Cet article a d’abord été publié sur le site Web de Fightback, en anglais, le 15 mai 2017.


Alors que le reste du monde est ravagé par la crise, l’instabilité, les chocs abrupts et la polarisation aiguë, la politique canadienne semble plutôt définie par la stabilité et le calme relatifs. Les commentateurs internationaux ont souligné la force du « centre » politique au Canada. The Economist a même publié un article intitulé « Canada: The last Liberals » (« Canada : les derniers libéraux »), après la victoire de Donald Trump aux élections américaines de l’automne dernier. Le Canada demeurera-t-il cet « îlot de stabilité » au sein de la tempête qui bouleverse actuellement la politique, l’économie et les relations internationales?

L’atmosphère au pays commence à changer, et sous la surface, elle a effectivement changé au cours de la dernière période. Au Québec et en Alberta, la situation politique se caractérise déjà par un antagonisme tranché et des tournants rapides vers la gauche et la droite. Les premiers contours d’une polarisation politique peuvent être décelés au sein des courses à la chefferie des partis fédéraux conservateur et néo-démocrate. Parallèlement, la popularité dont Trudeau jouissait après les élections commence à s’estomper.

La crise du secteur pétrolier, qui a commencé vers la fin de l’année 2014, a eu un impact majeur sur les provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan, ainsi que de Terre-Neuve-et-Labrador. Pendant ce temps, la sonnette d’alarme ne cesse d’être tirée devant la bulle immobilière canadienne. L’incidence de la présidence de Trump sur l’accessibilité à un marché qui reçoit 75% de toutes les exportations canadiennes donne froid dans le dos aux investisseurs et aux politiciens canadiens.

Tous ces éléments sont des symptômes de la tempête à venir. Le capitalisme canadien n’est pas immunisé contre les processus qui se déroulent à travers le globe. La stabilité de l’économie et de la politique canadiennes est superficielle, et repose sur de fragiles fondations. L’époque où le Canada demeurait un îlot de calme parmi un monde en crise est en train de prendre fin.

Le fondement matériel du « centre » politique au Canada

Justin Trudeau a gagné les élections de 2015 avec 39,5 % des voix, et durant les 12 mois suivants, sa popularité est passée à 45-50 %. Le sentiment de soulagement suscité par la fin de l’ère Harper ainsi que l’image progressiste que s’est donnée Trudeau ont donné lieu à beaucoup d’espoirs envers son gouvernement. Il faut remarquer que le succès de Trudeau a principalement été causé par le virage à droite abrupt de la direction du NPD.

Ces illusions envers Trudeau ont commencé à se dissiper au cours des 18 derniers mois. Cette déception envers Trudeau découle de son soutien aux pipelines, son appui aux attaques de missiles lancées par Trump sur le gouvernement syrien, les dures mesures pénales contenues dans sa politique de légalisation de la marijuana, son recul sur la représentation proportionnelle, et l’abandon de ses promesses électorales envers les peuples autochtones.

Bien que la popularité de Trudeau ait chuté, elle est simplement retournée au niveau d’appuis atteint à la dernière élection, soit autour de 40 %. Cela signifie que si une élection était déclenchée maintenant, il formerait encore un gouvernement majoritaire. Le parti traditionnel de l’élite dirigeante canadienne (le « centre politique ») demeure fort au Canada, et cela contraste nettement avec les processus ayant cours dans les autres pays.

Une vive polarisation politique s’est produite dans de nombreux pays capitalistes avancés. Les forces politiques de gauche et de droite grossissent (cela se reflétant souvent à travers de nouveaux partis), alors que le soutien envers les partis du « centre » traditionnellement dominants s’effondre. Ce phénomène est causé par le fait que ces partis traditionnels de « centre droit » et de « centre gauche » ont perdu toute crédibilité devant les masses après avoir attaqué leurs conditions de vie et imposé l’austérité tout en protégeant les intérêts de la classe dirigeante. Le fait que le Canada semble présentement constituer une exception à ce processus de polarisation mérite de plus amples explications.

La raison fondamentale réside dans le fait que le capitalisme canadien a été capable de mieux résister à la crise de 2008 que la plupart des autres pays. Les deux plus importants facteurs de cette résistance sont le boom immobilier ininterrompu (fondé sur des taux d’intérêt historiquement bas et une expansion massive du crédit) et celui dans les secteurs du pétrole et de l’extraction de ressources, lesquels sont essentiels pour l’économie canadienne. Par conséquent, nous n’avons pas connu de vicieuses politiques d’austérité, d’explosion du chômage ou de grave chute dans les conditions de vie à l’échelle nationale.

Cela a permis aux libéraux fédéraux, et précédemment aux conservateurs fédéraux, d’éviter d’avoir à imposer de sévères mesures d’austérité. Au contraire, les libéraux ont entrepris un plan de relance keynésien. Ce plan vise à stopper le ralentissement graduel que connaît l’économie canadienne depuis quelques années. Au cours de la dernière année, le gouvernement fédéral a généré un déficit de 23 milliards de dollars, et prévoit un déficit de 28,5 milliards pour le prochain exercice financier.

Les libéraux ont récemment annoncé leur second budget. Il s’agit d’un budget peu mémorable qui ne propose aucune réforme ou contre-réforme significative pour la classe ouvrière. La seule exception est la suppression du crédit d’impôt sur les laissez-passer de transport en commun; il a aussi été annoncé que les échappatoires fiscales pour les entreprises étaient maintenues. Le plus important élément du budget est la révision du plan de déficit budgétaire, avec une augmentation du déficit estimée à cinq milliards de dollars par année, pour les prochaines années.

La capacité des libéraux à retarder l’austérité peut s’expliquer par la stabilité relative de l’économie canadienne depuis 2008. Malgré cela, les illusions envers les libéraux commencent à se dissiper. Un récent sondage de Forum Research montre que seulement 10 % des Canadien-nes croient que le nouveau budget fédéral aidera la classe moyenne, alors que 41 % croient qu’il va nuire à la classe moyenne, et 31% croient que les effets seront neutres.

Les cadeaux de Trudeau à Bay Street dévoilent son vrai visage

Le plan de dépenses d’infrastructures de Trudeau révèle au grand jour le visage capitaliste du Parti libéral. Trudeau a demandé conseil auprès des sociétés de services financiers Crédit Suisse et Morgan Stanley concernant un potentiel programme de privatisation qui pourrait l’aider à lever les fonds pour ces plans de dépenses. Des plans furent examinés pour privatiser les aéroports des huit plus grandes villes canadiennes, ainsi que pour vendre 18 ports.

Cela signifierait d’énormes profits pour les entreprises, une augmentation des coûts pour le consommateur, des licenciements, des conditions de travail dangereuses et une nouvelle tentative pour affaiblir les syndicats des ports et des aéroports. Trudeau cherche également des capitaux privés pour sa Banque de l’infrastructure du Canada, afin de financer les projets de construction contenus dans son plan de relance. Les investisseurs privés peuvent s’attendre à des retours sur l’investissement d’environ 7-9%, comparé aux taux de financement publics de 1-2%.

