiance que dans nos propres forces! Nous ne devons avoir confiance que dans les comités et conseils démocratiquement élus. Pas de confiance dans ces « amis » qui sont soudainement apparus et qui ont commencé à parler au nom du mouvement, pour lui imposer des limites, au profit des maîtres qui les ont envoyés, comme Zyan et les autres. Ils flattent aujourd’hui le mouvement pour l’utiliser ensuite dans leurs projets politiques et pour pouvoir finalement le saboter.
Nous devons travailler immédiatement, par le rassemblement des masses, à la formulation d’un programme destiné à exprimer toutes leurs demandes, reliant dialectiquement les demandes économiques (infrastructure, fin de l’exploitation, etc.) et politiques (la libération des détenus politiques, la poursuite en justice des responsables de l’assassinat de Mohsin et des martyrs du 20 février, ainsi que des responsables de la répression des manifestations, le renversement de la dictature et de la tyrannie) et qui élargiront les perspectives de mouvement sur une transformation radicale de la société.
Dans ce contexte, règne l’illusion (diffusée par les faux « amis » du mouvement et certains crédules) que si on se limite à des revendications purement économiques et « simples », la réponse de l’État sera favorable, et que si nous abandonnons la condamnation des symboles de la corruption en faveur d’un compromis appelant à l’« intervention » du Roi et à la « bienveillance » du gouvernement, etc., l’État agira avec tendresse et la solution viendra rapidement. « Il suffit de demander une intervention royale afin de résoudre tous les problèmes », nous disent ces charlatans.
Demander de construire un hôpital et une université n’est-il pas une demande simple? Combien cela va coûter? Quelques milliards de centimes? Ce ne sera même pas à la hauteur de ce qu’a coûté le château en Grèce que la femme du roi a récemment acheté pour y passer ses vacances : 3,8 millions d’euros, soit environ 42 millions de Dirhams, soit 4,2 milliards de centimes! Et, bien sûr, cela n’atteindra même pas une fraction de l’énorme quantité du budget public absorbée par le palais, qui dépasse 200 milliards de Dirhams par an.
Soyons clairs, la cause de l’intransigeance de l’État n’est pas son incapacité à financer de tels projets ; il sait pertinemment que toute réponse favorable pousserait inéluctablement d’autres régions à suivre la même voie, la voie de la lutte pour imposer leurs demandes, ce qui est un chemin dangereux pour l’État et pour la classe dirigeante.
C’est une lutte à mort entre l’État et les masses, la fin sera la défaite d’un camp et la victoire de l’autre. Soit les masses gagneront et imposeront leurs revendications légitimes, ce qui ouvrira la porte à l’avancement de la lutte au niveau national pour conquérir des droits matériels et démocratiques ; soit c’est l’État qui l’emportera et imposera le statu quo, la logique de la mendicité, de la charité, les « paniers du ramadan » et la « bienfaisance royale ».
La lutte pour l’hôpital, l’université, l’emploi et les autres droits économiques, est par excellence une lutte politique qui n’aboutira que si on arrive à un changement de politique officielle : la fin de la politique de pillage, de marginalisation et d’appauvrissement, et le renversement des bénéficiaires et responsables. Elle inclut également la liberté et la libération des détenus politiques, etc.
L’option qui se présente aujourd’hui au mouvement n’est pas de diluer telle demande ou telle autre, ou de changer l’une ou l’autre tactique, mais bien de continuer la lutte avec des revendications militantes et radicales claires… à l’opposé de ceux qui veulent accepter les aumônes et attendre « l’intervention du Roi ».
Donc il n’y a pas d’autre choix que de poursuivre la lutte et de lui donner une perspective révolutionnaire pour le renversement de la dictature et du système d’exploitation et d’oppression qui ravage le pays depuis plus de six décennies. Ceux qui pensent que ce système peut être réformé se trompent, tout comme ceux qui pensent que le système responsable de la marginalisation et de la pauvreté depuis des décennies, peut devenir un système de prospérité et de liberté.
Nous devons lutter pour briser le siège que le système impose au mouvement, cherchant à l’isoler du reste des villes et villages du Maroc : nos revendications sont les mêmes que celles du reste de la classe ouvrière partout au Maroc ; notre ennemi est le même, un système qui impose la pauvreté, l’exploitation et le pillage sur tout le peuple marocain, partout. Notre objectif est le même, recherché par tous les fils du peuple marocain : la liberté, la dignité et la justice sociale.
Nous devons adresser un appel à la jeunesse révolutionnaire et à la classe ouvrière marocaine dans le reste des villes et des villages du Maroc pour une lutte commune, unifiée, contre le système qui nous exploite et nous opprime tous, et pour la coordination des formes et des structures organisationnelles : les conseils de lutte populaires dans tous les villages et les villes du Maroc.
