Le gouvernement conservateur de Doug Ford en Ontario a vu ses appuis chuter drastiquement. Et pourtant, le régime tient toujours debout. À moins que les dirigeants syndicaux ne jouent leur rôle et organisent un mouvement vers une grève générale ontarienne, les travailleurs et tous les opprimés auront à subir trois autres années d’attaques. Il est inacceptable de laisser ce régime haï en place. Ce gouvernement est faible et impopulaire. Il faut une grève générale pour renverser Ford.
Les Ontariens se sont fait mentir en plein visage et sont en colère. Doug Ford a remporté l’élection provinciale de juin 2018 sous la fausse promesse de couper six milliards de dollars en « gains d’efficacité ». Il a fait croire aux gens qu’il n’y aurait ni coupes et ni emplois perdus. Il s’agissait d’une manoeuvre cynique de la garde rapprochée de Ford. Mais les gens ont compris à une vitesse fulgurante que ce n’était que mensonges.
Ford a gagné 40,5% des votes en juin 2018, mais il est maintenant plus impopulaire que l’ancienne première ministre libérale, Kathleen Wynne. Soixante-dix pour cent des personnes ayant voté pour Ford ont rapporté avoir voté conservateur non pas par appui au parti, mais parce qu’ils souhaitaient se débarrasser de Wynne. Mais maintenant, ils ont découvert que le remède est pire que la maladie. Un an après l’élection, le taux d’appui net envers Ford est de -53,5%, comparé à -35,3% pour Wynne seulement quelques semaines avant qu’elle perde le pouvoir.
Il n’est pas difficile de comprendre d’où vient la chute des appuis envers Ford. La liste complète des mesures de Ford a de quoi choquer, mais voici les vingt pires depuis le début de son règne chaotique. Doug Ford a :
1. Réduit le budget de la gestion des inondations de 50% alors que des inondations frappaient la province;
2. Coupé plus de 700 projets d’énergie verte;
3. Annulé l’ouverture de centres de prévention des surdoses en pleine crise des opioïdes;
4. Coupé 200 millions de dollars dans le budget des bureaux de santé publique qui avaient été créés en réponse à la contamination de l’eau à Walkerton en 2000;
5. Ramené les cours d’éducation sexuelle à ce qu’ils étaient dans les années 90, mettant en danger les jeunes LGBTQ;
6. Coupé dans les services aux Franco-Ontariens et annulé l’ouverture d’une première université francophone;
7. Protégé les racistes et les homophobes sur les campus tout en s’attaquant au droit de manifester;
8. Coupé dans le Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario;
9. Attaqué le financement des syndicats étudiants;
10. Coupé le budget des universités et annulé la création de trois nouveaux campus;
11. Augmenté la taille des salles de classe de six élèves en moyenne, menant à des milliers d’emplois d’enseignant perdus;
12. Coupé dans les programmes d’éducation sur l’histoire autochtone commandés par la Commission de vérité et réconciliation;
13. Coupé de 30% l’aide juridique et coupé l’accès au système pour les réfugiés;
14. Coupé de moitié le conseil municipal de Toronto;
15. Imposé une coupe de budget de 4% pour les commissions scolaires et annulé 100 millions de dollars en réparations d’écoles;
16. Coupé un milliard de dollars en services sociaux;
17. Annulé la hausse du salaire minimum à 15$ l’heure;
18. Abandonné le projet de loi visant à garantir l’équité salariale entre les travailleurs à temps plein et à temps partiel;
19. Retiré le contrôle des loyers;
20. Coupé les paiements aux travailleurs accidentés de 30%.
Et pourtant, malgré l’impopularité immense du gouvernement, la réponse jusqu’à présent a été faible et disparate. Jamais auparavant un gouvernement ontarien n’est devenu aussi instable en si peu de temps sans toutefois faire face à une opposition organisée. En seulement un an, Ford et ses acolytes sont devenus moins populaires que les gouvernements de Bob Rae et Kathleen Wynne à leur plus bas. Mais ils tiennent le coup à cause de l’absence d’une riposte coordonnée.
La réalité est que jusqu’à présent, les dirigeants des syndicats manquent à leur devoir de coordonner un mouvement contre Ford. Par exemple, en mars, le président de la Fédération du travail de l’Ontario, Chris Buckley, a expliqué avec difficulté qu’aucune grève politique contre le régime conservateur n’était prévue, et certainement pas une grève générale.