Trudeau a également déclaré son soutien pour les partenariats public-privé afin de mettre en œuvre ses projets, ce qui va signifier des frais de gestion plus élevés, des péages et des dépassements de coûts, les capitalistes cherchant à maximiser leurs profits. Ces politiques représentent un énorme cadeau aux entreprises. Même le Toronto Sun a décrit ces politiques comme un important virage à la droite et une imitation par Trudeau des politiques de Donald Trump.

Pour plusieurs travailleurs-euses et particulièrement pour les jeunes, le caractère pro-entreprise du gouvernement Trudeau n’est pas encore évident. Plusieurs ne se souviennent pas que les libéraux Jean Chrétien et Paul Martin avaient appliqué les pires mesures d’austérité de l’histoire du Canada, incluant d’importantes coupures dans la santé, l’éducation et le logement, dans les années 1990.

Si Trudeau appliquait son plan de privatisation, ou avait recours à un plan de sauvetage des entreprises en cas d’effondrement de l’immobilier ou de récession, le caractère anti-travailleurs et pro-capitalistes des libéraux fédéraux serait brusquement révélé. Le mouvement de ressac contre les libéraux serait particulièrement intense, considérant qu’ils ont été élus en se présentant comme progressistes et en faveur de la « classe moyenne ». En plus de la colère contre leurs politiques anti-travailleurs, ils seraient vus comme ayant menti et manipulés les électeurs.

Les fragiles fondations de l’économie canadienne

Le Canada s’en est mieux tiré que plusieurs pays capitalistes avancés depuis 2008; or, cela ne signifie aucunement que l’économie est en santé. Depuis l’effondrement des prix des marchandises et du pétrole, la croissance a ralenti. Le PIB a crû de 0,9% en 2015, de 1,4% en 2016, et les attentes sont d’une croissance de 1,7-2,4% pour 2017. Le Fond monétaire international prévoit un taux de croissance de 2% pour les prochaines années, et le Centre for Economics and Business Research, basé au Royaume-Uni, prévoit un taux de croissance moyen de 2% jusqu’en 2030. Les perspectives économiques ne sont donc pas optimistes, malgré la politique de financement par déficit du gouvernement.

Les commentateurs ont salué le fait qu’il y a eu création d’emplois à chaque année depuis la récession de 2009, y compris actuellement malgré la crise qui se poursuit dans le secteur pétrolier. Cependant, les chiffres de 2016 concernant la croissance de l’emploi parlent d’eux-mêmes. Les Services économiques TD expliquaient que toute la croissance nette en emploi concernait les emplois à temps partiel, et qu’il y avait une perte nette dans les emplois à temps plein. Cela est surtout dû à la perte nette de 65 000 emplois l’an passé dans les provinces productrices de pétrole (Alberta, Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador). Le rapport expliquait ensuite que les emplois à temps plein en dehors de ces trois provinces ont seulement augmenté de 0,5%. De plus, 75% de ces emplois à temps plein se trouvent dans les secteurs de l’immobilier, de la construction et de la finance.

Le marché du travail canadien se définit désormais par des emplois précaires et peu rémunérés. Un rapport de 2015 du Centre canadien des politiques alternatives montre que le pourcentage de la main-d’œuvre ontarienne étant payée au salaire minimum a grandi de 2,4% à 11,9%, de 1997 à 2014. Les deux tiers de ces travailleurs-euses ont plus de 20 ans. Le pourcentage de la main-d’œuvre ontarienne considérée comme à faible revenu (dont le salaire est à 4$ du salaire minimum) est estimé à 29,4%. De plus, le rapport montre que 50% des emplois dans les régions du Grand Toronto et d’Hamilton sont précaires, c’est-à-dire n’atteignant pas les 40 heures par semaine.

Au cours des six derniers mois, l’économie canadienne a connu une reprise, le taux de chômage étant descendu à 6,5%, ce qui représente le plus bas taux depuis 2008. Il est estimé que le taux de croissance pour le premier trimestre de 2017 atteindra 4%. Ces chiffres de surface peuvent suggérer que l’économie est en santé. Toutefois, si l’on creuse sous la surface, un tout autre portrait se révèle à nous. La croissance dans l’économie canadienne est presque entièrement fondée sur le boom résidentiel. Les secteurs de l’immobilier, de la construction et de la finance comptent pour près de 27% du PIB canadien. On estime que le secteur du logement compte pour environ 20% de l’économie canadienne. La construction résidentielle compte à elle seule pour 7,5% du PIB, comparé à moins de 4% aux États-Unis.

Le secteur des ressources était dans le passé une force motrice majeure dans l’économie canadienne, étant donné que les hauts taux de croissance de la Chine et des autres « économies émergentes » avalaient les marchandises et faisaient monter les prix. Le prix du pétrole se situait à 90$ du baril depuis plusieurs années, mais l’effondrement qui a commencé à la fin de 2014 a fait descendre les prix à autour de 40$ du baril. Les prix ont depuis lors remonté à 50$ du baril. Le Canada, en tant qu’important exportateur de pétrole, de minéraux et d’autres marchandises, a grandement profité du boom, et se retrouve désormais gravement affecté par la récession dans ces secteurs. Bien qu’il y ait eu une faible reprise dans le secteur pétrolier, l’optimisme reste injustifié. Les perspectives pour une augmentation du prix du pétrole sont très faibles.

La demande globale demeure ténue, cela étant dû à la surproduction continue dans le secteur manufacturier. Il y a eu une croissance significative dans la production de pétrole par les États-Unis, ce qui n’augure pas bien pour le secteur pétrolier canadien, qui est presque entièrement dépendant du marché américain pour ses exportations en pétrole brut. Les producteurs américains de gaz de schiste, qui sont devenus énormément plus efficaces et compétitifs à travers la crise du pétrole, ont augmenté leur production de près d’un million de barils par jour au cours des six derniers mois seulement. Un fort doute plane aussi sur la capacité de l’OPEP à réduire sa production pendant une période prolongée, alors que les États-Unis étendent agressivement leur part du marché. Bien que les conflits militaires régionaux, peut-être alimentés par les politiques étrangères agressives de Trump, pourraient rehausser les prix du pétrole, l’industrie pétrolière a peu de raison d’avoir confiance en l’avenir, à court et moyen terme.

Le secteur manufacturier du Canada a fait face à un déclin prolongé, en raison de la pression du marché mondial pour la réduction des coûts de la main-d’œuvre, ce qui a engendré des délocalisations facilitées par les accords de libre-échange. Depuis le début des années 2000, le secteur manufacturier a perdu 630 000 emplois, une chute de 27%. Depuis la crise financière de 2008, la surproduction s’est répandue d’un secteur à l’autre, affectant d’abord le secteur manufacturier, et plus récemment, le secteur pétrolier et minier.

Confrontée à des marchés instables ou en contraction, la bourgeoisie refuse d’investir dans de nouvelles usines ou machines. Avec la chute du dollar canadien suivant l’effondrement des prix du pétrole, il y avait un espoir d’une reprise dans le secteur manufacturier. L’accumulation par les capitalistes de près de 700 milliards de dollars de ce que l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, appelait de l’« argent mort » démontre qu’ils n’ont pas suffisamment confiance pour investir. Beaucoup de cet argent est utilisé pour la spéculation boursière, et dans l’immobilier en particulier.