La leçon la plus importante de la révolution russe est que, bien que la classe ouvrière russe soit arrivée à renverser le tsar et à construire des conseils révolutionnaires (les soviets), la bourgeoisie, alliée avec les réformistes, a presque réussi à en finir avec la révolution et à restaurer l’ancien régime. Ils auraient même poussé le pays à la ruine et à la mise en place d’un régime fasciste sanglant.
Ces projets réactionnaires auraient réussi sans l’existence du parti bolchevique, le parti marxiste révolutionnaire, dirigé par Lénine et Trotsky, qui a unifié les luttes ouvrières et les a conduites à la tête du reste des paysans pauvres et des soldats révolutionnaires, pour saisir le pouvoir, confisquer les banques et les usines, et les mettre sous le contrôle des conseils des ouvriers, des paysans pauvres, et des soldats révolutionnaires.
Tant que ce facteur, i.e. le parti ouvrier révolutionnaire, est absent chez nous, l’État bourgeois continuera à être en mesure de rétablir l’équilibre et pourra éliminer tout mouvement, peu importe sa puissance, et peu importe sa durée.
Prenons, par exemple, ce qui est arrivé en Egypte et en Tunisie au cours de ces dernières années : des millions de travailleurs et de jeunes révolutionnaires sont descendus dans les rues affronter la police et résister aux arrestations, aux voyous et à toutes les formes d’oppression. Le pouvoir était entre leurs mains alors que l’État bourgeois ne tenait plus qu’à un fil. Mais les masses qui ont fermé les portes du Parlement et le siège du gouvernement « au nom de la révolution » n’ont pas été en mesure de prendre le pouvoir et de contrôler les clés de l’économie, faute d’une direction révolutionnaire. Inévitablement, l’État bourgeois a finalement repris le contrôle et les masses ont perdu l’occasion d’un changement révolutionnaire profond dans la société, pour l’instant.
Regardons aussi ce qui s’est passé chez nous, au Maroc, ces dernières années, lorsque le mouvement du 20 février a pu mobiliser des dizaines de milliers de travailleurs dans la majorité des villes et villages. Le régime était alors impuissant et terrifié devant la puissance des masses. Il aurait été possible de transformer ce mouvement en une révolution victorieuse, s’il y avait eu un parti révolutionnaire avec des racines profondes dans les usines, les syndicats, les villages pauvres, les casernes et les quartiers ; mais c’est exactement ce qui manquait à l’époque et qui a donc permis au système de retrouver son équilibre et de reprendre la main, tout en mettant un terme au mouvement par un mélange de répression, de concessions formelles et d’autres manœuvres.
Comme nous l’avons déjà écrit dans un article mentionné ci-dessus :
« La bataille avec le régime existant et la classe capitaliste dominante, cause de toute oppression, exploitation et marginalisation dans laquelle nous vivons, est une longue bataille qui n’aboutira à la victoire que par la révolution socialiste et par l’arrivée au pouvoir de la classe ouvrière, qui va mettre fin au système capitaliste et à toute exploitation, oppression ou persécution ».
Nous avons souligné que « toutes les conditions objectives sont mûres pour atteindre ce but glorieux : les masses luttent comme des tigres et donnent des preuves chaque jour, chaque heure et chaque minute de leur volonté de changement révolutionnaire. Elles sont capables de l’accomplir. […] Ce qui manque est le facteur subjectif, à savoir un parti révolutionnaire marxiste capable de diriger la classe ouvrière et les masses pour saisir le pouvoir et commencer la transformation socialiste de la société.
« […] La force du mouvement contemporain réside dans l’éveil des masses […] et sa faiblesse réside dans l’insuffisance de la conscience et de l’initiative des dirigeants révolutionnaires. » Cette contradiction est ce que nous devons résoudre, ô jeunesse révolutionnaire, afin d’offrir à notre peuple ce qu’il attend de notre génération, et d’atteindre le but pour lequel nos ancêtres se sont battus : réaliser et construire un avenir prospère pour les générations à venir. Un avenir fait de socialisme et de liberté.
« Nous, la Ligue d’Action communiste, la section marocaine de la TMI, travaillons à la construction de ce parti révolutionnaire. Si vous êtes d’accord avec nos idées, rejoignez-nous dans cette lutte pour la révolution socialiste dans notre pays, dans notre région et dans le monde! »
Rejoignez la section marocaine de la TMI pour accomplir cette grande tâche historique : la construction du parti qui empêchera les luttes du peuple marocain de s’épuiser en vain et le conduira à l’élimination de l’exploitation et de la dictature, pour bâtir le Maroc du socialisme et de la liberté.
[1] Le mouvement pourrait toutefois connaître un développement surprenant, par exemple, suite à un accident, comme la mort d’un manifestant, ou suite au déclenchement d’un mouvement similaire dans une autre région du Maroc pour telle ou telle raison, ou suite à d’autres événements qui pourraient déclencher une nouvelle forme d’avancement. Le régime travaille dur à éviter toutes ces possibilités.