«Là où règne la violence,
il n’est de recours qu’en la violence ;
là où se trouvent les hommes,
seuls les hommes peuvent porter secours.»
– Bertolt Brecht
La presse québécoise a condamné à l’unanimité les excès de certains étudiants qui manifestaient contre la hausse des frais de scolarité (blocage du pont Jaques Cartier, échauffourées du cégep du vieux Montréal). À notre sens, l’analyse des journalistes concernés manquait profondément d’un regard critique envers la violence policière qui se déploie durant des manifestations pacifiques. Parce que le mouvement étudiant prend de l’ampleur de semaines en semaines, il devient nécessaire pour le gouvernement d’essayer de discréditer les étudiants.
La plupart de ces articles ont une définition restrictive de la violence, qui fait consensus dans les médias québécois. Est désignée comme « violente » toute atteinte volontaire et préméditée à l’intégrité physique d’un ou de plusieurs êtres humains. Par préjugé idéologique sont ainsi exclus de cette définition les dommages corporels dus au hasard, à la fatalité, de même que les atteintes à l’intégrité morale, psychologique ou économique qui sont inhérents au système économique.
Si la violence désigne donc une atteinte physique dans laquelle est engagée une responsabilité humaine ; l’État utilise ce procédé quand il revendique avec succès le monopole de la violence physique légitime (armée et police) sur un territoire donné. Les étudiants qui manifestent ne remettent pas en cause ce monopole. Ils ne disposent pas d’un arsenal militaire (fusils, tanks…) pour défendre leur cause et surtout, ils agissent comme des citoyens et non pas en sédition par rapport à l’État. En fait, c’est la police, sous l’ordre du gouvernement, lorsqu’elle lance des bombes lacrymogènes, lorsqu’elle brise des lignes de piquetage et lorsqu’elle tabasse des manifestants qui perpétue la violence.
Une question se pose: les étudiants doivent-ils user d’une résistance violente ?
La violence est multiple et peut de ce fait revêtir plusieurs formes. Celle déployée durant les manifestions peut être caractérisée comme violence défensive. Elle est légitime, car elle n’est qu’une contre-violence. Il s’agit d’une réponse à une agression première, celle de la violence institutionnelle de l’État. Condamner la violence défensive, c’est encourager de façon tacite la violence oppressive.
De plus, une action n’est pas légitimée par le seul fait qu’elle est morale. Que la non-violence soit conforme aux exigences de notre conscience ne suffit pas à la rendre politiquement valide. Si l’on souhaite œuvrer pour un changement politique profond, la non-violence doit être efficace. En évoquant principalement certains dépassements isolés, au détriment de l’action globale, la presse québécoise ne fait que renforcer le préjugé de la nécessité d’une action violente pour parler du mouvement étudiant dans les médias.
Il est évident que la Tendance marxiste international (TMI) se place dans un strict rejet de la violence aveugle et des idéologies qui la soutiennent, tout en insistant sur le fait que la non-violence ne doit pas être un dogme absolu.
La presse québécoise devrait faire preuve d’une plus grande perspicacité dans les analyses qu’elle porte sur le mouvement étudiant, à moins que son but non avoué soit celui d’éduquer les étudiants dans l’esprit d’une apathie complète, ce dont s’occupe par ailleurs assez bien la société actuelle.
Les idéologues qui ont tribune dans les médias québécois et qui se font les apôtres de la non-violence ne doivent pas oublier les célèbres paroles de Gandhi : «Non-violence n’est pas soumission bénévole au malfaisant».