Malgré des taux d’intérêt historiquement bas, un dollar faible et une économie américaine qui a repris de la vitesse, il n’y a pas eu d’investissement dans le secteur manufacturier, et l’on prédit une autre baisse de 4,4% des investissements en capital dans ce secteur en 2017. On s’attend à une baisse des dépenses du secteur privé en machinerie et en équipement de l’ordre de 5,4% cette année, une troisième année consécutive de déclin. Avec pour résultat que la productivité du travail au Canada est à la traîne. L’élection de Trump entraîne une incertitude notable dans les secteurs manufacturier, d’extraction des ressources et agricole, qui font face au risque de tarifs douaniers pour accéder à ce qui représente le plus important marché d’exportation pour le Canada.

Le marché immobilier est le moteur de l’économie canadienne. La plupart des profits de cette croissance économique stimulée par la spéculation ont été réalisés par les spéculateurs, banquiers, promoteurs, agents immobiliers, avocats et investisseurs qui ont profité de solides retombées. Des sections de la petite bourgeoisie et une importante couche de la classe ouvrière ont également profité du boom, ce qui leur a permis d’accroître leur niveau de vie en se fondant sur la valeur perçue de leurs actifs. Cependant, la réalité est tout autre pour les travailleurs-euses des secteurs manufacturier, du pétrole et des mines, et ceux qui vivent d’emplois précaires (souvent dans les services) qui ont vu leur niveau de vie décliner et n’ont pas profité du boom immobilier. La montée du coût de la vie – particulièrement le prix du logement dans les grands centres urbains – met une pression importante sur cette section de la classe ouvrière. Cela entraîne une colère bouillonnante qui n’a pas encore trouvé de forme d’expression organisée dans les régions où le boom immobilier prolonge les « beaux jours ».

La bulle va éclater

La bulle immobilière est principalement basée dans la région du Grand Vancouver et celle du Grand Toronto et dans les villes environnantes. Le prix des logements à Vancouver a augmenté de 27% de février 2015 à février 2016, atteignant 1,3 million de dollars en moyenne pour une maison individuelle. Le prix moyen d’une maison individuelle a même grimpé à 1,7 million de dollars en juillet 2016. De son côté, le prix des logements sur le marché immobilier surchauffé de la cité de Toronto a augmenté de 33% entre mars 2016 et mars 2017, le prix moyen d’une maison individuelle atteignant 1,6 million de dollars. Le prix d’une maison dans la région du Grand Toronto a atteint une moyenne de 916 567$ en mars 2017, comparé à 688 011$ un an auparavant.

En avril dernier, Moody’s disait considérer le Canada comme l’un des quatre pays les plus vulnérables à une correction des cours du marché immobilier, et comparait la montée des prix de l’immobilier ici à la situation aux États-Unis, en Espagne et Irlande avant leur correction du marché. Si l’on compare la hausse des prix de l’immobilier aux États-Unis et au Canada depuis 2000, les prix moyens ont doublé chez le premier, tandis qu’ils ont triplé pour le Canada. Il est maintenant généralement reconnu que le marché subira une correction. La question demeure : quand aura-t-elle lieu, à quel point les prix chuteront et quelles en seront les conséquences?

L’augmentation en flèche des prix des maisons n’est pas accompagnée d’une augmentation des salaires, tel qu’on pourrait s’y attendre. Depuis le début des années 2000, et particulièrement depuis 2008, les salaires ont en grande partie stagné. Sous la pression de l’inflation, le pouvoir d’achat réel a chuté. Par exemple, en 2016, le salaire des travailleurs-euses à traitement fixe a connu une croissance nulle tandis que les salarié-es à taux horaire ont vu leurs salaires baisser de 0,4% une fois l’inflation prise en compte. Mais même ces chiffres sont gonflés par une petite couche de personnes à revenu élevé, et comprennent les heures supplémentaires. La stagnation des revenus explique partiellement la lourde dépendance au crédit du capitalisme canadien. Nous devons poser la question : comment les prix des maisons dans la région du Grand Toronto ont-ils pu croître de 33% en un an alors que les revenus ont stagné et que le travail précaire est devenu la norme?

Après la crise financière de 2008, la Banque du Canada a réduit les taux d’intérêt, les faisant passer d’environ 4% à moins de 1% afin d’éviter une longue récession. Les taux actuels sont à leur plus bas, à 0,5%. Cela a grandement alimenté l’emprunt, dans l’immobilier en particulier. Le ratio de la dette au revenu a atteint 167%, un record au pays, qui correspond au niveau auquel il se trouvait aux États-Unis avant le krach. Le boom dans le secteur immobilier fondé sur un accès au crédit bon marché est l’une des deux raisons principales qui expliquent que le Canada a pu résister à la crise financière de 2008.

Les prêts imprudents et le contournement de la réglementation en matière hypothécaire ont contribué à la bulle. Un important secteur bancaire fantôme s’est développé, et on estime qu’il fournit 25% de tous les prêts hypothécaires au Canada, voire plus. Le scandale de fraude chez Home Capital Group, qui est l’un des nombreux créanciers qui fournit des prêts hypothécaires à risque aux gens qui se font dire non par les banques traditionnelles, a fait connaître cet enjeu au grand public. Après que 45 de ses courtiers en hypothèques eurent été accusés d’avoir falsifié les informations sur le revenu et l’emploi d’emprunteurs, cette banque a subi des retraits massifs, et le prix de ses actions a chuté de 78% entre avril et mai 2017. La contagion s’est étendue au Equitable Group, qui a lui aussi subi une vague de retraits et à une chute du prix de ses actions de 34%. La croissance du crédit hypothécaire non traditionnel au Canada a été comparée à la situation semblable qui existait aux États-Unis avant l’effondrement du marché immobilier.

En tout et partout, la somme due par les ménages canadiens était de 2,03 billions de dollars à fin de 2016. Les Canadien-nes doivent maintenant 1 329,6 milliards de dollars en prêts hypothécaires et 596,5 milliards de dollars en dette à la consommation, notamment sur leurs cartes de crédit. En mai de cette année, Moody’s a baissé la cote de crédit des six plus grandes banques du Canada dans la foulée du scandale chez Home Capital Group. Moody’s soulignait le haut niveau d’endettement des consommateurs et les prix élevés des maisons comme facteurs de risques qui pourraient miner la valeur des actifs bancaires. Présentement, l’endettement des consommateurs est compensé par la montée des prix des actifs. Les gens sont plus riches grâce à la valeur de leur maison et se sentent donc assez confiants pour contracter des emprunts. La montée des prix des actifs a alimenté la demande des consommateurs, de l’achat de voiture aux sorties au restaurant en passant par les dépenses en loisirs.

ll y a une contradiction marquée entre la stagnation des salaires et la montée en flèche des prix des maisons en Ontario et en Colombie-Britannique. Cela montre à quel point le crédit, notamment les prêts hypothécaires frauduleusement approuvés, alimente le boom immobilier. Il y a aussi un immense aspect spéculatif au boom immobilier. L’un des symptômes de ce fait est que 6% des résidences de Toronto et 5% de celles de Vancouver sont vacantes. Les propriétaires de ces résidences ne prennent donc même pas la peine de louer les unités de logement, ce qui indique une pratique d’achat-revente à court terme. Cependant, tant que la bulle continue à croître, l’effet combiné de la montée des prix des actifs, de la croissance des dépenses de consommation et de la demande pour des services financiers, immobiliers et de construction stimule l’économie. Mais la croissance économique de la dernière période a été artificielle. La bulle va éventuellement éclater et la situation réelle sera dévoilée. Ce sera un processus extrêmement pénible.