Puis, en mai dernier, lors du congrès du chapitre ontarien du Syndicat canadien de la fonction publique, celui-ci a adopté à l’unanimité une résolution déposée par des militants de La Riposte socialiste, qui par laquelle le syndicat s’engage à établir un plan pour défier les fameuses lois de retour au travail. Pourtant, immédiatement après, l’exécutif s’est catégoriquement opposé aux tentatives des militants socialistes d’amender le plan d’action du syndicat afin de concrétiser cette résolution. Certaines personnes ont même dit que le syndicat ne pouvait rien faire qui contrevienne à la loi. On se demande pourquoi ces gens ont voté pour la résolution au départ! Pensaient-ils qu’ils s’engageaient à défier des lois contenant une clause prévoyant qu’il est légal d’y désobéir? En réalité, les syndicats n’existeraient pas aujourd’hui, et les dirigeants syndicaux d’aujourd’hui n’auraient aucun de leurs privilèges, si les travailleurs n’avaient pas défié des lois antisyndicales par le passé.
Il est parfois à se demander pourquoi les dirigeants syndicaux reçoivent des salaires dans les six chiffres et sont assis sur des millions de dollars de cotisations syndicales, simplement pour laisser les élèves des écoles secondaires organiser des manifestations à leur place. Si les dirigeants syndicaux ne veulent pas se battre, ils doivent laisser leur énorme chèque de paie et leur compte de dépense à ceux qui veulent le faire.
Pourtant, la démonstration a été faite que les gens sont prêts à lutter. Au printemps dernier, il y a eu une manifestation de 50 000 personnes pour l’éducation publique à Queen’s Park, suivie d’une manifestation de 10 000 personnes contre les coupes et la privatisation en santé, tandis que plus de 100 000 élèves du secondaire ont débrayé en riposte à l’augmentation de la taille des salles de classe. La frustration devant le manque d’action des dirigeants syndicaux a même mené à une manifestation spontanée le 1er mai, où 2000 personnes demandaient une grève générale. Le mouvement cherche désespérément un moyen de renverser ce gouvernement détesté.
Il y a deux fronts importants où un conflit peut émerger cet automne. Les étudiants universitaires qui rentrent en classe en septembre seront les premiers à souffrir des coupes au Régime d’aide financière qui permet aux étudiants à faible revenu d’aller à l’université. Il est possible qu’une grève étudiante contre ces coupes soit déclenchée sur différents campus. Par exemple, les militants de la Riposte socialiste étudiante à l’Université Ryerson ont réussi à faire adopter une résolution qui engage le syndicat étudiant à organiser des assemblées générales et des grèves à l’automne. Il est essentiel que le mouvement ouvrier soutienne les étudiants universitaires et rejoigne leur grève.
Mais le front le plus important risque fortement d’être les écoles secondaires. Plus de 5000 emplois d’enseignant risquent d’être supprimés par l’augmentation de la taille des salles de classe. Cela coïncide avec la renégociation de la convention collective des enseignants, où la taille des salles de classe est le principal enjeu. Un grand affrontement se prépare : les enseignants sont contre ce changement, les parents y sont opposés, et les élèves s’y opposent aussi, comme le débrayage l’a démontré, mais le gouvernement est têtu et veut aller de l’avant. Une grève des enseignants serait extrêmement populaire. Mais celle-ci ferait certainement face à une loi de retour au travail visant à briser le mouvement.
Le syndicat des enseignants fera face à un choix : soit défier la loi de retour au travail avec l’appui des parents et des élèves, ou capituler misérablement. Il est également possible que si les dirigeants syndicaux traînent les pieds, les élèves ne l’acceptent pas et débrayent quand même. Il est crucial que la base des syndicats, unie aux élèves et aux parents, ne laisse pas le mouvement être trahi ou freiné par le haut. Si les enseignants défient la loi, ils ne peuvent être laissés à eux-mêmes. Le reste du mouvement syndical doit rejoindre la grève illégale avec l’objectif de construire une grève générale de solidarité. Les élèves, les enseignants et les parents peuvent répandre le mouvement à d’autres lieux de travail. De telles actions peuvent mener au renversement du gouvernement. Des comités d’action enseignants-parents-élèves peuvent permettre d’y arriver. Ce qu’il nous faut par-dessus tout est une direction, du courage, et l’audace de prendre les actions nécessaires.
Nous ne pouvons pas demeurer les bras croisés pendant trois ans et attendre l’élection de 2022 pour mettre fin à la destruction de nos acquis entamée par Ford. Un plan d’escalade des moyens de pression doit être mis sur pied : des manifestations de masse, des grèves partielles, sectorielles et régionales menant vers une grève générale ontarienne d’un jour pour renverser les coupes et faire tomber le gouvernement Ford. Ce mouvement doit être contrôlé par la base et inclure tous les secteurs : étudiants universitaires et élèves du secondaire, représentants communautaires, groupes de femmes, d’immigrants, d’autochtones et des autres groupes opprimés. Toute la classe ouvrière, syndiquée et non syndiquée, doit avoir une voix au chapitre. Nous devons bâtir dès maintenant un mouvement vers une grève générale d’un jour contre les coupes. Nous devons être prêts à entrer en grève de solidarité pour appuyer les travailleurs qui défient une éventuelle loi de retour au travail. Il nous faut une grève générale pour renverser le gouvernement conservateur de Doug Ford!