Des interventions gouvernementales ont été tentées afin de gérer la bulle immobilière et limiter la spéculation. En juillet 2016, une taxe de 15% pour les acheteurs étrangers a été mise en place en Colombie-Britannique. En octobre 2016, le gouvernement fédéral a introduit de nouvelles règles sur les prêts hypothécaires, dont une simulation de crise plus stricte, et a éliminé les échappatoires qui permettaient à des spéculateurs étrangers d’éviter de payer l’impôt sur les gains en capital. Le gouvernement ontarien a lui aussi mis en place une taxe de 15% pour les acheteurs étrangers en avril dernier. Le ministre des Finances ontarien, Charles Sousa, a aussi insisté auprès du gouvernement fédéral pour qu’il augmente l’impôt sur les gains en capital pour toutes les résidences non principales. Il y a une crainte palpable chez les politiciens et les bureaucrates des gouvernements d’un éclatement de la bulle immobilière.

Ces mesures ont commencé à se faire sentir dans le marché immobilier de la Colombie-Britannique. Selon le rapport annuel de l’association des agents immobiliers de la province, le prix moyen d’une maison a diminué de 10,5%. Le chiffre le plus frappant est celui de la baisse des ventes. Lors du premier trimestre de 2017, les ventes ont été de 14 milliards de dollars, comparativement à 21,6 milliards de dollars pour 2016, les ventes dans la région du Grand Vancouver diminuant de 13,3 milliards à 7,4 milliards de dollars.

C’est là le début du processus de dégonflement de la bulle immobilière. Nous ne pouvons pas prévoir quels facteurs, internes ou externes, mèneront à l’éclatement de celle-ci. Par exemple, l’un des scénarios avancés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) dans un rapport datant de 2016 explique qu’une augmentation de 2,4% des taux d’intérêt entraînerait à elle seule une baisse de 30% des prix du logement. Deux autres scénarios envisagés étaient une récession globale et une baisse des prix du pétrole à 20$, qui mèneraient tous deux à une baisse des prix du logement. Tout comme nous ne pouvons prévoir ce qui déclenchera le recul, nous ne pouvons pas non plus savoir quand la récession aura lieu, ni si le processus se déroulera sur une période prolongée. Ce qui est clair, cependant, c’est que les conséquences seront désastreuses.

Le 1er mai dernier, le Financial Post publiait un article intitulé « Life after oil makes real estate the new crutch of Canada’s economy – and it’s huge » (« L’immobilier est la nouvelle béquille du Canada suite au déclin du secteur pétrolier, et c’est grave »), où l’on explique comment l’économie en entier, et la finance en particulier, serait affectée par le recul du marché immobilier :

« “Il n’est pas nécessaire d’avoir un effondrement des prix du logement, il n’est pas nécessaire de couper de moitié les mises en chantier afin qu’un plus faible marché immobilier ait des répercussions significatives sur le PIB et les revenus”, a affirmé Chandler. L’estimation approximative de la RBC est qu’un recul de 10% du prix moyen national des maisons ferait tomber la croissance d’un point de pourcentage.

Un rapport de la Toronto Dominion Bank daté de 2015 a découvert que l’effet de richesse immobilière est responsable du cinquième de l’augmentation de la consommation depuis 2001.

[…] Les chiffres de la Banque du Canada montrent que 14% des prêts aux entreprises privées par les banques à charte sont liés à ce qu’on appelle l’industrie des services immobiliers, ce qui constitue la plus grande proportion répertoriée depuis le début de la collecte de ces données en 1981.

Les 27,4 milliards de dollars en prêts privés dans ce secteur, qui représente les entreprises qui possèdent et gèrent des biens immobiliers, dépassent les emprunts aux secteurs manufacturier, pétrolier et gazier mis ensemble. À cela s’ajoutent 15 milliards de dollars en prêts aux promoteurs, plus du double du niveau de 2010.

Les banques à charte prêtent également aux exploitants immobiliers à un rythme record – 10 milliards de dollars depuis le début de l’année 2014. » [notre traduction]

L’emploi dans la construction, l’immobilier, la finance et même le transport serait sévèrement affecté par un recul, et la baisse en dépenses de consommation qui en résulterait affecterait en retour toute une variété d’autres secteurs de l’économie tels que la vente au détail. La montée du chômage mènerait à des saisies, ce qui ferait diminuer encore plus les prix des maisons. Les coffres du gouvernement seraient également affectés. Par exemple, l’an passé, ce sont les 3 milliards de dollars en revenus générés en droits de cession immobilière en Ontario qui ont permis d’équilibrer le budget. Les revenus des grandes municipalités proviennent essentiellement des taxes foncières qui ont augmenté rapidement. Le gouvernement fédéral pourrait rapidement se trouver forcé d’intervenir et de renflouer les banques insolvables prises avec des clients en faillite et des profits en baisse. Le gouvernement fédéral couvre déjà 50% des hypothèques à travers la SCHL. À mesure que tomberaient les dominos, il faudrait s’attendre à ce que les gouvernements endettés et privés de revenus appliquent des mesures d’austérité, combinées à la crise du chômage qui se développerait. Une spirale descendante se déclencherait vraisemblablement à la suite d’un éclatement de la bulle immobilière.

Cela entraînerait des changements brusques dans les consciences et une intense polarisation sociale, à gauche comme à droite. Les marxistes doivent être prêts à la situation qui se développerait suite à un effondrement de ce genre. Après l’effondrement immobilier en Espagne, en Irlande et aux États-Unis, des mouvements de masse spontanés ont fait irruption pour protester contre les saisies, les sauvetages financiers, les inégalités, le chômage et les mesures d’austérité. La polarisation aiguë que nous avons vue en Alberta après la crise du secteur pétrolier ne serait rien comparée aux luttes qui flamberaient dans les années suivant un recul significatif dans l’immobilier.

Alberta : un bilan du gouvernement néo-démocrate

Il est important d’étudier la situation politique en Alberta puisqu’elle était jusqu’à récemment la province la plus florissante au plan économique. Un tremblement de terre politique s’est produit lorsque la dynastie du Parti progressiste-conservateur, longue de 45 ans, a pris fin. La province était connue comme un bastion du conservatisme canadien; le NPD albertain était historiquement faible et n’a jamais formé le gouvernement. Au cours de la dernière année, la province était la seule à avoir un gouvernement néo-démocrate. Bien que le NPD n’a pas fait campagne avec une plateforme particulièrement à gauche, sa victoire constitue un grand mouvement vers la gauche, considérant le contexte albertain. Il s’agit en fait de la réponse à la crise économique provoquée par la chute des prix du pétrole et l’austérité annoncée par le gouvernement conservateur. La division entre les conservateurs et le parti populiste de droite Wildrose a aussi contribué à cette victoire.

L’économie de la province a reculé de 4% en 2015 et de 2,8% en 2016, ce qui a donné lieu à une grave vague de licenciements. La récession de 2014-2016 fut une des plus grandes (voire même la plus grande) de l’histoire de la province. Les six derniers mois ont vu le début d’une modeste reprise accompagnée d’une baisse du chômage, ce qui s’explique par la reconstruction après le feu de forêt et la remontée des prix du pétrole à 50 dollars le baril.

Le NPD albertain s’est retenu d’imposer l’austérité malgré l’assèchement des coffres du gouvernement. Pour ce faire, il s’est engouffré dans un important déficit, avec 5.4 milliards de dollars de dettes accumulées en 2015-2016, 10 milliards en 2016-2017 et un autre 10 milliards prévu en 2017-2018. Ce sont des déficits importants, mais il convient de remarquer que la province n’avait pas accumulé de dette avant la crise pétrolière. Cela démontre que les années de boom avaient permis d’accumuler des réserves.

Le NPD a obtenu des appuis en protégeant les services publics et les emplois du secteur public pendant la récession. Il a aussi étendu d’importants droits aux travailleurs-euses de l’agriculture, notamment le droit de se syndiquer. Toutefois, le gouvernement a reculé quant à l’extension de ces droits aux membres de leurs familles et leurs enfants. Le plus grand recul du NPD concerne son engagement d’augmenter les redevances pétrolières. La promesse d’augmenter le salaire minimum à 15 dollars est aussi repoussée et sera maintenant introduite de manière progressive sur trois ans. À la fin d’avril 2017, 46 000 enseignant-es furent forcés d’accepter un gel des salaires pendant deux ans. Ces hésitations découlent du programme et de la vision réformiste de la direction du NPD albertain, qui ne sont déjà pas particulièrement à gauche.

L’entièreté de la stratégie du NPD albertain consiste à faciliter l’investissement en capital par les magnats du pétrole, autrement dit de leur garantir qu’ils pourront faire des profits considérables. Par exemple, le NPD a fait la promotion du développement des oléoducs, n’a pas augmenté les redevances pétrolières et a ouvertement collaboré avec les barons du pétrole pour calmer leurs inquiétudes et leur montrer que le gouvernement est leur allié. Ces gens sont pourtant les pires ennemis de la classe ouvrière albertaine, et font tout en leur pouvoir pour nuire au NPD.

Cette collaboration de classe a signifié que le NPD n’a pas été en mesure de régler la crise du chômage dans la province, lequel a atteint un taux aussi élevé que 10,2%, mais qui est redescendu depuis autour de 8%. Auparavant, l’Alberta absorbait le chômage des autres provinces. L’effet de la disparition de cette soupape de sûreté est une instabilité sociale grandissante à travers le pays. La droite se sert beaucoup de l’argument du chômage élevé pour attaquer le NPD, qui n’a pas de réponse en retour.

Gérer le capitalisme, c’est devoir administrer ses crises. Dans une économie de marché, les capitalistes n’investissent pas à moins d’être en mesure de faire des profits. Aussi longtemps que les prix du pétrole demeurent bas et que leur marché demeure limité, les magnats du pétrole vont réduire leurs investissements, réduire la taille des projets existants et licencier des travailleurs-euses pour minimiser les pertes de profits. Les entreprises ne tiennent pas compte des besoins des travailleurs-euses au moment de prendre ces décisions. Tant que le NPD refusera de rompre avec le capitalisme, il devra accepter la logique du profit.

Les sondages indiquent un déclin important des appuis aux NPD. Ils placent le NPD en troisième position avec entre 23 et 27% des appuis, alors que le parti Wildrose obtient entre 34 et 38% des appuis et les progressistes-conservateurs entre 24 et 29%. Lors d’un sondage effectué en mars 2017, Postmedia rapporte que 58% des sondés se disent insatisfaits de la gestion néo-démocrate de l’économie. De même, un sondage Angus Reid suggérait que le taux d’approbation à l’égard de Notley est passé de 53% à 33% depuis l’élection. Notons par ailleurs qu’Edmonton, ville plutôt ouvrière composée en grande partie d’employé-es du secteur public, bien qu’elle a connu une diminution de ses appuis au NPD, a maintenu un taux d’approbation plus solide se situant autour de 43%.

La récente course à la chefferie du Parti progressiste-conservateur a été remportée par Jason Kenney, qui a récolté 75% des votes. Une partie de sa plateforme électorale reposait sur l’idée d’une fusion avec le parti Wildrose. Les bourgeois en Alberta ne se sentent plus en mesure de se permettre le luxe d’être divisés entre deux partis. Étant donné les sondages actuels et la possibilité d’une fusion du Parti conservateur et du Wildrose, un grand danger se profile à l’horizon pour le NPD et la classe ouvrière albertaine.

Rachel Notley se sert de l’exemple de l’austérité imposée par le gouvernement de droite en Saskatchewan, qui a aussi été touchée par la crise pétrolière, pour redorer son image et fouetter les troupes.  Toutefois, son refus d’appuyer le NPD en Colombie-Britannique dans la dernière campagne électorale en raison de l’opposition de celui-ci au projet d’oléoduc Kinder Morgan nous montre toute l’étroitesse politique de sa stratégie de collaboration de classe avec les magnats du pétrole.

La défaite imminente du NPD albertain provient fondamentalement de sa réticence à mener une lutte contre les barons du pétrole et la grande bourgeoisie. En effet, Rachel Notley essaye de se présenter comme une modérée en vue de la prochaine élection en 2019. En réponse à la fusion du Parti progressiste-conservateur et du Wildrose, elle a expliqué que : « À long terme, plus nous nous rapprochons d’une élection, j’ai hâte de voir nos idées grand public être confrontées aux idées bien plus extrêmes des gens de l’opposition.» Dans une province embourbée dans la crise et les inégalités profondes, possédant l’un des États-providences les plus faibles parmi les provinces canadiennes et le plus bas taux de syndicalisation au pays, et confrontée à une classe dirigeante agressive, la recherche d’une solution intermédiaire ne peut que mener à la défaite du NPD.

Le NPD doit s’appuyer sur la classe ouvrière pour mettre en place des réformes audacieuses et lutter pour la nationalisation du secteur de l’énergie sous un contrôle ouvrier; cette tâche pratique est nécessaire pour protéger le niveau de vie de la classe ouvrière albertaine. Le secteur de l’énergie est lié à environ 40% de l’économie de la province. Une offensive contre la propriété privée des barons du pétrole devrait faire partie d’une lutte élargie contre la classe capitaliste, qui réagirait à une telle mesure en se servant de tous les moyens à sa disposition.  

Le Québec enlisé dans la crise

Le Québec a été à l’avant-scène de la lutte des classes au Canada avec des vagues successives de luttes entre 2004 et 2015, culminant avec la lutte des années 2012 à 2015. Le Printemps érable de 2012 a été le théâtre d’une grève de 300 000 étudiants-es à son apogée, avec des manifestations spontanées quotidiennes. Le mouvement a atteint son paroxysme lorsque les étudiants-es ont refusé d’obéir au projet de loi 78, ce qui mena à des actions spontanées de la part des travailleurs-euses en appui aux étudiants-es (les « casseroles »). Puis, la vague de lutte entamée avec le Printemps 2015 fut suivie à l’automne par des manifestations de masse organisées par les syndicats unis dans le Front commun. Ce mouvement mena à une série de grèves rotatives impliquant des centaines de milliers de travailleurs-euses et à une grève générale d’un jour du secteur public avec 400 000 travailleurs-euses y participant. C’était la plus grande grève dans la province depuis des décennies. En fin de compte, le mouvement fut trahi par la direction syndicale qui accepta une entente sur cinq ans qui comportait de nombreuses concessions.

Cela a mené à un reflux du mouvement puisque les travailleurs-euses et les étudiants-es ne voyaient pas de voie à suivre pour la lutte, tant dans la rue que sur le front syndical. Les masses ne peuvent lutter éternellement, surtout si elles ne voient pas de possibilité de victoire et que les leaders retiennent le mouvement. La Journée internationale des femmes de cette année témoignait de cette démoralisation, étant donné qu’aucune manifestation n’a été organisée par les syndicats, malgré la forte tradition de lutte des femmes dans la province. La manifestation syndicale pour le 1er mai était aussi l’une des plus petites de l’histoire récente. La fédération étudiante radicale, l’ASSÉ, est en déroute. Elle a été incapable d’obtenir quorum lors de deux congrès d’affilée à cause du manque de participation des associations locales. Une proposition d’expulsion de 12 associations fut même discutée au congrès d’avril dernier afin de réduire le quorum. Il s’agit d’un développement remarquable, considérant qu’il y a seulement cinq ans, l’ASSÉ menait 300 000 étudiants-es en grève!

Le recul du mouvement a ouvert une période de réflexion et de réévaluation des luttes passées au sein de la classe ouvrière et de la jeunesse. Parmi les couches les plus avancées, il y a un intérêt croissant pour la politique révolutionnaire et le marxisme. De plus, comme nous l’avons observé dans plusieurs pays d’Europe, lorsque la lutte atteint un cul-de-sac dans les rues ou sur le front syndical, les contradictions sociales accumulées tendent à s’exprimer sur le front politique. Ce processus a déjà commencé avec la montée graduelle des intentions de vote en faveur du parti nationaliste de gauche Québec solidaire lors de la dernière période de lutte de masse. Depuis que Gabriel Nadeau-Dubois, le principal leader du mouvement étudiant de 2012, a rejoint QS en mars, le parti a repris de la vigueur, ce qui pourrait être le début de l’expression de cette colère accumulée par la lutte politique.

Le système bipartite qui a dominé le Québec pendant 40 ans a été ébranlé au cours de la dernière période. Il y a une profonde haine à l’égard des libéraux au Québec alors que les conséquences de l’austérité se font ressentir et que les scandales de corruption impliquant les libéraux font constamment les manchettes. Depuis 2003, les libéraux ont été le principal parti au pouvoir ayant imposé un vicieux programme d’austérité.

Le Parti québécois, l’autre parti traditionnel de pouvoir de la province, est en crise perpétuelle depuis plus de 10 ans. Il n’a réussi à former un bref gouvernement qu’en 2012, après que le mouvement étudiant a renversé le gouvernement libéral de Charest, en se présentant comme progressiste et soutenant le mouvement. Le PQ a rapidement été discrédité lorsqu’il a commencé à appliquer des mesures d’austérité. Dans une tentative de maintenir ses appuis, le parti a adopté une rhétorique anti-immigration et anti-musulmane sous la bannière de la défense des « valeurs québécoises ». Le résultat fut que le parti fut chassé du pouvoir sans cérémonie en 2014.

La crise au PQ s’est approfondie depuis, ce qui reflète la division croissante du mouvement nationaliste sur des lignes de classe. Par le passé, le PQ était capable d’unir les travailleurs-euses et la classe moyenne francophones derrière les patrons francophones sous la bannière de « l‘unité nationale » et de la « souveraineté », mais il devient de plus en plus difficile de le faire. Perdant du terrain au profit de QS à gauche et de la CAQ à droite, le PQ s’enfonce en tentant de plaire à tout le monde.

Par exemple, le nouveau chef du PQ, Jean-François Lisée, a même invité QS à former une alliance, supposément pour vaincre les libéraux. En même temps, afin de couvrir son flanc droit, Lisée s’est servi de l’islamophobie et du racisme, notamment lorsqu’il a parlé du besoin d’un débat sur l’interdiction de la burqa au Québec. Il a également annoncé que la souveraineté ne serait pas à l’ordre du jour avant 2022.

Un sondage du journal Le Devoir datant de mars dernier montrait que 65% des Québécois-es sont insatisfaits du Parti libéral. De plus, 50% des personnes sondées étaient d’accord avec le sentiment exprimé par GND lorsqu’il a annoncé qu’il se présenterait pour QS, soit qu’« il faut sortir la classe politique qui nous gouverne depuis 30 ans, car elle a trahi le Québec ». Cela montre l’énorme colère qui existe à l’endroit des deux partis de l’establishment, ce qui ne devrait pas nous surprendre. Au cours des 18 dernières années, les mesures d’austérité sont venues tant du Parti québécois que du Parti libéral. Ce rejet du statu quo se reflète dans le fait que de plus en plus de travailleurs-euses et de jeunes rejettent le vieux débat fédéraliste-souverainiste entre les libéraux et le PQ.

Au cours de la dernière année, les libéraux ont ralenti leur programme d’austérité. Ils tentent maintenant de donner quelques miettes à la classe ouvrière afin d’acheter l’élection l’an prochain. Le dernier budget présenté en mars, qualifié de « budget de l’espoir », donne des congés fiscaux à la classe ouvrière et abolit la taxe santé honnie qui avait été mise en place par le gouvernement libéral précédent.

Cela ne veut pas dire, bien sur, que l’austérité est terminée au Québec. L’économie québécoise, malgré une récente reprise, n’est pas en santé. Le gouvernement est lourdement endetté, et l’économie provinciale est extrêmement vulnérable aux chocs économiques dans le reste du pays et au protectionnisme de nos voisins du sud. Cela signifie que la classe capitaliste du Québec, bien qu’elle puisse tolérer une pause de l’austérité par opportunisme politique, va de nouveau demander des coupes massives à quiconque formera le gouvernement en 2018.

La montée du populisme de droite au sein de la CAQ et du PQ est le reflet de la crise du nationalisme, qui à son tour est le reflet de la crise générale du capitalisme. Le massacre par un terroriste de droite au Centre islamique de Québec en janvier dernier est un symptôme du profond malaise dans la société québécoise, et est le résultat direct de cette rhétorique raciste qui a été attisée par les politiciens mainstream dans la province. Le massacre a été suivi d’un élan de solidarité avec des vigiles de masse, ce qui représente un sain rejet par la classe ouvrière des politiques racistes et réactionnaires qui ont été promues au cours de la dernière période dans la province.

La montée de la rhétorique xénophobe au PQ et à la CAQ a permis aux libéraux de se présenter comme les défenseurs des anglophones et des immigrant-es. Malgré la haine très répandue à l’endroit des politiques d’austérité, de la corruption et de la manipulation par les libéraux, ceux-ci ont réussi à maintenir leurs appuis en raison des scissions au sein du mouvement nationaliste. Ce que nous pouvons voir au Québec, c’est un vide politique à gauche qui ne demande qu’à être rempli.

Au cours des dernières années, QS a été incapable de devenir un pôle d’attraction clair pour la classe ouvrière et la jeunesse. Cependant, cela pourrait changer. L’élan récent autour du parti après que GND eut annoncé son intention de se présenter sous sa bannière montre le potentiel qui existe dans la province. Alors qu’il a gagné 7,6% du vote en 2014, le parti oscille maintenant autour de 12-14%, et le nombre de membres est passé de 10 000 à 16 000. GND, probable nouveau co-porte-parole du parti [maintenant élu, NDT], était le leader principal de la grève étudiante de 2012. Si GND et son parti réussissent à se concentrer sur les principaux enjeux de classe qui préoccupent les jeunes et les travailleurs-euses dotés d’une conscience de classe, un tremblement de terre politique comme celui de Mélenchon en France serait à l’ordre du jour pour les prochaines élections.

Malheureusement, GND a clairement reculé comparé à ses positions plus radicales de 2012. Tandis qu’il s’est attaqué aux élites du secteur privé, notamment avec le scandale autour de Bombardier, il a été vague quant à son programme et ses propositions. Il a dit qu’il était ouvert et même favorable à une alliance électorale avec le PQ sous certaines conditions. GND a aussi perdu beaucoup de temps à parler d’une fusion avec le minuscule parti nationaliste Option nationale, qui se situe à la droite de QS.

Malgré les vacillements de GND, son image radicale, largement exagérée par les grands médias qui l’ont comparé à Marx et Castro, ainsi que son statut de jeune outsider face à l’establishment politique contribuent à la montée des appuis pour Québec solidaire. Nos perspectives de 2016 expliquaient ce processus à l’avance :

« La situation actuelle ne peut durer pour toujours. Tôt ou tard la radicalisation des masses doit trouver une expression politique. Jusqu’à maintenant la direction de QS a été incapable de faire du parti le centre d’attraction politique pour la grogne qui règne massivement dans la société. Il est toutefois possible, malgré les leaders du parti, que QS devienne un canal pour la colère des masses. Cela pourrait être le cas lors de la prochaine campagne électorale provinciale en 2018. »

Premiers signes d’une polarisation politique au Canada

Tandis que la plus forte polarisation politique au pays se constate au Québec et en Alberta, un processus semblable peut être observé à travers le pays. Les courses à la chefferie au NPD et dans le Parti conservateur ont vu les candidats présenter des programmes qui reflètent un tournant vers la gauche réformiste, d’une part, et vers le populisme de droite, d’autre part.

Les candidatures de Kellie Leitch et de Kevin O’Leary (qui a abandonné en cours de route) sont un reflet des phénomènes que nous avons vu aux États-Unis avec Trump et en Grande-Bretagne avec les partisans du Brexit. O’Leary se présentait lui-même comme un homme d’affaires fils de ses œuvres et un outsider politique tandis que Leitch a repris une rhétorique xénophobe et défend des politiques anti-immigration.

La course à la chefferie au NPD a été marquée par un tournant au ralenti vers la gauche par lequel les trois candidats de la bureaucratie ont entre eux présenté quelques revendications de gauche, comme l’éducation gratuite, un programme de construction de logements abordables, un revenu de base universel et même un discours qui inclut des références à la « classe ouvrière ». Niki Ashton a adopté le rôle de la candidate de gauche et présente un programme qui ressemble sur certains points à celui de Bernie Sanders pendant les primaires. Jusqu’ici, Ashton a été incapable de produire un élan clair autour de sa campagne. Cela s’explique principalement par sa réticence à concrétiser sa campagne et par le fait qu’elle manque la ferveur anti-système de personnages comme Sanders ou Mélenchon.

Il est très peu probable qu’à ce stade nous puissions voir un afflux de masse venant de l’extérieur vers le NPD (comme nous avons pu le voir en Grande-Bretagne avec la campagne pour la chefferie de Jeremy Corbyn). Au sein des membres actuels du NPD, cependant, il existe un sentiment de frustration à l’égard de la direction du parti, et il serait possible de les mobiliser autour d’un programme socialiste audacieux et d’une campagne partant de la base du parti.

En Ontario, 14 ans de règne libéral ont laissé un goût amer dans la bouche des gens. La colère due au travail précaire, aux coûts d’électricité qui ont monté en flèche après la privatisation d’Hydro One, aux coûts exorbitants des logements et aux scandales de corruption et de pratiques de collectes de fonds des libéraux a mené à un taux d’approbation de seulement 12% pour Kathleen Wynne. Il est très peu probable que les libéraux vont s’accrocher au pouvoir, et des luttes intestines acharnées se déroulent déjà au sein des échelons les plus élevés de l’establishment du parti.

Les progressistes-conservateurs sont les actuels meneurs pour les élections de 2018. Cependant, cela s’explique surtout par la colère envers les libéraux, et le chef des progressistes-conservateurs, Patrick Brown, reste très peu connu. Le NPD ontarien (NPDO) pourrait aussi gagner malgré la direction réformiste et peu inspirante d’Horwath. Le NPDO a dévoilé quelques-unes des mesures centrales de son programme lors de son plus récent congrès, dont l’assurance-médicaments universelle (qui n’est pas en réalité universelle), le salaire minimum à 15$ et la renationalisation d’Hydro One (par rachats d’actions au prix courant). La participation des membres de la base est faible, mais ces réformes limitées représentent un modeste tournant vers la gauche qui pourrait permettre au parti de canaliser un peu de la colère qui règne dans la province.

Le NPD de la Colombie-Britannique semblait en voie de remporter les élections, étant constamment en tête dans les sondages au début de la campagne. Les libéraux sont très haïs après 16 ans de règne, notamment en raison de leur corruption et de leur soutien inconditionnel aux patrons. Cependant, le NPD britanno-colombien a réussi encore une fois à finir deuxième derrière les libéraux, et le Parti vert a fait des gains importants et détient maintenant la balance du pouvoir avec trois députés. Alors que le NPD a fait quelques propositions de réformes qui représentent un tournant très modeste vers la gauche, le parti a été perçu comme un parti de l’establishment en raison de son habitude historique de faire campagne et gouverner à droite. Dans un contexte de cynisme généralisé envers les vieux politiciens, les gens n’ont pas cru que le NPD aurait réellement appliqué ces réformes mineures, même si elles sonnaient bien sur le papier. Les verts, d’un autre côté, n’ont pas été perçus comme un parti de l’establishment et ont empoché des gains en conséquence.

La campagne réformiste de Horgan a donc échoué à susciter l’engouement et le NPD a encore une fois échappé la victoire. Un gouvernement minoritaire ou de coalition est maintenant à l’ordre du jour puisqu’il manque un siège aux libéraux pour avoir la majorité (sous réserve d’un recomptage des voix et des bulletins des électeurs absents). Cela montre l’étroitesse d’esprit de la bureaucratie du NPD, qui a été incapable d’apprendre de ses erreurs que la modération est fatale. Que le gouvernement minoritaire ou de coalition soit formé par le NPD ou les libéraux, le parti au pouvoir sera très probablement confronté à un ralentissement de l’économie.

La Colombie-Britannique s’est trouvée en tête des provinces sur le plan de la croissance du PIB au cours des quelques années passées, mais cette croissance s’est fondée presque entièrement sur le boom immobilier. Le ralentissement du marché de l’immobilier, qui compte pour 40% du PIB de la province, aura des conséquences désastreuses à un moment ou un autre. Les tarifs douaniers récemment imposés par Trump sur l’exportation de bois d’œuvre vont aussi avoir de graves répercussions sur l’économie britanno-colombienne, qui compte pour 60% des exportations de bois d’œuvre du Canada. Confronté à un marasme économique et armé d’un programme réformiste modéré, un gouvernement NPD se trouverait à devoir gérer la crise et le recul des conditions de vie qui l’accompagnerait.

Dans les deux autres provinces productrices de pétrole, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador, des programmes d’austérité graves ont été imposés en réponse au ralentissement économique. Au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, des coupures et des licenciements ont aussi été appliqués. Cela crée les conditions pour une grande polarisation sociale dans ces provinces, ainsi qu’éventuellement une reprise de la lutte des classes. À Terre-Neuve-et-Labrador, une première vague de luttes s’est déroulée au cours de 2016, sous la bannière du mot-clic #NLrising, qui s’est même répandue jusque dans les petites villes à travers la province.

Comme nous l’expliquions immédiatement après l’élection de Trudeau, la lutte des classes tend à se dérouler plutôt à l’échelle provinciale, étant donné les fortes illusions à l’égard des libéraux au fédéral. La lutte des classes dans les différentes provinces se déroule à différents rythmes, mais il y a un processus général de polarisation à gauche et à droite et un sentiment grandissant de colère envers les partis politiques qui ont dirigé lors de la dernière période. La lutte des classes en dehors du Québec est en général à une étape précoce. La responsabilité pour le retard dans la lutte en incombe entièrement au NPD et aux syndicats. Les organisations des travailleurs n’ont donné aucune forme de direction pour lutter contre les problèmes et les pressions croissantes auxquels est confrontée la classe ouvrière.

Toutefois, le mouvement syndical au Canada anglais entre dans une phase intéressante. Les premières lignes de démarcation commencent à se révéler entre la gauche et la droite au sein des syndicats, sous la pression de la colère envers la bureaucratie lâche et cupide. Après des années passées à accepter les concessions et des reculs sur les droits des travailleurs, la base commence à résister. La collusion entre la bureaucratie syndicale et les libéraux ontariens et fédéraux suscite aussi un mouvement de rejet de la part de la base. Cette frustration s’exprime par des votes de grève forts, le rejet des accords de principe proposés par les directions syndicales, des appuis grandissants aux candidats d’opposition, et une méfiance profonde envers les cliques dirigeantes à la tête des syndicats. On a pu observer ce sentiment chez les travailleurs-euses de la Toronto Transit Commission avec le récent scandale entourant les luttes intestines au sein de la direction du syndicat. Lors d’une assemblée qui a fait salle comble, les travailleurs-euses ont affirmé leur dégoût envers la direction du syndicat, et les travailleurs-euses réclamant de nouvelles élections pour tous les postes ont été couverts d’applaudissements. Cette frustration a aussi été observée avec le rejet de l’accord de principe recommandé par la direction d’UNIFOR à 5000 travailleurs-euses de l’automobile à Oakville, en Ontario. Il s’agit d’un processus important, qui renversera éventuellement les barrières érigées par les directions syndicales.

La radicalisation de la jeunesse est un présage de la tempête à venir

La jeunesse canadienne connaît depuis peu un processus de radicalisation. Confrontée à des possibilités économiques réduites, à un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne nationale, à de lourdes dettes et à des logements à des prix inabordables, cela ne devrait pas surprendre. Les jeunes se radicalisent aussi à cause de la crise sociale générale et des événements à l’échelle mondiale tels que la crise des réfugiés, les guerres impérialistes, le populisme d’extrême droit, le racisme et le nationalisme, le sexisme et la violence contre les femmes. Trump a été un facteur très important ayant poussé les jeunes à gauche, tout comme l’est la montée des politiques populistes de droite au Québec, au sein du Parti conservateur fédéral et en dehors de la politique traditionnelle avec l’émergence d’organisations d’extrême droite.

Ce processus de radicalisation est particulièrement prononcé chez les plus jeunes : les élèves des écoles secondaires et des CÉGEPS et ceux qui en sortent. Ils ont grandi dans un monde qui semble irrationnel, injuste et malade. Même les jeunes en fin vingtaine et début trentaine peuvent se rappeler d’une époque pendant laquelle le capitalisme était florissant et beaucoup ont vu leurs parents connaître des progrès. Les plus jeunes n’ont que l’inégalité, l’insécurité et la crise comme point de référence. Cela crée un sentiment de rébellion et d’hostilité contre le statu quo qui encourage à chercher des idées qui peuvent offrir une solution de rechange.

Au Québec, la situation chez les jeunes est très avancée. Les grands événements de 2012-2015 et les leçons importantes de cette expérience sont gravés dans la conscience d’une grande partie de la jeunesse. Les jeunes comprennent que les mobilisations de masse sont possibles et qu’à travers une lutte collective le gouvernement et la police peuvent être défiés et même vaincus. Ils ont aussi vu qu’en dépit du renversement du gouvernement libéral en 2012, pas grand-chose n’a réellement été accompli. Bien que quelques-uns en ont tiré des conclusions pessimistes, la plupart cherchent des solutions radicales, se demandant ce qui a échoué lors de la dernière période de lutte. Les succès du mouvement marxiste au Québec suggèrent qu’un tel processus de radicalisation et d’introspection a lieu parmi les couches les plus avancées de la jeunesse.

Les marxistes canadiens ont longtemps prêché dans le désert, expliquant que la crise du capitalisme arriverait ici et que la contagion de la lutte des classes doit l’accompagner. Au début, nous soulignions les processus en Amérique latine dans les années 2000. Depuis 2011, nous avons attiré l’attention vers les Révolutions arabes et surtout vers la vague de luttes en Europe du Sud. Ces dernières années la lutte des classes et la polarisation sociale se sont répandues en Grande-Bretagne et aux États-Unis, deux bastions historiques de la stabilité capitalistes. Aujourd’hui, on peut difficilement prétendre que le Canada peut rester un îlot de stabilité dans un système capitaliste mondial confronté à une crise organique prolongée.

Garder une vision à long terme de l’histoire a permis aux marxistes de bâtir une organisation modeste, mais solide. Ce difficile travail à contre-courant a été vital pour préparer nos forces à la période de lutte des classes qui s’ouvre. Ceux qui partagent notre analyse et qui soutiennent la lutte pour le socialisme devraient nous rejoindre dans la construction d’un mouvement révolutionnaire maintenant, pendant que règne encore le calme qui précède la tempête, afin que nous soyons prêts à intervenir résolument lorsque la tempête éclatera.